lundi 29 décembre 2014

Proposition de réponse de Tol Ardor au questionnaire préparatoire du Synode sur la famille de 2015

Avant la tenue du Synode d’octobre 2014 sur la famille, le pape François, dans un mouvement véritablement révolutionnaire, avait décidé d’interroger les catholiques du monde entier sur la doctrine officielle de l’Église quant aux questions de morale sexuelle et familiale et sur sa réception par les fidèles. Tol Ardor avait officiellement répondu à ce premier questionnaire.

Mais le Synode extraordinaire de 2014 n’était qu’une première étape, visant à préparer le Synode ordinaire de 2015, qui sera de loin le plus important puisque c’est là que seront prises les décisions qui devront in fine être approuvée – ou pas – par le pape. La Relatio synodi de 2014, c’est-à-dire le document final voté par les pères synodaux en octobre 2014, doit servir de document préparatoire (Lineamenta) au Synode ordinaire de 2015.

À cette occasion, le pape François a de nouveau décidé de consulter les laïcs catholiques : les Lineamenta sont soumis à leur examen et un nouveau questionnaire a été envoyé aux Conférences épiscopales. Le pape ne limite pas son appel aux seules institutions académiques mais à toutes les « organisations » et aux « associations de laïcs » (avant-propos des Lineamenta).

Nous exprimons tout d’abord notre déception devant le manque d’enthousiasme de la Conférence des évêques de France, qui ne manifeste pour l’instant aucun effort pour diffuser ce questionnaire auprès des fidèles catholiques français. Elle avait déjà fait preuve de la même frilosité l’année dernière, et il est extrêmement regrettable qu’elle semble faire aussi peu de cas de ce que les laïcs catholiques pensent mais également vivent. Cela nous semble aller à l’encontre de la claire volonté du pape, qui demande justement que les questions et perspectives posées par le Synode de 2014 puissent « mûrir et être précisées par la réflexion des Églises locales » (avant-propos).

Nous regrettons également que les réponses au premier questionnaire ne semblent pas avoir fait l’objet d’une étude un peu poussée de la part des pères synodaux. Nous attendions, sinon une réponse développée, au moins un commentaire, ou même ne serait-ce qu’un remerciement ; or, les Lineamenta ne les mentionnent même pas, ce qui donne un peu l’impression d’avoir été questionné, mais sans que la réponse à la question fasse réellement l’objet d’une attention approfondie.

Néanmoins, Tol Ardor se saisit une nouvelle fois de l’opportunité que lui offre le pape et propose ici sa réponse officielle au questionnaire préparatoire du Synode de 2015. Nous remarquons que le pape François nous invite à ne pas nous limiter aux « schémas et perspectives propres à une pastorale qui ne ferait qu’appliquer la doctrine » (avant-propos) et nous l’en remercions.

Question préalable se référant à toutes les sections de la Relatio Synodi

La Relatio Synodi présente une description assez juste et fidèle de la réalité de la famille dans l’Église et la société d’aujourd’hui. Comme d’habitude, le problème ne porte pas sur la description des faits mais sur leur interprétation et sur la conduite à tenir face à eux.

En revanche, le texte fait preuve d’un manque singulier de clairvoyance par son insistance totalement déplacée sur une prétendue « crise de la natalité », crise parfaitement fantaisiste au demeurant – nous y reviendrons.

Questions sur la Ie partie

Le contexte socio-culturel

Les Lineamenta soulignent le rejet, par une grande partie de nos sociétés – et nous pourrions ajouter par de très nombreux catholiques, même pratiquants – du modèle familial proposé par l’Église comme étant le seul valable, et accuse « l’expansion du relativisme culturel dans la société sécularisée » (question n°4).

Or, il nous semble important de noter que le relativisme est loin d’être seul en cause : on peut parfaitement rejeter ce modèle unique sans pour autant être relativiste. Toute tolérance n’est pas du relativisme : on peut croire que Dieu n’a pas souhaité un seul et unique modèle familial sans être relativiste pour autant.

Le défi pour la pastorale

En se demandant comment « susciter et mettre en valeur le “désir de famille” semé par le Créateur dans le cœur de toute personne », la question n°6 semble sous-entendre qu’on ne peut être appelé qu’à deux destins : la famille sur le modèle catholique ou le célibat consacré. Or, il nous semble important de rappeler qu’il y a d’autres voies possibles. De nombreux couples ne désirent pas d’enfants, de nombreuses personnes, sans s’engager dans la vie religieuse, ne fondent jamais de famille, et ne le vivent pas forcément comme un échec.

Il nous semble donc souhaitable que l’Église mette davantage en valeur les couples sans enfants et les célibataires : là encore, loin de se réduire à des accidents de parcours, ces situations sont une preuve de la diversité et de la variété de la vie et des expériences humaines voulues par Dieu.

Questions sur la IIe partie

La famille dans le dessein salvifique de Dieu

Le paragraphe 15 des Lineamenta ainsi que la question n°12 peuvent faire croire à une confusion entre mythe et histoire. À ce titre, il convient de rappeler qu’Adam et Ève sont des personnages mythologiques, qui n’ont pas historiquement existé, et que l’humanité n’avait donc, jusqu’à l’avènement du Christ, connu qu’une seule forme de mariage, celle qui est désignée comme « forme historique ».

Plus généralement, il nous semble souhaitable de considérer que Dieu n’a pas voulu que tous les hommes suivissent exactement le même chemin, et que par conséquent il est non seulement vain mais également mauvais de chercher à imposer un seul modèle familial comme norme unique. De ce point de vue, nous rappelons que la Sainte Famille, posée par les Lineamenta comme un « admirable modèle » (§23), n’a rien d’une famille traditionnelle : une fille-mère enceinte avant son mariage d’un père qui n’est pas son mari, mais qui pourtant adoptera cet enfant qui n’était pas le sien et l’élèvera comme son fils ; cela seul devrait faire réfléchir ceux qui pensent que l’amour humain ne peut suivre qu’une seule route.

La famille dans les documents de l’Église

Le questionnaire a bien entendu raison d’affirmer que « le magistère ecclésial […] doit être mieux connu du peuple du Dieu ». Néanmoins, il faut se méfier de la pente facile qui consiste à croire que le magistère est simplement mal connu ou mal compris : il faut ouvrir les yeux et reconnaître qu’il est parfois tout simplement rejeté, même par les catholiques, même pratiquants, qui le lisent et qui le comprennent. Bien des catholiques connaissent et comprennent le magistère ecclésial sur les questions de morale sexuelle et familiale, mais le refusent, que ce soit dans leurs discours ou, au quotidien, dans leurs actes.

De la même manière, il est urgent de comprendre qu’il est parfaitement vain de chercher à « développer et promouvoir des initiatives de catéchèse qui fassent connaître et qui aident à vivre l’enseignement de l’Église sur la famille » : rien ne parviendra à faire admettre à la majorité des couples chrétiens qu’ils ne peuvent pas utiliser les méthodes de contraception que l’Église considère comme contre-nature. C’est l’enseignement lui-même qui doit parfois être revu, pas la pédagogie avec laquelle on le délivre, car l’Église en tant qu’institution humaine peut errer.

Il est également nécessaire de comprendre que ces erreurs de l’Église sont doublement graves : d’une part parce qu’elles condamnent des comportements qui n’ont, en soi, rien de condamnable ; mais aussi, d’autre part, parce qu’elles rendent l’ensemble du message inaudible par la société d’aujourd’hui. Ce que l’Église dit de la contraception, de l’homosexualité, de la sexualité hors-mariage semble si improbable, si fantasque aux hommes de notre temps, que cela les empêche, littéralement, de lui accorder le moindre crédit, et donc d’entendre ce qu’elle a à dire sur d’autres sujets et, plus profondément, de recevoir la Bonne Nouvelle.

L’indissolubilité du mariage et la joie de vivre ensemble

Nous remercions le Synode d’avoir rappelé que « le Concile Vatican II a voulu exprimer son appréciation du mariage naturel et des éléments valables présents dans les autres religions et dans les cultures » (§22), ainsi que d’avoir proposé d’appliquer la même méthode « à la réalité du mariage et de la famille de nombreuses cultures et personnes non chrétiennes ».

Il nous semble néanmoins nécessaire d’aller plus loin : viser un idéal est une bonne chose, oublier la réalité en est une autre. Ainsi, les Lineamenta ont beau affirmer que « l’indissolubilité du mariage […] ne doit pas avant tout être comprise comme un “joug” imposé aux hommes, mais bien plutôt comme un “don” fait aux personnes unies par le mariage », cela n’empêche pas que parfois, elle devient, de fait, un joug.

Les Lineamenta et le questionnaire se demandent à de nombreuses reprises quelles solutions mettre en place pour restaurer le lien d’amour brisé entre les époux afin d’éviter un divorce. Ils insistent sur le dialogue et le pardon. Naturellement, c’est de bon sens, et bien entendu, il faut tout faire pour éviter un divorce, à la fois pour les époux eux-mêmes et pour leurs enfants.

Mais parfois, il faut également reconnaître que la grâce divine elle-même ne suffit plus à faire tenir un couple, et que le divorce peut alors apparaître comme la meilleure ou la moins mauvaise des solutions, sans que cela doive interdire une autre chance dans un autre amour ; nous ne voyons pas pourquoi Dieu refuserait Sa bénédiction à une seconde union d’amour, Lui qui n’est qu’Amour.

Vérité et beauté de la famille et miséricorde envers les familles blessées et fragiles

Pour « aider à comprendre que personne n’est exclu de la miséricorde de Dieu » (question n°20), il nous semble clair que la meilleure solution possible est de laisser les personnes divorcées et remariées accéder aux sacrements, en particulier à l’eucharistie et à la réconciliation.

Nous regrettons que les Lineamenta n’accordent pas plus de confiance aux fidèles. Ainsi, le paragraphe 26 condamne « la précipitation avec laquelle beaucoup de fidèles décident de mettre fin au lien assumé ». Il y a là quelque chose de presque insultant : bien au contraire, nous savons qu’un divorce est presque toujours un drame qui n’a lieu que parce que les concernés y ont, la plupart du temps, beaucoup réfléchi, et qu’il leur semble inéluctable. C’est d’autant plus grave qu’à l’inverse, les baptisés sont invités, dans le même paragraphe, à « ne pas hésiter devant la richesse que le sacrement du mariage procure à leurs projets d’amour » : comment prêcher la précipitation pour se marier, d’ailleurs contredite ensuite par l’insistance sur la préparation au mariage, alors qu’on condamne la supposée précipitation avec laquelle un couple divorce ?

La question n°21 demande « comment les fidèles peuvent […] montrer […] une attitude d’accueil et d’accompagnement », mais il est clair qu’ils ne le feront que si l’institution ecclésiale leur en donne l’exemple, ce qui ne peut se faire réellement qu’en laissant communier les divorcés remariés.

La question n°22 enfin se demande ce qu’il est possible de faire « pour que dans les diverses formes d’union […] l’homme et la femme ressentent le respect, la confiance et l’encouragement à grandir dans le bien de la part de l’Église ». Encore une fois, la seule réelle solution est d’admettre enfin que ces couples ne vivent pas de manière « désordonnée » mais suivent un chemin qui est probablement le meilleur pour eux. L’Église aidera mieux ces couples en ne les jugeant pas, mais en les laissant libres de choisir au mieux leur voie dans ce domaine qui est celui de la plus extrême intimité.

Questions sur la IIIe partie

La discussion : perspectives pastorales

Nous remarquons que le questionnaire inviter à « se laisser guider par le virage pastoral que le Synode extraordinaire a entrepris, en s’enracinant dans le concile Vatican II et dans le magistère du pape François », et nous remercions les auteurs de cette formulation. Nous insistons sur l’idée que c’est en effet d’un véritable « virage » que l’Église a besoin aujourd’hui, et nous demandons aux pères du Synode de 2015 de ne rien faire qui puisse freiner l’Église dans ce virage si nécessaire et si attendu par tant de fidèles.

Annoncer l’Évangile de la famille aujourd’hui, dans les différents contextes

Nous remercions les pères synodaux d’avoir « insisté sur une approche plus positive des richesses des diverses expériences religieuses » (§35) comme sur les « éléments positifs » présents dans les couples que l’Église ne reconnaît pas ou pas encore.

Nous les remercions également d’avoir dénoncé « avec franchise les conditionnements culturels, sociaux et économiques » et tout particulièrement « la place excessive donnée à la logique du marché, qui empêchent une vie familiale authentique, entrainant des discriminations, la pauvreté, des exclusions et la violence ». Dans un monde détruit progressivement par un capitalisme libéral de plus en plus agressif, arrogant et sûr de sa force, ce dont la politique française donne en ce moment un bon exemple (travail du dimanche etc.), l’Église doit porter le message que l’humain vient d’abord.

Guider les futurs époux sur le chemin de la préparation au mariage – Accompagner les premières années de vie conjugale

Nous approuvons la proposition des pères synodaux d’aider les couples qui se préparent au mariage en les faisant échanger avec des familles et des couples déjà mariés ; mais nous insistons sur la nécessité d’écouter toutes les familles, et pas uniquement celles qui correspondent au modèle actuellement promu par les autorités de l’Église.

Cela est également vrai pour l’accompagnement, en effet souhaitable, dans les premières années de vie conjugale.

La pastorale des personnes qui vivent en union civile ou en concubinage

Le questionnaire réaffirme, sans surprise, les « éléments constitutifs du mariage » que seraient « l’unité, l’indissolubilité et l’ouverture à la procréation ». À cet égard, il convient de rappeler que ces « éléments constitutifs » ne le sont, pour l’Église, que depuis un millier d’années. Cela peut paraître long, mais cela signifie surtout que, pendant la moitié de son histoire, le catholicisme n’a pas vu les choses de manière aussi stricte.

Cette mise en perspective devrait conduire l’Église à se remettre davantage en question et à considérer les arguments des couples qui souhaitent s’essayer à la vie à deux avant de s’engager dans le mariage. Là encore, comment peut-on d’une main dénoncer la précipitation supposée des couples à divorcer, tout en prétendant interdire de l’autre cette mesure de prudence et de précaution évidente que constitue la vie à deux avant le mariage ?

En revanche, il nous semble nécessaire de condamner vigoureusement les « formes traditionnelles de mariage […] arrangé par les familles » (question n°34) : comme l’affirment les Lineamenta, il faut toujours placer « l’amour au centre de la famille » (§17). Il convient donc de rappeler aux parents et aux familles qu’ils n’ont aucun pouvoir de contrainte sur un couple, que ce soit pour le faire ou pour le défaire.

Prendre soin des familles blessées (séparés, divorcés non remariés, divorcés remariés, familles monoparentales)

Il nous semble essentiel de rappeler que l’Église ne peut demander à ses fidèles de bien accueillir ces familles et ces personnes blessées que dans la mesure où elle le fait elle-même. À ce titre, le libre accès de tous les baptisés à la communion et plus généralement à tous les sacrements devrait devenir la règle de l’Église et sa nouvelle pastorale, et ce d’autant plus que, par ce biais, ils recevraient une grâce qui les aiderait à avancer. En tout état de cause, l’accès des baptisés aux sacrements devrait être laissé à leur appréciation : il s’agit, là encore, d’un point d’une extrême intimité, qui doit se régler d’abord entre Dieu et Ses enfants, de manière personnelle et individuelle.

Nous estimons également que les moyens envisagés par les pères synodaux pour faciliter et raccourcir les procédures d’annulation des mariages, s’ils sont probablement souhaitables et vont dans la bonne direction, ne sauraient être une réponse suffisante au problème des divorcés remariés : ils n’attendent pas qu’on leur dise que leur première union était nulle et non avenue, car elle ne l’était pas et cela reviendrait à nier leur histoire personnelle ; ils attendent qu’on leur dise ce qu’ils savent déjà au fond d’eux, à savoir que Dieu laisse toujours une deuxième chance, et qu’Il laisse toujours sa chance à l’amour.

Enfin, nous ajoutons que les divorcés remariés ne forment que la partie émergée de l’iceberg : si on leur interdit l’accès aux sacrements, pourquoi ne le fait-on pas également, par exemple, aux couples qui ont recours à des méthodes de contraception dites « non naturelles » ? Au regard de l’Église, ils sont, tout autant que les premiers, en état de « péché obstiné ».

L’attention pastorale envers les personnes ayant une tendance homosexuelle

Les paragraphes 55 et 56 des Lineamenta, qui traitent la question de l’homosexualité, sont parmi les plus décevants de l’ensemble. Alors que la Relatio post disceptationem était beaucoup plus audacieuse, la Relatio synodi se contente de répéter le Catéchisme de l’Église catholique. C’est très insuffisant et nous espérons que les pères du Synode ordinaire de 2015 sauront aller beaucoup plus loin. L’Église doit reconnaître enfin qu’il n’y a rien de désordonné dans le désir ou dans les relations homosexuelles, et accepter de bénir les unions de personnes du même sexe.

Le document estime « totalement inacceptable que les Pasteurs de l’Église subissent des pressions en ce domaine ». Ce rejet apparaît bien infondé : les autorités ecclésiastiques n’hésitent pas à faire entendre leur voix dans le débat public et à exercer des pressions pour influencer la politique des pays auxquels elles appartiennent. Ainsi, de très nombreux évêques français se sont mobilisés contre la loi Taubira. C’est leur droit le plus absolu, même si nous regrettons qu’ils se soient engagés dans ce sens ; mais en retour, ils doivent accepter que d’autres, qui ne partagent pas leur opinion, exercent également sur eux quelques pressions. On ne peut pas à la fois vouloir participer au débat public et en refuser les règles et la réciprocité.

La transmission de la vie et le défi de la dénatalité

Parler, comme le font les Lineamenta, d’une crise démographique ou d’une « forte baisse de la natalité » (§57) est une véritable stupidité et un déni de la réalité. S’il est vrai que, dans les pays les plus développés, la natalité a tendance à baisser, à l’échelle du monde – la seule qui importe – l’humanité continue au contraire à croître à un rythme inquiétant. La vérité est que, alors que l’humanité avait péniblement atteint 1 milliard d’individus en 200 000 ans d’existence, elle a brutalement gagné plus de 6 milliards d’individus en moins d’un siècle. Déjà, cela pose de nombreux problèmes, en particulier liés à la pression que, par nos besoins, les ressources que nous prélevons, les déchets que nous rejetons, nous exerçons sur la nature. Au rythme où vont les choses, ces problèmes ne pourront que s’amplifier dans l’avenir. Il y a quelque chose de criminel, dans ce contexte, à inciter les gens à faire toujours plus d’enfants.

Il est en revanche évidemment souhaitable de faciliter la vie des parents et de permettre à ceux qui veulent des enfants d’y parvenir. Pour cela, il convient, là encore, de lutter contre les forces aveugles du marché, exclusivement consacrés à la maximisation des profits et à l’accumulation des biens matériels, et de favoriser un meilleur partage des richesses.

Pour ce qui concerne l’encyclique de Paul VI Humanæ vitæ, il ne s’agit plus de chercher les moyens de la promouvoir mais bien de l’abolir. Elle a en effet été clairement rejetée par le sensus fidelium : une immense majorité de catholiques, même pratiquants, la refusent. Beaucoup l’affirment et n’hésitent pas à en démonter les argumentations fallacieuses ; mais même parmi ceux qui n’en parlent pas, nombreux sont ceux qui l’ont rejetée tout simplement dans leurs actes, au quotidien, en n’appliquant aucunement les obligations qu’elle porte et en se moquant bien de ses interdits.

En ce qui concerne l’avortement, il nous semble nécessaire de lancer un débat et une réflexion sur les commencements de la vie humaine : le dogme catholique qui affirme que la vie humaine commence dès la fécondation de l’ovule semble à tout le moins critiquable au regard des connaissances biologiques. Or, si la vie humaine commence, par exemple, avec le fonctionnement du système nerveux central, alors un avortement pratiqué à moins de dix semaines d’aménorrhées n’est pas un meurtre.

Les défis de l’éducation et le rôle de la famille dans l’évangélisation

Les pères synodaux ont raison de redouter « la grande influence des médias » : celle-ci, en effet, s’exerce souvent sur les enfants et les jeunes afin de mieux les insérer dans la société techno-industrielle, capitaliste et libérale, en faisant d’eux avant tout des consommateurs, non des citoyens, des croyants, des humains. Mais répondre à ce défi nécessiterait une réflexion bien plus poussée sur l’ensemble du Système qui gouverne l’humanité aujourd’hui. Tol Ardor propose une telle réflexion à ceux que la question intéresse.

Conclusion

Nous remercions les pères synodaux pour le travail accompli et nous reconnaissons que les Lineamenta du Synode de 2015 vont globalement dans la bonne direction. Mais nous redoutons encore un manque de courage de la part du Synode, manque qui s’est déjà concrétisé dans le passage de la Relatio post disceptationem à la Relatio synodi. Nous attendons donc bien davantage du Synode ordinaire, et nous terminerons en appliquant à l’Église les paroles que Danton avait adressées à la France le 2 septembre 1792 : « il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace » et l’Église est sauvée.

6 commentaires:

  1. Meneldil, ainsi vous souhaitez de l’audace à l’Église !
    Bonne chance ! Car ce souhait n’est-il pas vain ? (pour moi, « Église et audace » c’est plutôt un oxymore !)

    Et d’ailleurs, le Magistère nous a déjà prévenu en disant qu’elle ne toucherait ni à l’enseignement ni à la doctrine (les « lois »), éventuellement à la pédagogie et à la pastorale (« les décrets d’application »).

    Aussi, ne faut-il pas en conclure que rien d’essentiel ne changera ?
    (tout au plus pouvons-nous espérer quelques recommandations à la retenue et à la miséricorde, quelque peu condescendantes …)

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    1. Cher Robert,

      Deux choses. La première, c'est que l'Eglise promet toujours de ne jamais changer... et finalement elle change. Parfois même, elle dit qu'elle n'a pas changé après avoir évidemment changé. Regardez Vatican II : le concile a posé des dogmes qui auraient été regardés comme parfaitement hérétiques deux siècles avant, et pourtant on a développé tout un discours sur cette farfelue "herméneutique de la continuité" pour faire croire que les dogmes ne changeaient pas.

      La seconde, c'est que si on change la pastorale de manière suffisamment profonde, ça fera changer les dogmes. Si, par exemple, les divorcés remariés sont admis à l'Eucharistie, ou si on bénit les unions homosexuelles, comme je le souhaite, les dogmes sur le mariage ou l'homosexualité ne tiendront pas bien longtemps.

      Bref, rien n'est gagné, mais il y a quand même de l'espoir !

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    2. Cher Meneldil,

      Vatican II était soi-disant le concile de l‘aggiornamento, après lequel l’Église allait, enfin, avoir les pieds sur terre.
      Depuis lors, les traditionalistes sont passés par là et on a vu ce que sont devenues les belles idées d’œcuménisme et de tolérance mutuelle.
      Comme l’exprime le théologien Hans Küng dans ses Mémoires, la déception a été à la mesure de l’espoir que ce concile avait fait naître, hélas.

      Bien sûr que j’aimerais que les divorcés remariés puissent communier – je m’associe d’ailleurs au jeûne eucharistique proposé par la CCBF – et bien sûr que je souhaite la possibilité d’unions entre homosexuel-le-s.

      Quant à faire en sorte que certaines pratiques, jusque-là interdites, soient rendues possibles et se dire que la doctrine suivra un jour ou l’autre – c.à.d. commencer par transformer « de facto » avant de transformer « de jure » – c’est là mettre la charrue avant les bœufs, ce que le Magistère aura à cœur d’éviter, à mon avis.

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  2. Que Vatican II ait débouché sur une déception immense, j'en suis d'accord. Mais on doit quand même bien reconnaître qu'il n'a pas été vain pour autant : l'Eglise actuelle est tout de même infiniment plus ouverte que celle d'avant 1965. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, mais il ne faut pas dénigrer celui qui a déjà été parcouru.

    Moi aussi je préférerais que l'on fasse les choses franchement, en transformant d'abord le droit, puis la pratique. Mais ce qui m'intéresse, au fond, c'est que tout change, le droit comme la pratique. Dans quel ordre, au fond, c'est secondaire : si on a une opportunité de faire changer l'un ou l'autre, il faut la saisir. On ne pourra pas se plaindre que rien ne change si on n'a pas tout fait pour que les choses changent...

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    1. Bonjour Meneldil,

      Une question primordiale est de savoir si la place des femmes au sein de l’Église catholique s’est améliorée - même un tant soit peu – depuis la fin du concile Vatican II.
      Je crains, en effet, que l’Église tienne toujours à son antique modèle de société patriarcale, avec l’homme au pouvoir et la femme au service.
      Et qu’elle n’en démordra pas de sitôt.

      Quelques écrits – faisant état des mêmes craintes et des même désillusions – sont entre autres :

      - « Les femmes et l’avenir de l’Église » par Joseph Moingt (Études 2011/1, Tome 414, p.67-76)
      - « La sexualité, une affaire d’Église ? De la contraception à l’homosexualité » de Martine Sevegrand (Ed. Karthala, 2013)
      - « La sexophobie de l’Église » de Bernard Garel (Témoignage, éditions Tatamis, 2014)

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  3. Voici le lien vers le premier article cité:
    www.aquarelles-expert.be/Joseph_Moingt_ETUDES_414.pdf

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