dimanche 31 août 2014

Les banquiers au pouvoir


Suite de mon billet précédent, et en particulier du petit rajout que j’avais fait à la fin quant au banquier qui avait pris les rênes du ministère de l’économie. Info confirmée, comme tout le monde est maintenant au courant.

Ça me rappelle des souvenirs. Un de mes premiers billets sur ce blog (c’était fin 2011) s’intitulait déjà « Goldman Sachs au pouvoir » et s’indignait que les dirigeants de la banque d’investissement qui avait été à l’origine de la crise fussent également ceux à qui on en confiait la résolution. Décidément, rien n’a changé.

À côté de ça, le duo Valls-Hollande mène une politique résolue de cadeaux aux plus riches, particulièrement aux patrons et aux entreprises. À la fin d’un discours solidement applaudi, le Premier ministre reçoit une véritable standing ovation en expliquant sa politique et sa vision des choses aux membres du Medef ; on ne peut pas dire que ce soit bon signe.

Mais ce n’est pas surprenant. Toutes les pièces du puzzle sont bien en place.

À la tête de l’État, des politiciens (de « droite » ou de « gauche ») soit complices, soit aveugles (soit un peu des deux), qui donnent tout aux patrons, sans exiger la moindre contrepartie. On est sûr qu’ils ne seront pas déboulonnés, car les élites économiques ont, via les médias, bien fait rentrer dans les têtes que toute autre politique serait « pas sérieuse », « pas réaliste », « utopique » etc.

À la tête des entreprises, des patrons qui ont été placés là par les actionnaires avec pour mission de dégager le plus de dividendes possible. Ils s’en acquittent d’ailleurs très bien, et ceux qui ne le font pas sont vite remplacés ; quand ce n’est pas possible, un autre patron s’occupe d’eux (fonds d’investissement, fonds de pension etc.).

Et au-dessus de tout cela, les banques, dont les patrons font de plus en plus n’importe quoi puisqu’ils savent que de toute manière les États sont là et que, si les profits seront toujours privatisés, les pertes seront toujours nationalisées. Le capitalisme a simplement muté ; la finance a pris le pas sur l’industrie, ce qui était inéluctable.

On pourrait même aller plus loin, et dire que même les grands partis d’opposition réelle sont d’autres pièces du puzzle. La gauche radicale ne présente aucun danger, car elle n’a aucune chance d’arriver au pouvoir. La droite radicale, elle, pourrait relever le défi ; mais si elle venait à gagner, tout indique qu’elle ne gênerait pas énormément le grand capital. Elle pourrait avoir des velléités protectionnistes, à l’échelle nationale ou continentale, mais elle ne mènerait certainement pas une politique réellement contraire aux intérêts des riches. En ce sens, ces radicalités d’opposition au Système lui sont utiles : elles canalisent les énergies des opposants dans des projets perdus d’avance.

Il ne reste donc qu’une seule voie : il ne faut pas chercher à renverser le Système, c’est de toute manière impossible. Il faut en sortir et attendre qu’il tombe tout seul.

mercredi 27 août 2014

Tiens, voilà du gouvernement, voilà du gouvernement !


Encore un gouvernement ! Un peu de piquant sur cette rentrée. La politique – j’entends le jeu politique, la « politique politicienne », le jeu des trônes –, c’est comme le sel, c’est une drogue douce. Si vous mangez tout le temps trop salé, très vite vous trouvez tout ce qui ne l’est pas un peu fade. Les rebondissements politiques, pour ceux qui s’y intéressent, ressemblent un peu à ça : ça ne sert strictement à rien, mais ça amuse.

Ça ne sert à rien, puisque depuis plus de trente ans, la France ne mène plus que des politiques presque absolument semblables ; donc les rebondissements n’en sont pas vraiment. Même les « alternances » n’en sont pas, les partis de pouvoir menant tous, sur le fond, la même politique conservatrice et centriste, qu’ils se revendiquent « de droite » ou « de gauche » (souvenez-vous de mon petit schéma). Rare qu’on ait quelque chose de vraiment neuf à se mettre sous la dent ! Les vraies inflexions de fond, comme le mariage pour tous, n’arrivent pas tous les quatre matins (vous me direz que, pour celles qui vont dans le bon sens, elles n’en sont que plus précieuses).

Mais même en ne servant à rien, un remaniement, ça reste un remaniement, c’est marrant, on voit qui entre, qui sort, qui bouge. Qui bouge surtout. Ça c’est rigolo, vraiment rigolo. Je me suis toujours demandé comment on pouvait rester crédible avec des raisonnements pareils. Franchement, comment peut-on défendre l’idée qu’une seule et même personne soit justement la personne qu’il fallait pour défendre les femmes, puis la personne qu’il fallait pour s’occuper du sport, puis la personne qu’il fallait à l’éducation nationale ? Si elle est si polyvalente, pourquoi Mme Vallaud-Belkacem n’est-elle pas Premier ministre, voire Présidente ? Ça révèle vraiment, me semble-t-il, que les ministres ne connaissent au fond rien à leurs dossiers, qu’ils sont parfaitement interchangeables, et que finalement ils n’ont que trois fonctions : la première à destination de la plèbe (incarner la fonction), la deuxième à destination du parti (représenter tel courant) ou des alliés (fournir un poste à un parti allié), la troisième étant bien sûr de rémunérer un fidèle ou de neutraliser un adversaire en satisfaisant son ambition personnelle. Pas grand-chose à voir, à chaque fois, avec le destin d’un pays.

Puisque ça sert si peu, pourquoi parler de ce remaniement, me direz-vous ? Parce qu’il y a quand même des signes intéressants. Un moyen assez pertinent de juger un nouveau gouvernement, c’est de regarder qui est content et qui ne l’est pas. Qui n’est pas content, aujourd’hui ? Toute la gauche réelle (aile gauche du PS et gauche radicale). Qui est content ? Le patron du Medef, Pierre Gattaz, une abominable ordure qui ne pense qu’à enrichir les riches, dont il fait évidemment partie ; et les marchés financiers, qui ont « bien réagi » à l’annonce du remaniement. Le Frankfurter Allgemeine Zeitung y voit la preuve que l’événement est positif ; moi j’y vois la preuve, si besoin était, 1) que l’événement n’est pas positif du tout, et 2) que le FAZ est bien un journal conservateur libéral, on est rassurés.

Pas une bonne nouvelle, donc : le nouveau gouvernement va aller encore plus vite et encore plus fort dans le mur en continuant la même politique débile. Au moins, les choses ont le mérite d’être claires, ce qui n’était pas vraiment le cas tant que l’aile gauche du parti participait à l’exécutif. Taubira reste, ce qui est bien généreux de sa part et apporte la caution d’une femme bien à un gouvernement merdique, mais il ne faut pas perdre une occasion de faire enrager la Manif pour tous, alors alléluia.

Quid de la suite ? Je reste persuadé que Hollande ne se représentera pas et qu’il pousse Valls vers une candidature. Mais à mon avis, il a perdu une bonne occasion de s’assurer la victoire en 2017. S’il avait quelque chose dans le pantalon, il aurait dissout l’Assemblée nationale, l’UMP se serait empressée de remporter les législatives anticipées, on aurait eu une belle cohabitation (en plus les Français adoraient ça, les cohabitations, je suis sûr qu’au fond ça leur manque), mais bien sûr le nouveau gouvernement n’aurait pas fait mieux que le PS en matière d’économie (puisque l’économie n’est pas sauvable dans le cadre du système actuel), et donc l’UMP aurait perdu les présidentielles (et donc les législatives anticipées) de 2017.

C’était un pari, bien sûr, mais qui avait peu de chances d’être perdu. D’ailleurs, les vieux renards de l’UMP comme Juppé ou Raffarin ne s’y sont pas trompés, et ils ont bien dit qu’à leur avis une dissolution n’était pas la solution (au passage, regardez qui, à l’UMP, a demandé ladite dissolution, vous pouvez ainsi repérer aisément les gros cons dénués de toute finesse politique). Au lieu d’acheter une victoire presque certaine en 2017 pour son parti en payant le prix, bien modeste, vous en conviendrez, de deux ans de pouvoir de la droite durant lesquels il aurait pu s’amuser et se donner le beau rôle avec la politique internationale, Hollande a préféré s’accrocher à une majorité qui n’en est même plus une pour tomber, au bout de deux ans de galère prévisible, sur une présidentielle pas du tout acquise où il faudra aller chercher la victoire avec les dents – si victoire il y a.

Belle illustration de la mollesse et du manque d’audace et de lucidité de l’exécutif. Mais qu’on ne s’y trompe pas : le camp d’en face ne ferait pas mieux. Ce dont nous avons besoin, décidément, c’est d’un renouvellement complet de notre vision politique.


 *** EDIT ***

J’apprends à l’instant que le nouveau ministre de l’économie est un ancien banquier d’affaire de la banque Rothschild. Je crois qu’il n’y a rien à ajouter à l’info. Comme dirait John Milton dans The Devil’s Advocate : « I rest my case. »