Les défenseurs du nucléaire sont toujours obnubilés par deux
passions : prouver que cette énergie n’est pas dangereuse pour les gens ;
prouver qu’elle est bonne pour l’environnement.
Aujourd’hui, je ne détaillerai pas les diverses critiques
habituelles des détracteurs de cette belle invention : le peu de sécurité
des centrales, les réussites de Greenpeace dans leurs diverses tentatives d’intrusion,
les risques sismiques, l’eau utilisée pour le refroidissement et qui détériore
les rivières en les réchauffant, les conséquences désastreuses en cas d’accident,
le fait que d’ailleurs il y a déjà eu plusieurs accidents etc., pour me
concentrer sur une seule : le problème des déchets.
Problème déjà dénoncé de manière récurrente, me direz-vous,
et sur lequel il n’y a sans doute pas grand-chose à rajouter : oui, le
nucléaire produit des déchets ; non, on ne peut jamais les recycler
entièrement ; donc oui, on n’a rien trouvé de mieux que de les enterrer
alors même qu’ils restent radioactifs et donc dangereux pendant des
millénaires.
Sauf qu’il y a une chose, justement, dont les gens ne sont
pour la plupart pas conscients : c’est que quand on dit qu’on enterre les
déchets, on ne se contente pas de creuser un gros trou très profond, de couler
du béton armé sur ses parois et de jeter les déchets nucléaires dedans façon
linge sale dans la corbeille dévolue à cet usage. On construit en fait une
véritable usine de retraitement souterraine. Cette usine n’est pas autonome :
elle nécessite des travailleurs, de l’eau, de l’électricité.
A titre d’exemple, le Centre industriel de stockage
géologique, projet français qui doit entrer en service en 2025, est révélateur :
bien plus grand que l’installation de la Hague, il comprendra des dizaines de
kilomètres de galeries, consommera autant d’eau qu’une ville de 50 000 habitants
et sa consommation électrique requerra une puissance de 72 mégawatts. Pendant une
centaine d’années après sa création, il faudra à la fois commencer à l’exploiter
et continuer à y creuser des galeries en y installant les éléments nécessaires.
Un centre de retraitement des déchets est donc fortement
dépendant du monde extérieur et de la société installée sur le même territoire
que lui.
Or, il y a quelque chose dont personne ne semble se
préoccuper : c’est que toutes les sociétés sont mortelles. Évidemment, les
sociétés sont comme les individus qui les composent : elles s’imaginent
que ça tombera toujours forcément sur le voisin. Qui, parmi les Romains, avait
prévu que leur civilisation disparaîtrait entièrement (et rapidement) sous les
coups des barbares ? Les Aztèques et les Incas avaient-ils vu venir leur
chute précipitée par les Espagnols ? On s’imagine toujours qu’on trouvera
une solution aux problèmes qu’on rencontre, que rien ne viendra les empirer ou
en profiter, que demain sera à peu près comme aujourd’hui. Mais il n’en va pas
ainsi.
Je pose donc la question : qu’adviendra-t-il de nos
usines de traitement des déchets radioactifs – et la question se pose aussi,
bien sûr, pour les centrales nucléaires elles-mêmes, ainsi que pour les arsenaux
militaires atomiques – dans l’hypothèse où la civilisation qui les contrôle
viendrait à s’effondrer ? Je sais bien que cela semble improbable ;
mais personne de raisonnable ne dira que c’est impossible ; et dans le cas
d’un danger aussi extrême, n’est-il pas du devoir des défenseurs et partisans de
la prise de risque de prévoir le pire ?
Prévoyons donc le pire ; si nos sociétés s’écroulent,
si le réseau de distribution d’eau courante ou d’électricité cesse de
fonctionner, s’il n’y a plus personne pour descendre dans les galeries ou
entrer dans les centrales (parce que leurs ouvriers ne seraient plus payés par
personne et devraient se préoccuper de leur survie immédiate), que se
passe-t-il ? Combien de temps avant la fuite ou l’explosion radioactives ? Même sans attendre la chute finale d’une civilisation, il y
a bien des situations plus probables encore qui pourraient entrainer les mêmes conséquences :
guerre civile, cyberattaque terroriste et autres. Nous voyons après tout se
multiplier les crises : écologique, économique, politique ; qui peut
nous garantir que nous y résisterons en fin de compte ? Et si nous n’y
résistons pas, que deviendront nos installations nucléaires ?
Quand les Romains n’ont plus eu les moyens de maintenir en
état leurs tribunaux ou le réseau de leurs routes, ce fut un rude coup pour l’Europe,
mais elle a fini par se redresser. En ira-t-il de même quand nous n’aurons plus
les moyens de maintenir en état la centrale de Golfech ou l’usine de la Hague ?
je propose une chanson qui va avec : http://www.youtube.com/watch?v=Zk6m5nXjcEY
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