Quand vous faites une blague vingt fois, elle cesse d’être drôle.
Mais si vous la faites soixante fois, vous verrez : les gens recommencent
à rire. Seulement, ce n’est pas de la blague.
C’est exactement le sketch que sont en train de nous jouer
nos élites, en particulier les hommes politiques et les journalistes. Il y a eu
cinquante « sommets de la dernière chance » pour l’économie mondiale,
pour l’euro, pour la crise de la dette. Cinquante fois, on a eu droit juste
après aux « cette fois, c’est la bonne, ils ont pris les bonnes décisions,
l’économie est sauvée ». Cinquante fois, on a eu droit aux « incroyable !
finalement, c’était pas la bonne ». Non, sans blague, c’est vrai, c’était
pas la bonne ? Allez, t’as gagné un paquet de BN.
Et ça continue. On est bien partis pour atteindre les
soixante fois. Dans un éditorial (non signé, le ridicule ne tue plus, mais il
continue à blesser gravement) du 26 juillet dernier, Le Monde (pourtant un journal un peu sérieux) s’étonnait qu’il « [faille]
déchanter » et que « l’été [soit] meurtrier » alors qu’en juin « on
semblait être enfin sur la bonne direction », qu’on « était […] sorti
[…] requinqués du sommet européen ».
Plus récemment, le ministre français des affaires
européennes, Bernard Cazeneuve, jugeait « surprenante » la réaction
des marchés (qui continuent de faire payer des taux prohibitifs à l’Espagne et
à l’Italie) alors que (voyez l’audace !) « la BCE a rappelé son
attachement à la préservation de l’euro » !
Alors là, si la BCE a rappelé son attachement à l’euro,
franchement, on se demande ce qu’il leur faut de plus, aux marchés. Elle a même
« dénoncé le caractère inacceptable des taux observés sur le marché de la
dette de certains pays ». Ah oui. Quelle force de volonté ! Bientôt,
la BCE, la Commission, le Parlement européen et tous les gouvernements
nationaux ne manqueront sans doute pas de déclarer « inacceptables »
la crise économique, le chômage et l’inflation, qui n’auront qu’à bien se tenir
et courront probablement se cacher, la queue entre les jambes (par exemple au
Brésil).
Il faut une solide couche de bêtise ou d’aveuglement pour avoir cru, en
juin, que nos problèmes étaient résolus. Le moteur économique est cassé ;
la croissance ne reviendra pas. Heureusement, d’ailleurs, car elle nous menait dans
le mur. Nous ne serons sauvés ni par une rigueur qui nous étoufferait, ni par
une relance dont nous n’avons pas les moyens et en laquelle personne ne
croirait. Il faut changer de paradigme, de modèle, de système. Évidemment, ça
requiert un peu plus d’audace, d’intelligence et d’imagination que ce dont
disposent les gens que le peuple a portés au pouvoir.
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