Quatre mois ne se sont pas écoulés depuis les élections
présidentielles que déjà l’accord de gouvernement entre le PS et EELV est
malmené. Ce n’est pas une surprise : le score très médiocre réalisé par
Eva Joly au premier tour, la crise économique
qui fait oublier aux gens les questions environnementales, le fait que les
députés et sénateurs écologistes n’aient été élus que grâce à cet accord et dépendent
donc des socialistes, tout indique que le rapport de force n’est pas en faveur
des Verts. La politique étant ce qu’elle est, on ne va pas reprocher aux
socialistes d’en profiter ; c’est de bonne guerre.
Néanmoins, pour ceux qui ont cru en cet accord (et dont je n’étais
pas, cf. mon post du 10 décembre 2011 ici même), la gifle doit piquer. Pour ceux
qui auraient encore des doutes, les propos des ministres socialistes sont
éloquents : Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, affirme
que « le nucléaire est une filière d’avenir » ; Delphine Batho,
ministre de l’écologie (ah ?), en rajoute une couche en posant que « la
France a durablement besoin du nucléaire », avant d’afficher son soutien
au projet de nouvel aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, projet
porté par le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui, de son côté, avertit
aussi que le débat sur les gaz de schiste n’est « pas fermé ». Si on
ajoute à tout ça le départ prématuré de Nicole Bricq, vaincue par les lobbys du
pétrole pour son opposition aux forages en Guyane, du ministère de l’écologie,
il y a quelques semaines, on comprend que pour François Hollande et son équipe,
l’écologie, ça commence déjà à bien faire.
Et pourtant, EELV, pour l’instant, s’entête. Vous me direz
qu’ils ont l’habitude. Dominique Voynet, en son temps, a avalé tellement de
kilomètres de couleuvres que je n’aimerais pas les faire à pied. Et puis, que
peuvent-ils faire d’autre ? Comme je l’avais annoncé il y a des mois, ils
ont commencé à vendre leur âme, certes morceau par morceau, en échange de leurs
postes. Certains militants s’en inquiètent : mieux vaut tard que jamais !
Ils s’aperçoivent maintenant plus ou moins confusément qu’ils ne seront jamais
qu’une vitrine, un moyen pour l’équipe au pouvoir de faire croire au peuple que
l’écologie a quand même une peu d’importance pour elle ; certains commencent
aussi à se rendre compte de la stratégie de François Hollande : pour
étouffer ses ennemis, il faut les serrer contre soi.
Mais malgré l’inquiétude manifeste de sa base, l’équipe
dirigeante du parti ne peut guère reculer. D’abord, ils ont le complexe du
petit parti qui veut devenir gros. Ils sont convaincus que pour peser, il faut
entrer dans le jeu de la politique traditionnelle. C’est leur erreur
fondamentale, car le moteur politique de notre société est tout aussi cassé que
son moteur économique : en y mettant la main, ils se couvrent du cambouis
du discrédit public, car ce milieu est totalement déconsidéré par le peuple,
sans pour autant pouvoir faire avancer leurs idées, puisque justement, le
moteur est cassé. En entrant dans le jeu politique ordinaire, ils entrent précisément
dans le monde de ceux qui n’ont aucune marge de manœuvre. Il est curieux qu’ils
ne s’en aperçoivent pas : ils doivent bien voir que ni la gauche ni la
droite modérées ne parviennent véritablement à imposer leurs réformes ; et
pourtant, ils veulent à toute force leur ressembler.
Et puis rompre l’accord, ce serait prendre le risque de
perdre le peu qu’ils ont acquis (les ministères, les groupes parlementaires)
sans pour autant regagner la confiance et la crédibilité qu’ils ont
indéniablement perdues. Leur seule option est donc de parier sur leur capacité
à utiliser le (très) petit hochet de pouvoir avec lequel on les laisse jouer
pour regagner cette confiance. Pour cela, il faut arriver à des résultats.
Et c’est là que François de Rugy, co-président du groupe
écologiste à l’Assemblée nationale, nous met au défi et nous donne rendez-vous dans
cinq ans. Dans un débat organisé par Le
Monde, il demande que les écologistes soient « jugés dans la durée,
sur les résultats [qu’ils auront] obtenus ». Il « donne rendez-vous à
tous ceux qui [les] critiquent, souvent de mauvaise foi [sic : il faut être de mauvaise foi pour critiquer EELV], mais
aussi à ceux qui, de bonne foi, peuvent être sceptiques, ou tout simplement impatients,
dans cinq ans, pour faire le bilan de ce [qu’ils auront] pu obtenir de concret,
d’important, dans l’ensemble des domaines de l’action politique. Dans le
domaine de l’énergie comme dans le domaine de l’économie, de l’Europe, des
réformes démocratiques ou des questions de société. »
Eh bien, je relève le défi, moi qui suis à la fois critique,
sceptique et impatient, et je note le rendez-vous dans mon petit agenda.
Rendez-vous dans cinq ans, monsieur de Rugy ! Nous verrons alors, et nous
nous concentrerons sur les questions environnementales. Et pour ma part, je
prends d’ores et déjà le pari inverse : vous n’obtiendrez rien d’importance.
La « conférence environnementale » qui se tiendra les 14 et 15
septembre prochains sera le Grenelle de l’environnement de Sarkozy, mais en
moins ambitieux : au lieu d’avoir une montagne qui accoucherait d’une
souris, nous aurons une colline qui accouchera d’une musaraigne.
Je le disais dès le 6 mai : il ne faut pas attendre grand-chose de
Hollande. Il ne faut pas regretter son élection, car c’était lui, Le Pen ou
Sarkozy, et il était donc, de loin, le moindre mal ; mais il ne fera rien
qui soit très coûteux pour les finances publiques. Or l’écologie, c’est
coûteux, très coûteux. Le début de son quinquennat, bien mou, m’a pour l’instant
donné raison ; je n’ai pas peur de perdre le pari que nous lance monsieur
de Rugy.
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