vendredi 29 juin 2012

Oui, la circoncision devrait être un délit

La justice allemande vient de rendre une décision qui pourrait être historique : elle a décidé que la circoncision pratiquée sur des enfants pour des motifs religieux était une mutilation et devait donc être considérée comme un délit.

Je ne saurais dire à quel point cette décision me réjouit. Évidemment, il ne faut pas s’attendre à quoi que ce soit de concret. Tout ce que le pays compte de responsables religieux, juifs évidemment mais aussi musulmans et même chrétiens, s’est offusqué. C’était prévisible : les uns ne veulent pas qu’on pénalise leurs pratiques, les autres se disent qu’ils bénéficieront d’un retour d’ascenseur quand il s’agira de défendre les leurs. Le gouvernement ne va pas tarder à s’émouvoir à son tour, et le Bundestag finira par pondre une loi pour permettre à tout le monde de mutiler ses fils tant que c’est au nom de Dieu. Mais il est tout de même bon de constater qu’on n’est pas tout seul à s’attaquer à cette aberration.

Pour ma part, j’en parle avec d’autant plus de liberté que, croyant et pratiquant, on ne peut guère me soupçonner de bouffer du curé ou de faire de l’anti-religion primaire. Mais enfin examinons les faits. Circoncire quelqu’un, c’est, qu’on le veuille ou non, faire subir à son corps une modification irréversible. Comme il s’agit d’enlever quelque chose que la personne ne pourra jamais récupérer, il me semble que le terme de « mutilation » n’est pas trop fort.

On me dit que la circoncision n’est pas comparable à l’excision, infiniment plus cruelle. Je veux bien ; mais doit-on autoriser un mal sous prétexte qu’il y a pire ?

Entendons-nous bien : ça n’a rien à voir avec une question d’éducation ou de rite. Tous les parents, qu’ils soient athées, agnostiques, croyants ou je-m’en-foutistes, imposent une éducation, une idéologie, une culture à leurs enfants. Beaucoup leur imposent des rites religieux, civiques ou familiaux, du baptême aux réveillons en passant par le défilé du 14 juillet. Mais de toutes ces choses, un enfant peut, ensuite, se libérer sans qu’elles laissent sur son corps de trace irréversible. Lorsqu’un jeune adulte décide de quitter le christianisme de sa famille, son baptême ne lui ôte rien : s’il n’est plus chrétien, on lui a seulement versé de l’eau sur la tête. Lorsqu’un jeune adulte décide de quitter le judaïsme ou l’islam de sa famille, rien ne lui rendra son prépuce.

La question à se poser, c’est de savoir si on a le droit de faire subir à quelqu’un une mutilation qu’il n’a pas demandée. Et pour moi, la réponse est évidemment « non » : la religion n’excuse pas tout. On ne peut pas tout justifier au nom de la liberté de culte, ni au nom d’une tradition, fût-elle millénaire : le grand âge d’une pratique ne la rend pas automatiquement morale ou acceptable. Qu’un adulte se fasse circoncire pour raisons religieuses, ou même crever les yeux si ça lui chante, c’est son droit. Qu’on circoncise un enfant pour de véritables raisons médicales, c’est normal. Mais il devrait être évident que la religion ne peut pas être le prétexte à une mutilation irréversible et non voulue par une personne qui n’est pas en pleine possession de ses facultés, c’est-à-dire adulte.