Si EELV n’est pas tout à fait mort, on peut quand même faire
un premier diagnostic sur les causes qui auront mené au décès. J’en ai relevé
deux. Trois, même, si on compte le nom du parti : tout aussi imprononçable
en version complète (« Europe-Écologie-les-Verts », c’est à peu près
aussi élégant que « Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon » : dans les
deux cas, on a envie de rajouter « et autres terres découvertes à marée
basse »…) qu’en sigle (« euheuhellevé », on fait difficilement
plus laid).
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils étaient prévenus. Ceux
qui lisent mon blog, en tout cas. Le 10 décembre 2011, je les mettais en garde,
déjà, contre Jean-Vincent Placé, en leur disant qu’il mettrait rapidement son
talent tactique « au service de la seule ambition » personnelle.
Puis, le 30 août 2012, je répondais au pari que nous lançait François de Rugy,
qui donnait aux sceptiques rendez-vous cinq ans plus tard, pour être jugé,
disait-il, « sur les résultats obtenus ». Je sais bien que nous ne
sommes pas encore en 2017, mais enfin, pour l’instant, les résultats obtenus par
l’accord électoral et politique entre le PS et EELV sont aussi misérables pour
le parti écolo que pour l’écologie elle-même.
À cela, aux moins deux explications. La première, c’est que
les Verts, qui voulaient « faire de la politique autrement », se sont
mis à faire de la politique comme tout le monde. Comment, grands dieux, pouvaient-ils
s’imaginer qu’en créant un parti, en entrant dans le marigot des campagnes électorales,
en se jetant à corps perdu dans la grande entreprise de prostitution que sont
les accords entre partis, ils allaient « faire de la politique autrement » ?
Les partis politiques ne sont pas la solution, ils sont une partie du problème ;
de même pour les élections et, en fait, pour tout notre système politique.
Comme disait Coluche : « si voter changeait quelque chose, il y a longtemps
que ce serait interdit. » L’alternance a-t-elle changé quelque chose à
quoi que ce soit ? On a eu la victoire du mariage pour tous, et puis rien
d’autre sur le fond, comme je l’avais dit dès le soir de l’élection de
Hollande.
Si on participe au jeu électoral, il faut le faire comme
Lutte Ouvrière : sans aucun espoir de gagner le moindre poste, mais
uniquement pour obtenir une petite parcelle de visibilité médiatique. Dès qu’on
veut plus que ça, un ministère, un groupe parlementaire, des élus, on se heurte
au mur de la démocratie représentative et partisane, qui fait la seule chose qu’elle
sait faire : imposer la loi d’airain des lobbies et des intérêts qu’elle a
toujours servis. Avoir des élus ou des postes, contrairement à ce qu’on croit,
n’apporte aucun pouvoir pour faire avancer ses idées, parce que ces lobbies et
ces intérêts sont bien trop puissants pour laisser aux politiciens la moindre marge
de manœuvre réelle : ça décrédibilise celui qui s’y livre et qui ne peut
qu’y faire la preuve de son impuissance.
Seconde explication : EELV n’a pas su trancher entre
deux lignes irréconciliables. À l’intérieur du parti, il y a des gens qui, au
fond, ne croient pas que le capitalisme libéral puisse permettre une véritable
solution écologique, et qui luttent pour une sortie plus ou moins radicale de
ce système. Mais il y a aussi des gens qui pensent qu’on peut parfaitement
faire cohabiter écologie politique et capitalisme, et pour qui la social-démocratie
que représente le gouvernement actuel est la panacée de la vie politique, y
compris quand elle prend le visage d’austérité qu’elle revêt aujourd’hui. Ces
deux lignes sont absolument irréconciliables. La seconde est peu présente chez
les militants du parti, mais paradoxalement, c’est celle que défendent nombre
de ses dirigeants : tous ceux qui crient à la « mélenchonisation »
du parti ; Placé et de Rugy, bien sûr, mais aussi Cohn-Bendit en son temps,
et bien d’autres.
Cette fracture recoupe d’assez près la ligne de démarcation
entre l’écologie radicale et l’écologie modérée (celle que Næss appelait « l’écologie
superficielle »), c’est-à-dire entre ceux qui, fondamentalement, refusent
le Système et veulent en construire un autre, et ceux qui l’apprécient ou s’en
satisfont. L’écologie modérée fait chaque jour un peu plus la preuve qu’elle n’a
aucune solution à apporter à quoi que ce soit.
Finalement, c’est dommage que Placé et de Rugy soient partis :
ce parti, il était fait pour eux, car ce sont des hommes de partis, des hommes
de la politique conventionnelle. Ce sont les autres qui auraient dû partir ;
laissons les partis et les postes qu’ils procurent à ceux que ces postes
intéressent. Ceux pour qui c’est la préservation de la planète qui compte
doivent comprendre que les partis politiques, et plus généralement le Système,
n’offrent aucune possibilité de changement. L’écologie radicale n’a encore
presque aucune visibilité, mais c’est la seule qui ait un peu de crédibilité,
donc peut-être un peu d’avenir.
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