En écrivant ce post, je ne vais pas être original. Ce n’est
pas le but. Mais parfois, il faut savoir répéter ce que tout le monde dit déjà
(tout bon prof sait ça). Alors j’y vais : l’attitude du pouvoir en place,
et qui se veut de gauche, vis-à-vis des Roms, est non seulement inacceptable :
elle est indigne. Les démantèlements de camps se sont multipliés en août ;
un de plus vient d’avoir lieu dans l’Essonne, sur les terres mêmes de Manuel
Valls – tout un symbole.
Comme d’habitude, on se drape derrière la protection de
celui qu’on maltraite. Les expulsions sont légitimes, a dit le premier
ministre, si « elles interviennent en application d’une décision de
justice ou pour mettre fin à une situation de danger ou de risque sanitaire ».
C’est sur ces bases que se lance Francis Chouat, le nouveau maire socialiste d’Évry :
pas de décision de justice, mais il parle de « conditions sanitaires
déplorables », du « risque d’incendie » et du danger lié à la
proximité du RER D.
Mais il développe et se trahit, et trahit ses collègues et
ses supérieurs avec lui : « Je connais les conséquences, quand on laisse se développer ces campements
trop longtemps. Ils deviennent de véritables bidonvilles, indignes de la population
et des riverains, dans lesquels se développent toutes sortes de trafics, des
actes de délinquance, et sans doute de la prostitution. Cela devient
inextricable ». Petite analyse de texte : après les poncifs habituels
que Brice Hortefeux n’aurait pas reniés (« on en accueille un, il en vient
cent », ou « on leur donne l’aile, ils prennent la cuisse »), on
commence par dire que les bidonvilles sont « indignes de la population »
qui y réside, mais on ajoute qu’ils le sont aussi des « riverains » ;
et on devine que c’est surtout là que le bât blesse. Car les riverains votent,
contrairement aux Roms, et les riverains ont peur, peur de l’étranger, peur du
nomade, peur du pauvre, bref peur de tout ce que sont les Roms. Et bien sûr, un
petit amalgame ne faisant jamais de mal, les Roms sont, pour le maire,
forcément à l’origine de « délinquance », « trafics » et « prostitution ».
Ite, missa est !
Qui peut-on tromper avec cela ? La gauche a évidemment
peur (elle aussi) d’être attaquée sur la question de sécurité. Les émeutes
urbaines à Amiens n’ayant pas vraiment contribué à redorer son blason, elle
saisit seulement une occasion de se montrer dure, intransigeante, inflexible ;
sur le dos des faibles, de ceux qui ne peuvent pas se défendre. Première
indignité, dans cet opportunisme sordide et cruel, dans cette hypocrisie et ces
mensonges.
Et seconde indignité, dans les conditions de ces expulsions.
Car bien sûr, personne ne veut vivre dans un bidonville. Mais qui veut vivre dans
la rue ? Aujourd’hui, des familles sont sans lait, sans couches, sans médicaments
pour leurs nourrissons. A ceux qui n’avaient rien, on a enlevé même ce qu’ils
avaient. Pour leur proposer quoi ? La rue, ou d’être véhiculés d’hôtel en
hôtel, puis rapidement abandonnés à leur sort, car les garanties offertes ne
sont jamais bien longues. On détruit le lien social, entre les familles et avec
les associations ; on remplace une misère par une misère pire, mais moins
visible.
Mais traiter les symptômes ne fait pas disparaître le mal. Hergé, qu’on
a pourtant tellement accusé de racisme, faisait dire au Romanichel Matéo, dans Les bijoux de la Castafiore : « Parce
que monsieur se figure que cet endroit, c’est nous qui l’avons choisi !
Monsieur se figure que ça nous plaît de vivre parmi les ordures ! »
Malheureusement, aujourd’hui, les quelques capitaines Haddock qui restent pour
offrir la pâture de leur château comme lieu de campement sont eux-mêmes menacés
par la justice ; face aux Roms, il n’y a plus que les Dupondt pour les
soupçonner, et la gendarmerie de Moulinsart pour les expulser.
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