lundi 6 avril 2015

Non aux commentateurs religieux


Il y a quelques temps, je pestais – car je passe une bonne partie de mon temps à pester, c’est une part de ma mission ici-bas – contre les commentateurs sportifs, et tout particulièrement contre ceux qui commentent ce qui n’est pas d’abord un sport mais d’abord un art, comme son nom l’indique, à savoir le patinage artistique. Je criais ma détresse – et je maintiens chaque mot de ce billet – contre ces gens qui nous ruinent un spectacle magnifique par leurs « réflexions », les guillemets sont de rigueur, et ce de manière absolument imparable puisque si on coupe le son pour ne plus avoir à subir leur caquetage, on n’a plus la musique.

Or, je me suis aperçu récemment que la Sainte Messe était gangrenée par la même plaie. Oui, la tragédie est avérée : des prêtres nombreux sont atteints du syndrome de Nelson Montfort. Cette maladie puissamment pesante se traduit par une pulsion irrépressible de commenter tout ce qui est en train de se passer : « nous allons prier pour le petit Jordan qui passe son bac », « à présent je vais vous bénir », « nous allons procéder au renouvellement des vœux du baptême », « veuillez vous lever », « vous répondrez “amen” », et autres incongruités du même genre.

Or, tout ce baratin est d’abord inutile, parce qu’à moins d’être complètement ignorant des matières religieuses – auquel cas on peut toujours copier sur son voisin, dans ce contexte ce n’est pas interdit – on sait à peu près ce qui se passe, et quand on n’a pas de moyen de le savoir, le rite l’explicite. Inutile de préciser qu’on va prier pour le petit Jordan ; quand il sera explicitement formulé : « Seigneur, accorde Ton aide et Ta lumière à Jordan lors de ses examens », tout le monde priera convenablement.

Même quand il faut que les fidèles fassent quelque chose, il est rarissime qu’on doive le formuler en mots : ainsi, un simple geste suffit d’ordinaire à les faire s’asseoir ou se lever.

Et surtout, ce baratin n’est pas qu’inutile, il est violemment néfaste, parce qu’il casse l’ambiance. Quand on a dit : « Allez dans la paix et la joie du Christ ! », quel besoin d’ajouter : « Et bon dimanche à tous ! » ? Comment un prêtre ne comprend-il pas que dire : « Le Seigneur soit avec vous » est déjà une formule de salut, et qu’il est donc parfaitement superflu d’ajouter « Coucou tout le monde » ou toute autre formule banale du même ordre ?

On pourrait me dire que l’ambiance, après tout, ce n’est pas si grave ; mais ce serait, je le crains, méconnaître la nature de ce qu’est un rite en religion. Le rite, le rituel est un ensemble de paroles prononcées et de gestes accomplis pour mettre l’homme en relation, en connexion, en communion avec le divin. Or, ce n’est pas pour rien qu’on dit et qu’on fait certaines choses et pas d’autres : certains gestes et certaines paroles sont efficaces, d’autres pas. Qu’on soit croyant ou pas ne change pas grand-chose à cela : dans un cas, on pense que le rituel a réellement une efficacité de l’ordre de la magie, dans l’autre on pense que le fidèle se met lui-même dans un certain état psychologique ; mais le fond reste inchangé : un rituel doit nous faire ressentir quelque chose. Si on ne ressent rien, c’est que le rituel ne marche pas, ou pas bien.

C’est tout le drame de ces petites phrases qui cassent l’ambiance : en brisant la pompe, la solennité du rituel, ou sa beauté, son originalité, son enthousiasme, elles nous en font forcément plus ou moins sortir, donc elles le rendent moins efficace. J’adresse donc à nos amis prêtres la même prière qu’aux commentateurs du patinage artistique : j’aurai grand plaisir à papoter avec vous ou à écouter vos avis personnels, mais de grâce, après.

2 commentaires:

  1. Voilà. Samedi ( pardon de me raconter), en revenant de la veillée, là où il y avait beaucoup plus de monde que lors des dimanches ordinaires et justement là où le prêtre s'est senti obligé de commenter j'ai dit à mon mari que finalement, je n'avais pas réussi à me recueillir et que je préférais les messes à "comité réduit"...

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