Je comprends pourquoi le PS et EELV voulaient faire
interdire la fessée avant les élections européennes : ils espéraient
échapper à la volée de bois vert qu’ils viennent de prendre sur les doigts !
Pour être raté, c’est raté.
Il y a deux types de soirées électorales : celles qui
me donneront raison dans les années à venir (parce que les espoirs nés des
élections ne pourront qu’être déçus), et celles qui me donnent raison tout de
suite (parce que les gens votent comme des cons). C’est pour ça que j’aime
tellement les soirées électorales. Là, clairement, on est dans la seconde
catégorie. Quelle gifle ! Quelle dérouillée ! Je n’ai pas la télé,
mais il y a des gens sur les plateaux qui doivent tirer la gueule comme si on
leur avait annoncé une mutation aux Kerguelen.
La gifle se voit d’abord, bien rouge, sur la joue de la
gauche. 33,5% estimés, et encore, pour parvenir à ce piètre résultat, il faut
bien tasser ensemble le PS, les Verts, le Front de gauche, Nouvelle Donne, et
on ne compte même pas ceux qui sont encore plus à gauche que le FdG, il faut un
microscope électronique pour apercevoir leur score. Avec ses 25%, le Front
National pèse en 2014 d’un poids comparable (plus faible, certes, mais dans le même
ordre de grandeur) que toute la gauche française. Ça doit piquer.
Au sein de la gauche, il faut cependant faire des
distinctions. Je trouve que pour le PS, ce n’est pas si catastrophique,
honnêtement. Bon, ils ne sont pas très loin de leur plus bas historique, mais
les élections intermédiaires sont toujours difficiles pour les partis au
pouvoir, surtout en période de crise. À mon sens, leur score est moins honteux
que celui d’autres partis.
Les Verts ou le Front de Gauche, par exemple. Les premiers
divisent par deux leur score des élections européennes de 2009. On s’en doutait
bien, mais ça, ça craint, pour le coup. Eux peuvent vraiment aller se cacher.
Comme pour le Front de Gauche, leur faible score (inférieur à 10%, même les guignols
du centre font moins mal !) confirme que les Français ne les prennent pas
au sérieux, ne les considèrent pas comme un modèle de société viable, comme une
alternative crédible à la Crise que nous traversons. La claque est donc à mon
sens pour eux plus que pour le PS : Mélenchon, pour passer devant les
socialos, pour l’hégémonie du FdG sur la gauche, on repassera, hein.
Mais en ce qui concerne les partis, la gifle la plus forte,
finalement, est, je trouve, pour l’UMP. Parce qu’autant il est normal que le
parti au pouvoir soit désavoué aux élections intermédiaires, autant il est
naturel que les voix de l’essentiel des mécontents soient récupérées par l’autre
grand parti de gouvernement. Que cet autre parti, en l’occurrence l’UMP, échoue
dans cette mission simple et laisse les mécontents filer, pour l’essentiel, au
FN, voilà qui est vraiment très intéressant. Le peuple dérive sans s’arrêter
vers une droite de plus en plus radicale. Je dirais bien « je vous l’avais
bien dit », mais il y a des fois où on aimerait ne pas avoir autant raison.
Alors qui gagne, finalement ? Marine Le Pen ? Sans
doute. Elle a tout compris, elle sait comment fonctionne le système et elle en
joue à fond. Dernièrement, je voyais, affligé, des amis partager fébrilement
sur Facebook des vidéos de débats entre Mme. Le Pen et diverses personnalités,
avec des commentaires du style « mouahaha, comment elle se fait laminer
par machin, la Marine ! » ou « comment il a trop démonté son
argumentaire sur la sortie de l’euro ! » ; et je me disais :
mes pauvres amis, mais vous n’avez rien compris, vous, pour le coup. Ce n’est
pas à coup d’arguments, ce n’est pas avec la raison qu’on gagne une élection.
Toutes les études de sciences sociales sur le sujet le montrent : les gens
votent d’abord à l’émotion, sur ce qu’on leur fait ressentir, et ensuite sur une
variété de facteurs comme le physique des candidats. Les idées politiques,
croyez-le ou non, arrivent après le physique des candidats ! Donc Marine s’en
fout, de se faire laminer dans un débat télé sur la question de savoir s’il faut
ou non sortir de l’euro : elle se fait laminer, et elle gagne les
élections, et ceux qui l’ont laminée les perdent. C’est aussi simple que cela.
Du coup, j’ai envie de dire que la vraie perdante de ces
élections, c’est quand même la démocratie. Plus que jamais, les partisans de ce
système (enfin, ceux qui ne votent pas FN, bien sûr) sont face à leurs
contradiction : si vraiment le peuple est souverain, si vraiment il est
mûr pour décider, si vraiment il a la compétence pour prendre des décisions politiques
qui engagent l’avenir du pays et du continent, alors pourquoi ces cris, ces
pleurs et ces grincements de dents ? On ne peut même pas se réfugier
derrière le taux d’abstention, qui prouve que la plupart des gens ne sont tout
simplement pas assez intéressés par la politique pour se déplacer, ou n’ont pas
compris que, de nos jours, tout se joue de plus en plus à Bruxelles, pas à
Paris. Et dans ces conditions, quelle pourrait être leur légitimité à décider ?
Ouvrez un peu les yeux ! C’est ça, le peuple, pas le
peuple idéal de vos fantasmes ! Pliez-vous donc au choix du peuple !
Vous vouliez qu’il décide ? Eh bien voilà, il décide ! De quoi vous
plaignez-vous ? Du fait qu’il ne fait pas le même choix que vous ? Eh !
singulière conception de la démocratie.
Allez, soyons bravache jusqu’au bout : puisque le
grand perdant de ces élections, c’est le système démocratique dont la preuve
est faite qu’il conduit droit au gouffre dictatorial ou totalitaire, alors la grande
gagnante de cette journée, ce n’est pas Marine Le Pen : c’est Tol Ardor.
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