Hier, le Conseil Famille et société de la Conférence des évêques
de France a publié un document intitulé « Élargir le mariage aux personnes
de même sexe ? Ouvrons le débat ! » et destiné à mettre en ordre
les arguments des autorités de l’Église de France contre le mariage et l’adoption
pour les couples homosexuels.
On peut reconnaître à ce texte plusieurs qualités, en particulier
une certaine mesure dont d’autres adversaires de cette réforme, comme l’Institut
Civitas, ne se sont pas encombrés. Il reste néanmoins truffé d’erreurs, d’approximations
et de raccourcis, et mérite donc une réponse.
La première erreur, sorte de péché originel du texte, se
situe dès l’exposé des positions en présence. Le Conseil écrit en effet que
pour les partisans du mariage homosexuel, « le mariage […]
n’aurait pas une nature propre ou une finalité
en soi ; il ne serait chargé que du sens que l’individu […] voudrait bien lui
conférer ». C’est l’erreur que je dénonce depuis le début de ce débat ;
je ne suis pas d’accord avec l’idée que
se fait le Vatican de la nature ou de la finalité du mariage, mais cela ne
signifie pas que pour moi, il n’a pas de nature propre ou de finalité en soi !
La seconde erreur est encore un raccourci
logique abusif. Que l’altérité sexuelle soit fondamentale dans l’humanité, soit,
c’est une évidence que, fort heureusement, peu de gens remettent en question. Que
cette altérité soit une richesse, je n’en disconviens pas. Qu’elle soit
différente par nature, et pas seulement par degré, des autres formes d’altérité
qui traversent l’humanité (les couleurs de peau, les religions, les langues
etc.), on peut encore l’admettre. Mais comment passe-t-on de ce constat à l’idée
que le mariage doive forcément être réservé aux personnes de sexes différents ?
Pourquoi le mariage devrait-il n’être fondé que sur cette altérité fondamentale ?
Il y a là un prétendu lien de cause à conséquence qui n’est jamais explicité.
Une tentative de l’expliciter (la seule, à
dire vrai) est bien lancée avec l’idée que « dans l’expérience humaine,
seule la relation d’amour entre un homme et une femme peut donner naissance à
une nouvelle vie » ou que « l’accueil des enfants nés de cette union
de vie fait partie intégrante de cet engagement » dont la profondeur « confère
au mariage sa haute valeur symbolique ». Mais cet argument est intenable
pour deux raisons au moins.
La première, c’est que de nos jours, il est
justement de plus en plus facile de donner naissance sans passer par une
relation sexuelle entre un homme et une femme. Il n’est pas encore légal, et je
n’y suis personnellement pas du tout favorable, mais demain, le clonage humain pourra
donner naissance à la vie humaine sans passer par l’altérité homme/femme.
La seconde, c’est que cet argument est basé
sur l’idée que mariage est un lien devant obligatoirement contenir la possibilité au moins de donner la vie.
En toute logique, et avec une telle définition, le mariage devrait donc être fermé
aux personnes stériles, que la stérilité soit due à un problème physiologique
ou tout simplement à l’âge : en effet, une femme ménopausée est tout aussi
incapable qu’un homosexuel de donner la vie ; en fait, elle l’est même bien
davantage. Un couple entre un homme et une femme ménopausée, ou un couple dont
l’un des membres est stérile, devra, pour donner naissance à une vie nouvelle, avoir
recours soit à la technique, soit à une tierce personne, exactement de la même manière qu’un couple homosexuel. Si les évêques
dénoncent la « vision très individualiste du mariage » qui serait
celle des couples homosexuels « au regard de la procréation naturelle »
(aucune autre raison n’étant invoquée
pour justifier cette qualification), que ne font-ils de même envers les personnes
stériles ?
C’est ce manque de cohérence qui fait s’écrouler
comme un château de cartes tout le reste de l’édifice théorique que prétend
construire la Conférence des évêques de France. Car tout le reste en découle.
Ainsi, l’idée selon laquelle « il ne faudra pas que le législateur prenne
l’initiative d’organiser l’impossibilité de connaître [les parents des enfants]
ou [qu’ils soient] élevés par eux » devrait en toute logique s’appliquer
tout autant aux couples stériles qu’aux couples homosexuels.
Par ailleurs, la CEF nous accuse de « gommer »
la différence entre hétérosexuels et homosexuels, entre mariage homosexuel et
mariage hétérosexuel. Mais nous ne cherchons certainement pas à « gommer »
quoi que ce soit. Oui, les différences existent, et oui, elles sont une bonne
chose ! D’ailleurs, si elles sont si bonnes, l’Église catholique ne
devrait-elle pas considérer l’homosexualité comme telle, plutôt que de la
condamner comme un désordre contre-nature ? Nous ne nions pas les différences ;
nous affirmons seulement que la différence entre l’union de deux hommes, de
deux femmes ou d’un homme et d’une femme, pour réelle qu’elle soit, ne nous
semble pas suffisante pour refuser d’appeler les deux premières « mariages ».
De la même manière que l’union de deux catholiques n’est certainement pas exactement
la même chose que l’union d’une athée et d’un catholique, sans pour autant que
cette différence nécessite l’emploi d’un terme différent.
Bref, cette accusation est encore et toujours un
raccourci logique abusif : le Conseil Famille et société tente d’assimiler
une revendication d’égalité à une volonté de gommer des différences objectives,
alors même que cette volonté n’est que le fait d’une minorité de militants et n’a
strictement rien à voir avec la revendication d’égalité elle-même. On peut
parfaitement revendiquer le même traitement pour des choses qu’on reconnaît différentes !
Contrairement à ce que prétendent les autorités ecclésiastiques, nous ne
passons sous silence ni les réalités anthropologiques, ni les droits de l’enfant,
et nous ne pensons pas que le bien commun se réduise à la somme des intérêts
individuels ; mais de toutes ces notions, nous avons seulement une autre
vision qu’eux.
Enfin, le Conseil Famille et société examine
les conséquences juridiques potentielles de la réforme, en particulier la question
de la présomption de paternité. Mais c’est là encore un faux problème. Dans un
mariage hétérosexuel, lorsque le père est stérile, que se passe-t-il ? Je
ne suis pas juriste, mais de deux choses l’une : ou bien la présomption de
paternité continue à s’appliquer, auquel cas on est déjà dans le « mensonge
sur les origines de la vie » que dénonce la CEF, et on voit bien que le problème
n’a rien à voir avec la question de l’homosexualité ; ou bien elle ne s’applique
pas, et alors on a déjà « deux types de mariages », toujours sans que
cela ait quoi que ce soit à voir avec l’orientation sexuelle des parents. Les questions
connexes de la PMA et de l’adoption plénière se régleront donc exactement de la
même manière.
Pour ma part, je ne veux
donc pas même entrer dans le débat de savoir si le refus du mariage homosexuel
est ou n’est pas systématiquement de l’homophobie ; et je veux encore
moins, ici, discuter de la demande surréaliste que fait l’Église aux
homosexuels de vivre leurs amours dans la chasteté. Il me suffit de voir que
les opposants à cette réforme n’ont en fait à l’appui de leur refus pas le
moindre argument qui tienne un tant
soit peu face à un examen rigoureux. Si une réforme va dans le sens d’une plus
grande égalité entre les hommes et ne
s’oppose en rien à un intérêt supérieur, elle doit être tenue pour bonne, voilà
tout.
Meneldir
RépondreSupprimeril n'y aura probablement pas que le clonage qui est pour moi une voix non humaine , mais j'espère la possibilité, qui est à l'étude, de la méiose pour des cellules non sexuelles ce qui permettrait d'obtenir des gamètes à partir de cellules autres .
cela pourrait être un vrai traitement des stérilités ovariennes ou testiculaires .
restera le problème pour les hommes homosexuels de la gestation pour autrui qui est à mon sens un problème d'une beaucoup plus grande complexité.