mercredi 28 août 2013

Affaire Snowden : les services secrets entre naïveté et violence


Qu’est-ce qui est préférable, avec les services secrets : qu’ils nous prennent pour des cons, ou qu’ils nous trouvent dangereux ? Terrible dilemme ; un Corneille d’aujourd’hui en ferait quelque chose. En tout cas, ils font les deux très bien.

Côté « vous n’êtes pas bien futés », la récente annonce par la NSA qu’elle allait supprimer 90% de ses administrateurs de systèmes. But affiché : réduire le nombre de personnes ayant accès à des informations sensibles, autrement dit réduire le nombre d’agents qui savent quels sont les sites de cul que vous consultez avec le plus de régularité ou si vous avez pensé à souhaiter sa fête à votre grand-mère cette année. Oooh, mais c’est gentil, ça ! Alors comme ça, la NSA se préoccupe de réduire le nombre de personnes qui en savent trop sur nous ? C’est gentil et puis surtout, c’est nouveau.

Tellement nouveau qu’on se demande quand même si c’est bien la vraie raison. Attendez voir… Il était quoi, Snowden ? Oh, mais administrateur de système, justement ! Mais alors… j’y songe… la coupe dans le personnel de la NSA ne serait-il pas plutôt une manœuvre pour limiter le risque d’un nouveau Snowden ? Oooh, mais c’est très vilain, finalement. Et machiavélique : d’une seule pierre, on réduit les coûts salariaux de la boîte (ce qui est toujours bon à prendre), on redore un peu son blason auprès d’un public qui avale tout ce qu’on lui présente tant que c’est à la télé, et en plus on diminue drastiquement le risque qu’un nouveau scandale éclate ! Le tout sans limiter le moins du monde ce que les services secrets savent de nous : que ce soient cinquante gugusses ou un seul gros bonnet qui lisent mes mails, au fond, ça m’en touche une sans faire remuer l’autre ; ce qui me dérange, c’est que l’État lise mes mails. Après, qu’ils soient lus par un agent ou par vingt… Bref, avouez que la NSA aurait eu tort de se priver de ce bon coup.

Cela étant, tout en nous prenant pour des blaireaux, les services secrets nous trouvent quand même un peu dangereux, puisqu’ils essayent de nous faire taire. J’en veux pour preuve ce qui est arrivé au Guardian, par exemple : le GCHQ et le gouvernement anglais ont fait pression sur la rédaction pour qu’ils détruisent les documents livrés par Snowden. Ils ont carrément débarqué dans leurs locaux et ne les ont quittés qu’après que les disques durs contenant ces dossiers ont été réduits en miettes sous leurs yeux. Opération particulièrement débile, puisque bien entendu le Guardian avait sauvegardé les données sur des disques durs à l’étranger, donc (plus ou moins) hors d’atteinte des services secrets britanniques. Mais opération qui témoigne d’une évolution inquiétante vers la violence.

Violence : j’assume le terme. Et pourtant, je n’aime pas l’employer à la légère. Je suis le premier à être sceptique quand on me dit que l’enseignement ou le refus de la burqa sont des violences, fussent-elles symboliques. Mais là, je crois que nous y sommes : menacer un journal de poursuites judiciaires pour le faire taire, c’est une violence, et c’est piétiner la liberté d’expression. D’autant que les faits ne s’arrêtent pas là : on pourrait aussi mentionner l’arrestation et la détention, certes provisoire, mais tout de même très louche, de David Miranda, le compagnon de Glenn Greenwald, le journaliste du Guardian qui travaillait sur ce dossier.

Bref, l’évolution entamée dans la foulée du 11 septembre 2001 n’est pas en train de se tasser ou de s’inverser, mais bien au contraire de se renforcer, de se durcir. Tout porte à croire que cela va continuer : la lutte contre le terrorisme servira de plus en plus de prétexte pour instaurer un régime de surveillance généralisée de nos vies privées. D’ailleurs, la lutte contre le terrorisme n’est elle-même qu’un élément d’un ensemble bien plus vaste qui englobe tous les risques, quels qu’ils soient : de manière générale, c’est par la recherche chimérique de l’élimination complète de toute forme de risque que nos vies privées seront épiées et que nos libertés se réduiront. Ce sera prétendument pour nous aider à prévenir le risque d’AVC ou de fatigue au volant qu’on nous implantera d’ici quelques années (ou au mieux quelques décennies) des puces bioélectroniques qui informeront en permanence les États et les administrations sur tous les menus détails de nos existences. En ce sens, l’évolution vers une violence liberticide des États était enclenchée bien avant les attentats du World Trade Center.

Cette évolution est-elle réversible ? Actuellement, les démocraties représentatives non seulement ne la freinent pas, mais encore elles l’alimentent ! Il est particulièrement intéressant de noter que les gouvernements dits de gauche (Obama aux États-Unis, Hollande en France, Blair au Royaume-Uni etc., c’est-à-dire à peu près les plus à gauche parmi ceux qui ont quelque chance d’accéder démocratiquement au pouvoir) n’ont rien fait pour limiter les programmes de surveillance mis en place par les droites, ou a fortiori pour y mettre fin ; bien au contraire, ils les ont couverts, soutenus et parfois renforcés.

Il n’y a, cela dit, rien d’étonnant à ce que la démocratie se montre incapable de respecter la vie privée des citoyens ou la liberté d’expression : dans l’état actuel de notre développement spirituel et moral, la technologie dont nous disposons est un levier de pouvoir bien trop efficace, et donc une tentation irrésistible, pour tous les puissants de la planète : les États, les services secrets, les administrations, mais aussi les entreprises privées.

Ces quelques évidences étant posées, je laisse ceux qui, comme moi, tiennent à ces libertés fondamentales comme à leur vie réfléchir aux solutions à mettre en œuvre pour éviter d’aboutir à un nouveau totalitarisme.

dimanche 11 août 2013

Il nous sera demandé davantage – Homélie pour ce dimanche (Luc 12, 32-48)

« Jésus disait à ses disciples : Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. Vendez ce que vous avez et donnez-le en aumône. Faites-vous une bourse qui ne s’use pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne ronge pas. Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.

Restez en tenue de service, et gardez vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte. Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour. S’il revient vers minuit ou plus tard encore et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils ! Vous le savez bien : si le maître de maison connaissait l’heure où le voleur doit venir, il ne laisserait pas percer le mur de sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra.

Pierre dit alors : Seigneur, cette parabole s’adresse-t-elle à nous, ou à tout le monde ?

Le Seigneur répond : Quel est donc l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de ses domestiques pour leur donner, en temps voulu, leur part de blé ? Heureux serviteur, que son maître, en arrivant, trouvera à son travail. Vraiment, je vous le déclare : il lui confiera la charge de tous ses biens. Mais si le même serviteur se dit : ‘Mon maître tarde à venir’, et s’il se met à frapper serviteurs et servantes, à manger, à boire et à s’enivrer, son maître viendra le jour où il ne l’attend pas et à l’heure qu’il n’a pas prévue ; il se séparera de lui et le mettra parmi les infidèles. Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’a pourtant rien préparé, ni accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups. Mais celui qui ne la connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, n’en recevra qu’un petit nombre. À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage.” »


Si un de vos amis dort, ou est tombé dans les pommes, et qu’il y a quelque urgence, vous pouvez toujours, pour le réveiller, lui donner quelques baffes ou lui lancer un seau d’eau froide ; on voit ça tout le temps dans les films ou les bandes dessinées. Il y a des moments où Jésus, d’après ce que nous en disent les Évangiles, devait administrer à ses disciples un traitement similaire. Ce passage, un des plus durs de l’Évangile de Luc, en est un parfait exemple : une bonne claque, mais pour notre bien, pour nous réveiller, nous secouer de notre torpeur.


Jésus commence pourtant par une bonne nouvelle : « votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume ». Autrement dit, ce que Dieu nous destine, c’est le Paradis, la vie éternelle et éternellement heureuse. Renforcée par le « sois sans crainte », cette phrase confirme ce qui devrait être une évidence : l’enfer n’existe pas, il ne peut même pas exister ; il est une impossibilité logique, une contradiction totale avec le cœur de l’enseignement du Christ, à savoir « Dieu est Amour ». Je reviendrai le démontrer à l’occasion.

Pourtant, immédiatement après nous avoir dit cela, Jésus se met à nous expliquer de quelle manière nous devons nous comporter. Non pas qu’Il conditionne l’entrée dans le Royaume à ce bon comportement. Jésus ne dit pas : « que ceux qui se comportent ainsi ne craignent rien », ou « votre Père vous donnera le Royaume si vous faites ce que je vous dis » ; non, Il se contente de dire qu’on aura le Royaume, puis subitement, apparemment sans rapport, Il nous dit ce que nous devons faire.

Comment comprendre ce passage du coq à l’âne ? Le Christ nous rappelle à l’ordre. Il nous dit justement que ce n’est pas parce que le Royaume nous est offert, et offert sans condition, que nous pouvons nous dispenser de bien agir. Il brise la conception antique (qui valait aussi bien pour le peuple juif que pour les polythéistes) de la religion comme contrat passé entre Dieu (ou les dieux) et les hommes. Il affirme que le Paradis n’est pas une récompense, une carotte pour nous faire avancer ; Dieu le donne, Il ne le vend ni ne l’échange, Il n’est pas un marchand pour monnayer ce qu’Il propose ; mais par ailleurs, l’homme doit bien agir.

Jésus nous apprend, ou nous rappelle, ce que nous devons faire, pour agir « bien ». Prêtons l’oreille, on va enfin savoir.


Déjà, par quoi commence-t-il ? Qu’est-ce qui vient en premier, qui est donc le plus important ? L’aumône, autrement dit l’attention aux pauvres, et par extension aux plus faibles, à ceux qui souffrent. Dieu, c’est extrêmement significatif, ne vient qu’après : d’abord Il nous dit de faire l’aumône ; ensuite seulement Il nous dit de rester en tenue de service pour attendre le Maître. Pan ! au temps pour ceux qui affirment que l’Évangile fait passer la dimension sociale du message christique après sa dimension spirituelle.

Bien sûr, il ne faut pas comprendre ce passage comme une incitation à oublier Dieu, ni même à s’oublier soi-même. Dieu arrive juste après, avec le Maître qu’il faut attendre ; et soi-même est là aussi, dans cette très belle phrase : « Faites-vous […] un trésor inépuisable dans les cieux […]. Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur. » Autrement dit, le bien qu’on fait aux autres, c’est aussi à soi-même qu’on le fait, puisque l’attention qu’on leur porte s’accumule et finit par constituer « notre trésor » ; ainsi, elle nous change, nous améliore, nous permet de progresser, puisque « là où est notre trésor, là aussi est notre cœur ». On retrouve l’idée centrale du christianisme : aimer Dieu, aimer les autres, s’aimer soi-même sont les trois piliers fondamentaux de notre morale, et ils sont profondément interdépendants.

Il n’en reste pas moins que Jésus ne commence ni par Dieu, ni par soi-même, mais bien par les autres et, répétons-le, par les plus faibles. On pourrait penser à l’idée que C.S. Lewis ébauche dans The Screwtape Letters, selon laquelle Dieu nous commande d’aimer d’abord les autres pour nous permettre de nous aimer seulement ensuite nous-mêmes – presque toujours, c’est le contraire que nous faisons.

Ce point est d’autant plus important que Jésus va loin, très loin. Il ne nous dit pas de donner une pièce au mendiant qu’on rencontre et qui nous tend la main ; Il ne nous dit pas d’aller donner un coup de main aux restaus du cœur ; Il ne nous dit pas de verser 10% de tout ce qu’on gagne au Secours populaire. Il nous dit : « vendez ce que vous avez et donnez-le en aumône. » Aouch ! Tout donner ? Oui, tout. On pense à saint Basile, dans son homélie sur l’avarice :

« Celui qui dépouille un homme de ses vêtements sera appelé voleur, et celui qui ne couvre pas l’homme qui est nu, alors qu’il peut le faire, est digne d’un autre nom ? Il appartient à celui qui a faim, le pain que tu gardes en réserve ; à celui qui est nu, le manteau que tu conserves dans tes coffres ; au va-nu-pieds, la chaussure qui pourrit chez toi ; au pauvre, l’argent que tu tiens enfoui. Ainsi, tu commets autant d’injustices qu’il y a de personnes à qui tu pourrais donner. »

Que nous pesions ces mots, ces mots terribles qui nous condamnent tous : voilà ce que nous sommes, des « voleurs » qui commettent « autant d’injustices qu’il y a de personnes à qui nous pourrions donner ». Pour compter nos injustices, il va falloir se lever tôt.

Moi le premier, évidemment. Je suis parmi les plus privilégiés de cette planète, tout en haut de l’échelle ou presque ; et j’entends cette parole, et je la prends pour ce qu’elle est, et je ne la respecte pas. Pourquoi ? Je ne vais même pas dire « par faiblesse » ; je dirai plutôt « par avarice, par égoïsme, par manque d’amour, de compassion » ; appelons les choses par leur nom. Je ne suis pas le seul : l’idéal posé par le Christ n’est suivi que par une infime minorité de personnes. Mais ça n’excuse pas mon égoïsme.

Bien sûr, je n’essaye pas de vous dégoûter de donner une pièce aux mendiants, d’aller donner un coup de main aux restaus du cœur ou de verser 10% de votre salaire au Secours populaire. Au contraire ! Il n’y aurait rien de pire que de se dire que puisqu’on ne sera pas parfait, autant ne plus faire aucun effort. Mieux vaut s’approcher de ce que le Christ nous demande, même d’un tout petit peu ; mieux vaut soulager un tout petit peu la souffrance de nos frères que de ne pas le faire du tout.

Mais ce faisant, il est capital que nous ne nous fassions pas d’illusion sur nous-mêmes. Quand nous avons donné la pièce au mendiant, que nous ne nous disions pas : « ah, j’ai fait ce que Jésus attend de moi » ; disons-nous au contraire que nous avons refusé Jésus ; que nous avons refusé de faire ce qu’Il nous demandait de faire, tout vendre et tout donner ; mais qu’en Le refusant, nous avons tout de même été un tout petit peu dans le sens de ce qu’Il nous demandait. Cette tension entre un idéal impossible à atteindre et une réalité forcément imparfaite, mais qui doit tout de même sans cesse tendre vers cet idéal est constitutive du christianisme. À partir du moment où nous oublions l’idéal pour nous satisfaire du peu de bien que nous faisons, c’est là que nous nous endormons et que l’Évangile doit nous réveiller avec une bonne claque.


Bon, c’était une première chose : Jésus, dans cet épisode, nous demande de nous occuper de la souffrance des gens qui sont autour de nous. Mais peut-on s’arrêter là ? Si vous respectez vraiment Son commandement et que vous vendez tout pour tout donner, je suis assez tenté de dire : d’accord, vous avez fait votre part. Si, comme moi, vous gardez vos richesses et ne donnez que des miettes, est-ce assez ? Bien sûr que non.

Pierre d’ailleurs demande une précision : « Seigneur, cette parabole s’adresse-t-elle à nous, ou à tout le monde ? » Question un peu bêtasse : c’est tout Pierre, ça, et c’est tout nous. Comme si Jésus ne donnait Ses commandements que pour un « nous » restreint. Déjà, qui ça, « nous » ? Les Juifs ? Les disciples du Christ ? Les apôtres ? Dieu, évidemment, parle à tous en Jésus.

Et c’est pour cela que Jésus ne répond pas vraiment ; ou plutôt, Il fait mine de répondre, en disant que tout le monde doit faire la volonté de Dieu, mais que bien sûr Dieu ne confie pas la même responsabilité, la même mission à tout le monde. Et de préciser les cas où Dieu attend des efforts spéciaux de votre part : si vous connaissez la volonté de Dieu, et si Dieu vous a confié la responsabilité d’autres hommes.

Avec un peu de réflexion, nous pouvons aller un peu plus loin, et explorer les pistes tracées par le texte évangélique. Quelles sont les situations qui nous obligent particulièrement ? Dans quels cas de figure sommes-nous moralement le plus contraint d’agir ? Pour faire le bien, il faut évidemment savoir ce qu’est le Bien. Mais nous avons donc une obligation à chercher le Bien, à réfléchir à ce qui est bien. Il faut également avoir connaissance d’éventuelles injustices, de choses à améliorer ou à corriger. Enfin il faut bénéficier d’une certaine tranquillité, d’un certain confort : évidemment, on ne demande pas à celui qui mendie dans la rue ou à celui dont le fils vient de mourir de s’intéresser aux affaires publiques ; leur propre malheur les occupe trop pour cela.


Mais les autres ? Ceux qui ont le ventre plein, un travail, un peu de temps, des loisirs ; ceux qui sont globalement heureux : bref, la plupart d’entre nous ? C’est à eux que Jésus s’adresse à la fin : « À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage. » Encore une phrase terrible. Mesurons nos vies, nos biens, nos chances, notre bonheur, et demandons-nous si Dieu nous a beaucoup donné, si nous avons beaucoup reçu.

Si nous avons beaucoup reçu, il nous faut beaucoup rendre ; il nous faut beaucoup donner. Mais pouvons-nous nous contenter de donner autour de nous, de faire du bien à petite échelle, de ne mener que des actions individuelles ? Un des sujets proposés cette année au bac de philosophie de la série S demandait : « peut-on agir moralement sans s’intéresser à la politique ? » ; ce passage de l’Évangile apporte un début de réponse.

Nous savons que la société ne tourne pas rond, nous savons les inégalités entre les hommes, la crise écologique, les libertés bafouées, la misère. À l’heure actuelle, nous n’avons plus la moindre excuse pour ce qui est de notre information. Impossible de dire que nous ne savons pas. Nous sommes informés en permanence de ce qui ne va pas. Dans quel sens il faut agir, notre conscience nous le dit. Que nous ne soyons pas tous d’accord sur les moyens à mettre en œuvre pour améliorer les choses ne change rien : si nous en avons la possibilité matérielle, nous avons le devoir d’agir selon nos convictions ; et d’agir pas seulement à petite échelle, parce que quand il y a tant de malheurs, ce ne peut pas être une accumulation d’innombrables malheurs individuels et séparés : c’est que quelque chose dans l’organisation sociale, dans la civilisation ne fonctionne pas. C’est donc à cette échelle, celle de la politique, que nous avons aussi le devoir d’agir.


À nous qui avons tant, il sera demandé compte de ce que nous avons fait.