Nous avons perdu une bataille : le Conseil
constitutionnel a décidé que la pratique de la corrida dans les villes où elle
n’avait jamais cessé d’exister, principalement au sud de la France, était
conforme à la Constitution, de même que les combats de coqs, encore pratiqués dans
les Antilles.
Au vrai, cette décision n’est pas surprenante. D’une part,
parce que le monde politique avait déjà commencé à exercer des pressions.
Manuel Valls, ministre de l’intérieur, avait annoncé qu’il ferait tout son
possible pour soutenir l’existence de la corrida sur le territoire français. La
tauromachie venait également d’être inscrite au patrimoine immatériel de la France.
La volonté politique allait donc clairement dans ce sens.
D’autre part, et surtout, parce que le Conseil
constitutionnel n’est pas là pour légiférer, ni pour dire ce qui est bien ou
mal. Il est là pour dire le droit, en particulier pour décider si des lois sont
conformes ou non à la Constitution. Or, aux seuls termes du droit, il n’y a
rien à redire : le texte attaqué par les associations anti-corrida (septième
alinéa de l’article 521-1 du Code pénal) instaure, certes, une différence de
traitement entre les territoires ; mais comme l’a rappelé le Conseil, « le
principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon
différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour
des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la
différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de
la loi qui l’établit ». Aux seuls termes du droit, on pourrait donc défendre
l’idée que la différence de traitement attaquée n’est pas justifiée par « des
raisons d’intérêt général », mais le Conseil pourrait toujours dire que le
législateur règle différemment des situations qui sont effectivement différentes,
et le résultat serait le même. Comme il n’y a par ailleurs aucun article dans la
Constitution qui défende le bien-être animal, le Conseil ne pouvait que
répondre ce qu’il a répondu : non, la loi attaquée n’est pas
anticonstitutionnelle.
La bataille perdue l’était donc d’avance. On peut d’ailleurs
s’interroger sur la stratégie des associations qui l’ont engagée : faire
parler de ce combat, qui est aussi celui de Tol Ardor, est évidemment une bonne
chose, et le coup médiatique était réussi ; mais l’échec (prévisible) ne
risque-t-il pas d’annuler cet effet positif en redonnant aux partisans de ce spectacle
barbare du poil de la bête – si j’ose dire ?
Cela étant, si nous avons perdu une bataille, nous n’avons
pas perdu la guerre. Je pense même que la guerre est gagnée d’avance. Bien sûr,
la loi en France est mal faite : la Constitution protège les droits des
hommes, pas ceux des autres êtres vivants. Il faudra donc passer non par les
juges, mais par le législateur. C’est donc vers des députés que devront porter
nos prochaines actions. Ce qu’a dit le Conseil, c’est que dans l’état actuel du
droit, de la loi, la corrida n’était pas anticonstitutionnelle ; mais la
loi peut être changée.
Et elle changera : les droits des êtres vivants sont
tout aussi universels et imprescriptibles que ceux des hommes. Tout être vivant
a des droits : pas uniquement parce que les faire souffrir dégrade l’être humain ;
ni même seulement parce qu’ils souffrent ou sont conscients du monde qui les
entoure ; mais tout simplement parce qu’ils sont vivants et que,
fondamentalement, la Vie est une.
Le sens de l’Histoire est celui d’une reconnaissance de plus
en plus profonde et de plus en plus répandue de ces droits universels. Face à
eux, les arguments de ceux qui défendent la corrida ne pèsent rien. La
tradition ? A elle seule, elle ne justifie rien, sans quoi on devrait
vouloir, toujours au nom de la diversité des cultures, maintenir l’excision là
où elle a toujours été pratiquée. La beauté du spectacle, ou le fait qu’il
touche aux fondamentaux de la vie humaine, la vie, la mort, le rapport à la
nature ? Mais que pèse tout cela face à la cruauté de la souffrance
infligée ? Le courage nécessaire ? Et alors ? En quoi faire
preuve de courage est-il une garantie qu’on agit bien ? Le fait que de
grands hommes aimaient, ou aiment encore ce spectacle ? Mais là encore, on
peut être un grand artiste et avoir autant de jugement moral qu’une cuillère à
thé.
Rien ne pourra arrêter ce mouvement de la pensée humaine
vers une plus grande compréhension du Bien, de même que rien n’a pu arrêter la
marche vers l’égalité entre les races, entre les sexes, entre les croyances. Nous
avons déjà gagné cette guerre, même s’il nous reste encore à la mener, comme nous
avons déjà gagné la guerre pour le mariage homosexuel. Même en Espagne, pays de
la corrida par exemple, une région, la Catalogne, a récemment interdit la
corrida. Nous, militants de la cause animale, et plus généralement écologistes
radicaux, conscients des droits fondamentaux et de la valeur intrinsèque de
tout être vivant, sommes une avant-garde éclairée que nos descendants reconnaîtront
comme visionnaire dans une époque barbare.
Ces mots peuvent paraître pompeux. Je les pèse.
Kudos to you Meneldil. Well said. I am thankful that though we here in the US are still somewhat barbaric when it comes to animal rights, at least we do not legally allow bull, cock, or dog fighting, even though sadly, these sports still occur illicitly. I'm not sure whether it is solely for financial gain, or just the evil within the hearts of men.
RépondreSupprimer"On peut être un grand artiste et avoir autant de jugement moral qu’une cuillère à thé." Une citation à retenir.
RépondreSupprimerMeneldil, ton optimisme est nécessaire dans ce combat, car le coup qui vient de nous être porté est révoltant.
RépondreSupprimerla Fédération est de plus en plus urgente !