dimanche 19 avril 2015

Lettre ouverte à M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur


Monsieur le ministre,

Le mardi 14 avril dernier, vous êtes intervenu à l’Assemblée nationale lors de la première séance du débat consacré au projet de loi sur le renseignement. Pendant la discussion sur les amendements 52 et 169, vous avez dit :

« Il n’y a aucune disposition dans ce texte de loi […] qui soit attentatoire aux libertés […]. En revanche, il y a des dispositions qui peuvent être considérées comme remettant en cause la vie privée et le droit à la vie privée. »

Nous ne pouvons pas rester silencieux après cette déclaration sidérante. L’association que je préside a entre autres pour but de travailler à un meilleur respect des libertés fondamentales. À ce titre, je vous rappelle que la vie privée est une liberté fondamentale. Elle est peut-être même la plus précieuse de toutes, car elle est la condition de toutes les autres : « notre liberté, écrivait Soljenitsyne, repose sur ce que les autres ignorent de notre existence. »

Hannah Arendt allait même plus loin en faisant de la destruction de la vie privée l’un des fondements du totalitarisme : « le cercle de fer de la terreur totale ne laisse pas d’espace à une telle vie privée […]. La domination totalitaire, comme forme de gouvernement, est nouvelle en ce qu’elle […] détruit également la vie privée. »

En reconnaissant que la loi actuellement discutée est attentatoire à la vie privée, vous reconnaissez, de facto, qu’elle est dangereuse.

À titre personnel, j’ai voté pour François Hollande et pour le Parti socialiste au second tour de l’élection présidentielle de 2012. Catholique pratiquant, j’ai pourtant soutenu la loi Taubira qui représentait pour notre société un immense progrès. Mais je ne soutiendrai pas un parti qui s’apprête à nous précipiter vers le pire des dangers.

Posez-vous une seule question : si Mme Le Pen, voire quelqu’un de pire, arrive au pouvoir, ce qui semble de moins en moins improbable, que fera-t-elle de votre loi ? Vous pourriez bien en être une des premières victimes.

Veuillez agréer, Monsieur le ministre, l’expression de ma considération.

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