Le plus dur quand on est catholique pratiquant (comme moi),
c’est de devoir faire face aux autres catholiques pratiquants. Charlie Hebdo avait fait scandale avec son
fameux dessin représentant Muhammad se cachant les yeux devant des extrémistes
islamistes et se désolant : « C’est dur d’être aimé par des cons… » ;
je crois que là, on peut faire pareil avec Jésus ou même Dieu le Père face à l’avalanche
des attaques des bigots bien de chez nous.
Mais qu’est-ce qu’ils ont tous ? On dirait un coup
monté. Depuis des mois maintenant, par petites interventions lancinantes,
régulières, dans la presse, à la télé, sur les blogs, comme un hoquet qu’on
oublie et qui n’en finit de vous pourrir une belle après-midi, tout ce que la
fille aînée de l’Église (tu parles…) compte de cul-cul, de gnan-gnan, de
plan-plan, de popotte, semble s’être passé le mot pour forcer les derniers rescapés
des gastros de l’été à vomir ce qu’il leur reste de tripes après les churros
frelatés des plages landaises.
On avait eu Philippe Arino, homosexuel qui va clamant sur
toutes les chaînes de télé que décidément, l’abstinence, c’est le top, et
écrivant que la masturbation « dit une relation à soi-même consumériste »
puisqu’on « se place en principale source de son propre plaisir » (et
c’est mal, ça, mon Philippe ? tu saurais m’expliquer pourquoi, des fois ?).
On avait eu Natalia Trouiller écrivant sur son blog,
Nystagmus, un billet intitulé « Sexe : et si l’Église avait raison ? »,
billet qui a fait hurler de rire ou de terreur tout ce que le Net compte de réseaux
sociaux : elle y vantait sa vie sans contraception réelle, affirmant que
le contraire, la privant de son rôle de mère, reviendrait à une « amputation »
(fichtre, rien que ça), et que la contraception était « un esclavage »,
puisqu’elle mettait « votre sexualité sous le contrôle d’un toubib ».
A ce compte-là, la médecine tout entière elle-même serait donc une vaste traite
négrière moderne, puisque après tout, si je vais voir un médecin pour qu’il
soigne ma grippe, je mets aussi ma santé sous son contrôle. Et elle nous
expliquait bravement, pour finir, que « la masturbation génère la
frustration » et « ne peut pas nous rendre heureux ».
On avait eu Pneumatis, homme marié et père de famille, toujours
son blog, faisant un « éloge de l’abstinence » et nous blablatant qu’il
« ne peut y avoir de sexualité vraie sans abstinence volontaire »
pour apprendre à « me dominer moi-même » plutôt que de « dominer
l’autre ». Dans un gloubiboulga pseudo-philosophique, il opposait la
volonté libre à la concupiscence, comme si la volonté ne pouvait pas librement
choisir de suivre ce qu’il appelle la concupiscence. Puis, sans doute
complètement défoncé au LSD ou à quelque chose de pire, il demandait non
seulement qu’on restât vierge jusqu’au mariage, mais encore de « poursuivre
[…] par une continence volontaire les premiers jours du mariage » parce
que « Dieu veut que nous voulions la virginité ». On a repoussé les
limites, là.
Bref, une vraie attaque coordonnée de laïcs de différentes situations
mais tous désireux de prouver que oui oui, ils vivaient bien, et avec bonheur,
selon l’enseignement et le magistère de notre sainte mère l’Église
(sous-entendu : donc tout le monde peut le faire, donc c’est forcément
vraiment génial). Et je ne parle même pas du reste, de Patrick Kéchichian,
expliquant dans Le Monde que, sur le
mariage homosexuel, la position de l’Église « ne pouvait changer »
(alors qu’elle a si souvent changé sur tant de sujets, quoi qu’on en dise), et
que donc le cardinal Vingt-Trois était dans son rôle en faisant prier pour qu’on
n’autorisât pas le mariage homo, ou de Pascal-Emmanuel Gobry disant qu’il était
souvent critique de l’Église, mais que sur la sexualité, quand même, fallait
bien avouer qu’elle avait 100% raison.
Déjà, cette avalanche me donnait une furieuse envie de me
ruer sur des sites de cul, voire dans les bras réconfortants d’une (ou d’un,
tant qu’à y être) prostitué ukrainien qui m’aurait fait oublier ces bêtises. Au
lieu de ça, j’ai préféré répondre à leurs attaques. Alors :
1. Ils disent qu’on voudrait forcer l’Église à être en accord
avec notre époque, ou à se rendre plus attirante. Pas du tout. Pour ma part, je
ne suis aucune autorité de manière aveugle, qu’il s’agisse de l’Église ou du temps
présent. Je regarde la position des uns et des autres et je réfléchis. Et même
si j’aimerais évidemment que l’Église séduisît plus de monde (ce qui, en ce
moment, ne risque pas d’arriver), je n’en fais pas le but de mon action. Si je
voudrais que l’Église acceptât le mariage gay, ce n’est pas parce qu’il est à
la mode, ni pour la rendre attractive à mes contemporains ; c’est parce que
le mariage gay me semble objectivement bon et conforme à la volonté de Dieu.
2. Ils disent qu’on refuse l’idée de « loi naturelle »,
et nous taxent en conséquence de relativistes. Pas du tout. Je crois effectivement
qu’il existe une « loi naturelle », autre mot pour désigner la volonté
de Dieu. Je ne suis donc nullement relativiste : je crois qu’il y a des
choses que Dieu veut, et qu’on peut appeler « bonnes », et d’autres
qu’Il ne veut pas, et qu’on peut appeler « mauvaises ». Seulement
voilà, je ne crois pas que l’Église ait une vision correcte de cette loi
naturelle : selon moi, la loi naturelle existe bel et bien, mais le mariage
homo, l’adoption par les homos, la masturbation, les plans à quatre ou le sexe
avant le mariage sont parfaitement conformes à cette loi naturelle.
3. Ils disent que la Bible dit le contraire, et c’est vrai,
mais bon, elle interdit aussi de manger du porc ou de se raser la barbe sur les
côtés, elle autorise à posséder des esclaves et elle commande de mettre à mort
les blasphémateurs, et ils n’ont pas l’air de prendre tout ça trop au pied de
la lettre ; alors pourquoi les passages sur l’homosexualité ?
Ça aurait pu s’arrêter là, et mon post aurait été assez
long. Mais la goutte de gras qui a fait déborder mon petit vase, c’est un
article de Jean Mercier sur son blog. Une belle tête de vainqueur, lui. Peut-être
même le champion du monde. Non content d’insulter la mémoire de feu le cardinal
Martini en utilisant sa récente mort pour dire tout le mal qu’il pense de ses
prises de position progressistes (franchement, Jeannot, t’aurais pas pu
attendre un mois, le temps de faire croire que tu avais un peu de décence ?),
non content de compiler dans son texte tous les témoignages sus-cités, un peu
comme quelqu’un qui forcerait un convive déjà visiblement victime d’une
indigestion prononcée à reprendre trois fois de la blanquette de veau, ce
monsieur nous rajoute sa propre louche de crème bien épaisse à avaler sous la
forme de ses propres « arguments » (les guillemets sont, croyez-moi,
de rigueur).
Et ses arguments, comme ceux de ses petits camarades, sont
tous plus ou moins vaguement fondés sur l’idée de liberté : apparemment,
pour être libre, il faut se forcer, s’empêcher, s’arrêter, et surtout obéir,
évidemment. « Look, but don’t touch !
Touch, but don’t taste ! Taste, but don’t swallow ! », se moquait Satan dans L’associé du Diable. Tous ces gens, dans
la même veine, nous expliquent le bonheur qu’il y a à « résister librement »
à ses « pulsions ».
Eh bien à la rigueur, prenons-les au mot. Pour ma part, je
me suis fait une règle de ne pas juger la sexualité des autres : tant que
ça se passe entre adultes conscients et consentants, je pense que rien de mal ne
peut se faire. Je ne vais donc pas tomber dans les travers que je dénonce chez
eux ; je ne vais pas les qualifier de frustrés, de frigides, je ne vais
pas leur conseiller d’aller se faire soigner, je ne vais pas dire que leur
sexualité n’est pas épanouissante. Si elle les rend heureux, tant mieux pour
eux. Si ça leur plaît d’attendre, si ça les excite davantage ensuite, qu’ils le
fassent, encore que je ne vois pas bien pourquoi ils nous le racontent.
Mais par pitié, qu’ils arrêtent de considérer que ce qui est
bon pour eux est forcément bon pour tout le monde. Qu’ils arrêtent de
considérer que le chemin qu’ils suivent, eux, est forcément « le meilleur »,
comme veut absolument le croire Natalia Trouiller. Et que l’Église, avec eux, s’écoute
un peu elle-même, et nous laisse enfin vraiment libres de vivre notre sexualité comme on l’entend, tant qu’on reste
entre adultes libres et consentants.
Il y a peu de chances qu’ils m’écoutent. Dominique Noguez, dans
une chronique du Monde du 1er septembre, parle avec une terrible
justesse de « l’infini plaisir » qu’ils ont à « mettre leur nez dans
les affaires intimes des autres » : « Parler à la place d’autrui,
c’est le fond de leur marotte. […] Mais ce n’est pas tout. Il ne leur suffit
pas d’avoir barre sur les consciences, il leur faut aussi les corps. […] Ils
sont de l’antique et increvable armada des fouille-culottes, de ceux qui s’intéressent
passionnément à la sexualité d’autrui, toujours pour la surveiller, si possible
pour l’interdire, un peu pour la voir. »
Et moi, malgré mon amour infini de la liberté d’expression, je
me sens un peu comme l’Arthur de Kaamelott.
Comme à Perceval, j’ai bien envie de leur dire : « Nan mais je crois
qu’il faut que vous arrêtiez d’essayer de dire des trucs. Ça vous fatigue, déjà,
et puis pour les autres vous vous rendez pas compte de ce que c’est. Moi quand vous
faites ça, ça me fout une angoisse ! Je pourrais vous tuer, je crois. De
chagrin, hein ! Je vous jure c’est pas bien. Il faut plus que vous parliez
avec des gens. »
Merci Jacques Brel pour le titre !
RépondreSupprimerC'est la première fois que je tombe sur ce blog et je tiens a féliciter l'auteur pour cet article , ça fait plaisir de voir qu'il existe encore des croyants ouverts d'esprit , qui ne passent pas leur temps a juger et a être médisants , un comble pour les adorateurs de Jesus .
RépondreSupprimer"Si j'étais Dieu en les voyant prier...". Mais je te rappelle, Meneldil, au coup où tu l'aurais oublié, que tu n'es pas Dieu ;-)
RépondreSupprimerPhilippe Ariño
"au cas", pardon (mdr!)
RépondreSupprimerEn bref vous avez tout compris, et l'Eglise n'a rien compris. Ce que l'on a compris, c'est que vous êtes le seul catho bien, tous lmes autres sont mauvais.
RépondreSupprimerMais ce jeune homme est Église !
SupprimerWouahou ! Je suis admiratif devant tant d'humilité et devant ce débordement de charité !
RépondreSupprimerMerci pour ce billet de bon sens ! Ce qui, de surcroît, dans ses petits éloges complaisants de son mode de vie les rend détestables et malsains, c'est qu'ils se mettent dans une posture victimaire caché sous le prophétisme : "vous me reprocherez d'être cathos mais..." Alors qu'on ne leur reproche pas tant de suivre le Magistère "si cela vous rend heureux" mais d'extrapoler des choix personnels sur l'universel et d'en faire une mesure morale pour toutes les personnes, non libres, et les situations, à analyser avec compassion. Indirectement, ces billets donnent l'image la pire du cléricalisme : la modestie qui cache une profonde satisfaction et un puissant orgueil. Les contraceptisés, les pratiquant.e.s régulier.e.s du coït anal, les non continents anténuptiaux, les no sex, j'espère moi qu'ils.elles vivent de Dieu et en Lui tout autant que les chastes et respectueux d'usages dont ne sait parfois s'ils ne sont pas autant religieux que sociaux et bourgeois.
RépondreSupprimercomme croyant, jene puis que me réjouir de voir que la discussion et le débat s'installe... parfois, comme je suis expaprié de france, je regrette qu'il le fasse à la façon dont les choses se règlent dans le village d'Astérix à propos du poisson d'Ordralfabétix! mais je reconnais avoir participé à ce genre de discussion un peu parallèle parfois. les effets de style parfois gènent le fait d'avancer des arguments... genre: crainte de volée de bois vert en retour mais pas sur le fond! il faut bien reconnaitre que la vie privée , comme son nom l'indique, supporte mal quelque incursion que ce soit surtout sur le ton péremptoire de certains. par ailleurs, et pour le fond, le Verbe s'étant incarné... c'est bien parce qu'il était intéressé de nous dire quelque chose sur notre vie... la question est donc de savoir quoi (et de s'ne tenir là..comme lui , puisque là, pour lui, était l'essentiel) et puis TOUT AUSSI nécessaire de s'intéresser à SA méthode pour le dire, le comment... deux réalités basiques (dsl d'un tel rappel devant des questions si majeures) mais qui, à ne pas les respecter, font dire tout et parfois des contre- témoignages... et c'est bien cela que le concile Vatican II a déclaré être la part de responsabilité des chrétiens dans le passé dans la montée en puissance de l'athéisme et de la sécularisation... mais comme cela est écrit dans Gaudium et Spes, texte naïf et plat (aux dires de certains) ma vconviction risque de n'être même pas entendue!
RépondreSupprimerpour prendre un peu de recul avec le billet de Meneldil, je ne serai pas si tranché que cela sur le fait de dire que la vuie privée échappe à ce point à toute parole extérieure ... certes, les consciences des concernés sont seules en jeu... et il vaut mieux qu'elles soient éclairées... comment? et par qui? cela pourrait être aussi de bonnes questions! non?
En un mot comme en cent : Merci.
RépondreSupprimerEt après, ils s'étonnent de se retrouver avec 5% de pratiquants^, dont la moyenne d'âge est élevée, quasiment plus de prêtres...
RépondreSupprimerL'église catholique est en passe de devenir une secte, un groupe minoritaire qui prétend détenir, à lui seul, la vérité, qu'il faut imposer aux autres.
oui meneldil
RépondreSupprimeret oui!!
RAS LE BOL
de ces donneurs de leçons ignorants en plus
ils feraient mieux de se mettre en route avec le monde
ainsi ils deviendraient les disciples d'un certain Jésus de Nazareth sur les routes du monde
la gynéco claudne
Meneldil c´est magnifique, le ton, le style, tout. TOUT.
RépondreSupprimerTu as fait la meilleure réponse qu´on puisse faire au blog de "ce" Monsieur MERCIER.
Un Monsieur que je laisserais sur le pas de la porte s´il lui prenait fantaisie de sonner chez moi.
Lorsque je lis ces laics, il m´arrive de remercier le Seigneur de m´avoir laissée durant tant d´année dans l´ignorance de ces enseignements car je les aurais jetés carrément dans la poubelle. Je les ai appris sur le tard quand ces choses n´avaient plus d´importance.Qu´elle tristesse.
Le plaisir sexuel n´est donc pas un don de Dieu pour vous qu´il faille frustrer son conjoint pour grimper sur l´échelle de la sainteté ? Connaissent ils le péché d´avarice ? Une Eglise d´avares et d avaricieux ?
Et bien, moi, je dis MERCI à ceux qui ont su bien m´aimer sans avarice et avec savoir-faire, il y eu des jours où il y avait un avant goût d´Eternité.
Pauvres de vous .
Que connaissez vous des dons de Dieu, vous qui voulez faire peser des poids que personne ne peut supporter, réglementer ce qui est le trésor du couple : son insolente liberté d´être dans la sexualité, vous qui refusez ce qui reste comme un geste d´apaisement quand dans la solitude on ne peut calmer le feu.
Faites ce que vous voulez, mais par pitié en silence, nous ne sommes pas intéressés par vos choix. Laissez nous nos "rivières profondes dans le mitant du lit" et les bouquets de pervenches aux quatre coins du lit couvert de voiles blanches.
Merci à toi Meneldil:
Rentrée en France, je posterai ce texte sur F.B.
Jacqueline
....
C'est vrai que certaines prises de position de l'Eglise sur la sexualité (comme dans d'autres domaines) peuvent être contestables. Mais, en tant que chrétien, je ne pense pas que le fait d'être majeur et consentant suffit à accepter tout (par exemple les plans à 4). Nous sommes certes libres mais tout ne conduit à plus de vie. Sinon, qu'est-ce qui nous distinguerait des nons chrétiens ? La Bible est un guide qui nous permet de discerner, à la lumière de l'Esprit Saint, ce qui est bon ou mauvais. En conclusion, OK pour avoir un esprit critique quant aux positions de l'Eglise institutionnelle, mais pas OK pour ne pas chercher à laisser Dieu transformer notre vie, y compris sexuelle. Jean-Marc, gay, anglican, membre de la Cathédrale Américaine (et du groupe Lambda qui y propose des activités pour LGBT).
RépondreSupprimerMerci.Ce que je me demande, c'est pourquoi les personnes que vous citez et que j'ai lues mettent tant d'énergie justement à parler de la ou de leur sexualité, comme si le lieu de l'exercice d'une vie chrétienne n'était que celui-ci de la sexualité...Combien de fois dans les Evangiles Le Christ parle-t'il de cette question?
RépondreSupprimerJe trouve même qu'il y a une certaine indécence à asséner ces "vérités".
Par ailleurs,Jean-Marc,vous dites qu'en tant que chrétien,vous ne pensez pas que le plan à quatre soit un bon plan.Je ne le pense pas non plus.Mais si je n'étais pas catholique pratiquante,j'aurais la même façon de voir.Or, c'est vrai, pour ma part que Dieu peut "transformer" notre vie...intérieure, sociale etc.
Merci. Je découvre votre blog et par la même occasion votre talent et votre ouverture d'esprit.
RépondreSupprimerJe vous ferai bonne presse!