Pour ceux qui ne connaissent pas notre belle île, Mayotte,
située dans le Canal du Mozambique, entre Madagascar et la côte africaine, est
un ensemble d’îles dont seules les trois plus grandes – Grande Terre, Petite
Terre et Mtsamboro – sont habitées en permanence. L’essentiel de la population vit
sur Grande Terre, de très loin la plus grande, mais pour des raisons historiques,
Petite Terre, pourtant bien plus petite et moins peuplée, abrite de nombreux services
essentiels – dont l’aéroport, un centre militaire d’écoute, l’essentiel des
gendarmes, des militaires, des ressources énergétiques de l’île, et la
résidence du préfet.
Pour passer de Grande Terre à Petite Terre, le citoyen
lambda (c’est-à-dire celui qui ne dispose pas de sa vedette personnelle)
utilise une barge. Il y en a quatre par heure (donc une tous les quarts d’heure) :
deux prioritairement destinées aux piétons, et deux prioritairement destinées
aux voitures (mais les piétons peuvent également y monter). La traversée elle-même
dure une quinzaine de minutes.
Le 1er avril 2014, le quotidien France Mayotte publiait un poisson d’avril
selon lequel le Conseil Général étudierait la construction d’un pont reliant
les deux îles principales. L’ouvrage, qui devrait mesurer près de 2 000 m.
et serait estimé à près de 200 millions d’euros, viendrait remplacer les
barges. Seulement voilà : le poisson d’avril n’en était pas un, et le
projet est bien réel, même s’il ne devait pas être rendu public si tôt.
Depuis, le sujet est un des serpents de mer de Mayotte. Et,
de manière assez surprenante, beaucoup s’en réjouissent. On entend ainsi dire
que le projet est essentiel au développement de l’île, et qu’en facilitant le
passage d’une île à l’autre, il permettra à l’économie locale de prospérer. Bien
sûr, chacun reconnaît que ce ne sera pas très bon pour l’environnement (bel
euphémisme pour ce qui serait en réalité une véritable catastrophe écologique) ;
mais comme souvent, l’argument est balayé, la nature, éternelle sacrifiée, ne
faisant pas le poids face aux profits.
Eh bien soit, ne parlons pas de l’environnement. Ne
rappelons pas qu’outre sa valeur propre, il nous nourrit, nous fait respirer,
bref nous fait vivre. Parlons d’économie, parlons d’argent, rien que d’argent.
Et rappelons la bonne vieille fable de La Fontaine, « La poule aux œufs d’or ».
Voilà un poème que les membres du Conseil Général seraient bien inspirés de
relire ! Il n’est pas bien long ; qu’il me soit permis de le leur
adresser :
L’avarice perd tout en
voulant tout gagner ;
Je ne veux, pour le
témoigner,
Que celui dont la
Poule, à ce que dit la Fable,
Pondait tous les jours
un œuf d’or.
Il crut que dans son
corps elle avait un trésor.
Il la tua, l’ouvrit,
et la trouva semblable
À celles dont les œufs
ne lui rapportaient rien,
S’étant lui-même ôté
le plus beau de son bien.
Belle leçon pour les
gens chiches :
Pendant ces derniers temps,
combien en a-t-on vus
Qui du soir au matin
sont pauvres devenus
Pour vouloir trop tôt être
riches ?
Voilà qui va comme un gant à nos dirigeants locaux. Car
enfin, soyons sérieux : ce pont est-il nécessaire ? Si Mayotte était
Paris ou Londres, il est clair qu’on ne pourrait se contenter de barges ;
mais Mayotte, n’en déplaise à certains, ne sera jamais Paris ou Londres. Elle peut espérer se développer, bien sûr,
mais elle ne deviendra pas un des grands pôles de l’économie mondiale. Ce qui
freine le développement de l’île, ce n’est pas l’absence de pont, ce sont la
corruption, l’absence de perspective claire et de vision à long terme, la
mauvaise utilisation des fonds français et européens.
Sur quoi Mayotte peut-elle espérer fonder un développement sérieux ?
Quels sont les secteurs économiques à mettre en valeur et à aider ? Il n’y
en a que deux. Le premier est bien sûr le tourisme, en particulier celui qui
est lié au lagon. C’est tout de même l’atout numéro 1 du département ! 1 100
Km2, un des plus grands du monde, des îlots de toute beauté, une
riche vie sous-marine : c’est, à l’évidence, là que se trouve le plus gros
potentiel de développement.
Le deuxième est l’agriculture de luxe à haut rendement :
je pense en particulier à la culture des plantes aromatiques, à cosmétiques et
à parfums. Mayotte n’est-elle pas surnommée « l’île aux parfums » ?
Développer la culture de l’ylang, du frangipanier, mais aussi des épices
(vanille, cannelle, cumin, gingembre etc.), si possible en biologique,
permettrait le développement d’un secteur exportateur à haute valeur ajoutée.
Le point commun entre ces deux secteurs, les seuls qui
soient à même de permettre un développement réel et durable de l’île ? Ils
sont fortement dépendants de l’environnement. Voilà la vérité : en-dehors
de son environnement, de sa biodiversité, de sa faune et de sa flore, de ses
paysages terrestres, marins et sous-marins, Mayotte n’a aucune richesse.
Dégrader l’environnement en s’imaginant qu’on en retirera des richesses et un développement
économique, c’est exactement tuer la poule aux œufs d’or : c’est sacrifier
la seule vraie richesse présente de l’île au profit de richesses futures
hypothétiques, pour tout dire de pures illusions.
Projet pharaonique, extrêmement coûteux, extrêmement
nuisible pour l’environnement, aux retombées économiques incertaines : on
retrouve finalement pour le pont de Mayotte tous les ingrédients d’aberrations
similaires, de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, à Nantes, au barrage de
Sivens, dans le Tarn – qui a fait un mort.
La vérité, c’est aussi que ce projet de pont, s’il
devait être réalisé, profiterait surtout, comme tous les autres projets du même
ordre, à une poignée de personnes, politiciens ou entrepreneurs. Il faut se
demander à qui. Et refuser, de toutes nos forces, que quelques individus, pour
empocher personnellement des profits faramineux, détruisent ou dégradent l’environnement
mahorais, c’est-à-dire le patrimoine et la richesse qui appartiennent à tous.
je pense que cette idée de crée ce fameux "pont" dans notre îles est trop "banale"... il faut savoir tout d'abord qu'il y a des êtres vivants dans cette environnement qui ont leurs part dans ce Lagon... ils ont d'ailleurs beaucoup souffert, car avant tout il faut savoir qu'il y a des endroit où on jette des déchet dans le Lagon... certes pour eux, pour leurs vision c'est pour le développement de l'île... mais est-ce-que en installant ce fameux "pont" pour relié la grande et petite terre ne serai pas un dommage naturelle pour nous ? même si c'est pas tout les animaux marins qui vont quitter les lieux mais il faut savoir que: plus il y a des animaux qui disparaissent, et plus le monde (la vie) est en train de disparaitre.
RépondreSupprimer..De plus combien de gens à Mayotte aiment manger les poissons ?? donc il faut sans doute savoir que là , c'est une partit de la richesse de notre île qui sera supprimer en croyant que c'est ce "pont" là qui va attirer de l'argent ici .. .
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerCette fable prend tout son sens dans un tel contexte . Il est dommage que les pouvoirs publics ne tiennent pas compte des idées des locaux pour améliorer la situation économique de ces îles . Car tout comme en métropole chaque département à ses atouts . D'ailleurs pensons au pont qui relie le continent à l'île de ré, qu'a t-il apporté économiquement au département ? Rien soyons honnêtes (à part plus de pollution et de dénaturation de l'île ) .
RépondreSupprimerMerci Meneldil pour ta vision éclairée qui je l'espère sera lue par des personnes influentes