Il y a quelques temps, je pestais – car je passe une bonne
partie de mon temps à pester, c’est une part de ma mission ici-bas – contre les
commentateurs sportifs, et tout particulièrement contre ceux qui commentent ce
qui n’est pas d’abord un sport mais d’abord un art, comme son nom l’indique, à
savoir le patinage artistique. Je criais ma détresse – et je maintiens chaque
mot de ce billet – contre ces gens qui nous ruinent un spectacle magnifique par
leurs « réflexions », les guillemets sont de rigueur, et ce de
manière absolument imparable puisque si on coupe le son pour ne plus avoir à
subir leur caquetage, on n’a plus la musique.
Or, je me suis aperçu récemment que la Sainte Messe était
gangrenée par la même plaie. Oui, la tragédie est avérée : des prêtres nombreux
sont atteints du syndrome de Nelson Montfort. Cette maladie puissamment pesante
se traduit par une pulsion irrépressible de commenter tout ce qui est en train
de se passer : « nous allons prier pour le petit Jordan qui passe son
bac », « à présent je vais vous bénir », « nous allons
procéder au renouvellement des vœux du baptême », « veuillez vous
lever », « vous répondrez “amen” », et autres incongruités du même
genre.
Or, tout ce baratin est d’abord inutile, parce qu’à moins d’être
complètement ignorant des matières religieuses – auquel cas on peut toujours copier
sur son voisin, dans ce contexte ce n’est pas interdit – on sait à peu près ce
qui se passe, et quand on n’a pas de moyen de le savoir, le rite l’explicite.
Inutile de préciser qu’on va prier pour le petit Jordan ; quand il sera
explicitement formulé : « Seigneur, accorde Ton aide et Ta lumière à
Jordan lors de ses examens », tout le monde priera convenablement.
Même quand il faut que les fidèles fassent quelque chose, il est rarissime qu’on doive le formuler en
mots : ainsi, un simple geste suffit d’ordinaire à les faire s’asseoir ou
se lever.
Et surtout, ce baratin n’est pas qu’inutile, il est
violemment néfaste, parce qu’il casse l’ambiance. Quand on a dit : « Allez
dans la paix et la joie du Christ ! », quel besoin d’ajouter : « Et
bon dimanche à tous ! » ? Comment un prêtre ne comprend-il pas
que dire : « Le Seigneur soit avec vous » est déjà une formule de salut, et qu’il est
donc parfaitement superflu d’ajouter « Coucou tout le monde » ou
toute autre formule banale du même ordre ?
On pourrait me dire que l’ambiance, après tout, ce n’est pas
si grave ; mais ce serait, je le crains, méconnaître la nature de ce qu’est
un rite en religion. Le rite, le rituel est un ensemble de paroles prononcées
et de gestes accomplis pour mettre l’homme en relation, en connexion, en
communion avec le divin. Or, ce n’est pas pour rien qu’on dit et qu’on fait
certaines choses et pas d’autres : certains gestes et certaines paroles
sont efficaces, d’autres pas. Qu’on soit croyant ou pas ne change pas
grand-chose à cela : dans un cas, on pense que le rituel a réellement une
efficacité de l’ordre de la magie, dans l’autre on pense que le fidèle se met
lui-même dans un certain état psychologique ; mais le fond reste inchangé :
un rituel doit nous faire ressentir quelque chose. Si on ne ressent rien, c’est
que le rituel ne marche pas, ou pas bien.
C’est tout le drame de ces petites phrases qui cassent l’ambiance :
en brisant la pompe, la solennité du rituel, ou sa beauté, son originalité, son
enthousiasme, elles nous en font forcément plus ou moins sortir, donc elles le
rendent moins efficace. J’adresse donc à nos amis prêtres la même prière qu’aux
commentateurs du patinage artistique : j’aurai grand plaisir à papoter
avec vous ou à écouter vos avis personnels, mais de grâce, après.
merci pour l'article
RépondreSupprimerVoilà. Samedi ( pardon de me raconter), en revenant de la veillée, là où il y avait beaucoup plus de monde que lors des dimanches ordinaires et justement là où le prêtre s'est senti obligé de commenter j'ai dit à mon mari que finalement, je n'avais pas réussi à me recueillir et que je préférais les messes à "comité réduit"...
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