lundi 12 mai 2014

Conchita Wurst ou le triomphe des valeurs chrétiennes


Le triomphe de la drag-queen autrichienne Conchita Wurst à l’Eurovision 2014 ne fait pas que des heureux. La blogosphère catho-tradi se déchaîne, Boutin en tête : elle a un « malaise » (encore un malaise !) devant cette « image d’une société en perte de repères niant la réalité de la nature humaine », et elle ajoute son cri du cœur : « non à cette Europe-là ! » La hiérarchie russe entonne le même air d’une Europe corrompue et décadente dont le mariage gay serait l’abject symbole. Un porte-parole de l’Église orthodoxe russe a ainsi déclaré que la victoire du travesti représentait « encore un pas vers le rejet de l’identité chrétienne de la culture européenne ».

Et personne ne bronche. On assiste donc au retour de cette opposition qui tend à se figer dans le marbre depuis les débats autour de la loi Taubira, avec d’un côté les catholiques – qui se voient eux-mêmes comme le dernier rempart de la Loi Naturelle contre la décadence, et que tous les autres voient comme des réacs coincés et opposés au moindre écart par rapport aux normes liées au genre et à la sexualité –, et de l’autre les non-catholiques, qui se voient comme l’incarnation du Progrès, et que les catholiques voient comme l’incarnation du Péché.

Cette dichotomie est avant tout complètement fausse : de nombreux catholiques n’ont absolument rien contre l’homosexualité ou les études de genre, et de nombreux réacs n’ont pas besoin d’être catholiques pour être homophobes. Mais surtout, son installation dans les mentalités est une catastrophe pour tout le monde.

Pour l’Église d’abord, qui apparaît aux yeux de l’immense majorité de nos concitoyens comme une gigantesque machine conservatrice, une force d’inertie qui n’aurait plus pour seul but que de conserver les choses plus ou moins en l’état (voire, si possible, de revenir en arrière). L’Église catholique voit aujourd’hui son image immensément abîmée ; elle ne suscite plus seulement l’indifférence : elle suscite le mépris, la haine et un très fort rejet. Les évêques et, plus encore je crois, les fidèles, n’en ont pas pleinement pris la mesure. Certains reconnaissent cet état de choses mais s’y résolvent, se disant que c’est le prix à payer pour tenir un discours de vérité (ne se remettant jamais en question pour se demander si, vraiment, leur discours est bien celui de la vérité). D’autres s’y complaisent, se voyant déjà en dignes héritiers des martyrs des premiers siècles, sacrifiés aux griffes et aux crocs des lions du « lobby LGBT » (tout ça parce qu’ils se sont pris trois insultes sur Facebook ! franchement…). Presque tous se disent que « ce n’est pas si grave » et que « ça va passer ».

Non, ça ne va pas passer ; et si, c’est grave. L’Église a pour mission essentielle d’annoncer au monde la bonne nouvelle de l’Amour de Dieu. Elle ne peut pas le faire si elle est l’objet d’un rejet de plus en plus universel qui la rend absolument inaudible. Bien sûr, je ne prétends pas que la Vérité soit relative, ni qu’il faille transiger avec elle pour plaire au bon peuple. Il ne s’agit pas de faire la danse des sept voiles ; nous ne sommes pas dans une compétition électorale. Mais l’Église ne peut pas non plus faire complètement l’économie d’une réflexion sur l’image qu’elle renvoie dans l’opinion publique ni sur les nécessités bassement politiques et matérielles. Elle doit d’abord être platonicienne, d’accord, mais cela ne veut pas dire qu’elle puisse se permettre d’oublier totalement Machiavel. Le minimum, quand une de ses positions la fait voir très majoritairement comme attardée, c’est donc de s’interroger sur le bien-fondé de ladite position.

Mais la catastrophe est aussi, bien qu’on s’en rende encore moins compte, pour le reste de la société. Car en faisant de l’Église catholique et, par une extension injustifiée, du christianisme, l’ennemi universel du genre humain, elle se prive de l’essentiel de son message. Or, le christianisme a, plus que jamais, quelque chose à dire au monde et aux hommes. Le fond du message chrétien, c’est l’Amour : l’amour de soi-même, l’amour des autres, l’amour de Dieu et du Bien. Que ce message ait été obscurci, voire perverti, corrompu, au cours des siècles, par l’institution humaine qu’est l’Église visible, incarnée, n’enlève rien à sa force première, ni à sa nécessité. Dans une société qui privilégie de plus en plus les rapports de force, l’exploitation des uns par les autres, la course au profit au détriment de la nature comme des rapports humains, le message chrétien – le véritable message chrétien – est plus que jamais d’actualité.

Et en ce sens, je n’hésite pas à le dire : la victoire de Conchita Wurst à l’Eurovision n’est pas la négation des racines chrétiennes de l’Europe ; bien au contraire, elle en est l’expression. Pas seulement parce que cet homme, c’est Jésus avec du mascara : plus profondément, parce que le respect et l’amour de l’autre, y compris dans sa différence, sont des valeurs profondément chrétiennes. Ne pas se contenter de tolérer la différence ; aimer véritablement la différence, apprécier la différence en tant que telle – aussi longtemps, bien sûr, qu’elle ne fait de mal à personne –, c’est aussi cela, le véritable christianisme.

Je ne prétends bien sûr pas que les droits de l’homme ou les valeurs de tolérance et de respect seraient uniquement dues au christianisme ; mais ce n’est pas non plus un hasard s’ils sont apparus et se sont développés, sans doute plus que partout ailleurs, dans la civilisation occidentale chrétienne. Des gens comme Voltaire ou Marx écrivaient contre l’expression institutionnelle du christianisme de leur temps ; mais ils étaient aussi, en un sens, de purs produits du christianisme véritable.

Plus que jamais, il est nécessaire que les chrétiens et les catholiques en « rupture de dogme » avec les institutions auxquelles ils appartiennent s’organisent et fassent entendre leur voix. Pour ne pas laisser s’installer une opposition à laquelle nous avons tous beaucoup à perdre.

11 commentaires:

  1. Meneldil, j'apprécie votre position même si je ne la partage pas. Vous pourrez lire sur mon blogue ma chronique de ce matin sur Radio Notre Dame. Je n'ai, bien évidemment, aucune aversion vis à vis de Conchita dont le visage christique passé au mascara saute, en effet aux yeux. Je crois que le point de désaccord entre vous et moi porte sur cette partie de votre propos : "Ne pas se contenter de tolérer la différence : aimer véritablement la différence…" Pour moi ce sont les hommes et les femmes qui sont à aimer, quelle que soit leur différence et dans leur différence. Et sous cet angle je ne vois pas au nom de quoi je n'aimerais pas Conchita… Mais aimer une différence pour elle-même, à mes yeux cela n'a pas de sens ! Or derrière le gay friendly politiquement correct de ce concours de l’Eurovision en perte de vitesse (sauf apparemment, depuis des années, auprès des homosexuels, pour des raisons qui m’échappent) c’est en fait le «culte de la différence» qui se profile et là je ne vois pas en quoi il est particulièrement chrétien.

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  2. Excellente question ! Un jour, j'écrirai peut-être un billet rien que là-dessus ; en attendant, contentons-nous d'une ébauche.

    Pourquoi devons-nous aimer la différence en tant que telle ? De mon point de vue de chrétien, je réponds : parce que Dieu Lui-même aime, à l'évidence, la différence et la diversité. Il le prouve en permanence : dans la nature d'abord, avec l'immense variété des formes de vie, des milieux naturels, et même, au-delà de notre planète, par la variété des mondes (rien que dans le système solaire, que de mondes, certes vides de vie incarnée, mais d'une telle diversité !).

    Mais aussi dans l'humanité : la diversité des cultures, des langues, des couleurs de peau, des traditions, des habitudes ; mais aussi la différence des religions. Je suis intimement convaincu que la diversité religieuse est une richesse voulue par Dieu Lui-même, qu'Il aime ne pas être adoré partout de la même manière. Et l'homosexualité, elle aussi, participe de cette diversité et de cette richesse de l'humanité.

    Bien sûr, cela ne veut pas dire que tout se vaille. Je suis chrétien, et donc, je pense que quand les musulmans nient la divinité du Christ, ils se trompent. Mais je pense aussi que, dans leur erreur, se trouve un rappel d'une part de vérité que, sans eux, je risquerais de manquer ou d'oublier : l'unicité de Dieu, Sa grandeur, Sa transcendance. De même, je pense que les athées se trompent en niant l'existence de Dieu ; mais leur erreur permet, inversement, de réaffirmer une vérité : la grandeur, la noblesse de l'homme. Ainsi, de la diversité des croyances naît (ou devrait naître) une harmonie, non pas un désaccord ; et les erreurs sont finalement, au moins pour certaines d'entre elles, complémentaires des vérités, et un moyen de faire ressortir certaines d'entre elles.

    Bien entendu, cela ne veut pas dire que toute différence soit bonne. La psychopathie, la pédophilie sont des différences, et je pense pourtant qu'il faut leur interdire de se réaliser. Mais c'est uniquement parce que ce sont des différences dont la réalisation porte tort aux autres. Une différence qui ne fait de mal à personne est, à mon sens, toujours une richesse, et donc objectivement désirable per se.

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  3. Meneldil, je me sens en harmonie avec votre approche et, disons-le, avec la générosité de votre regard sur le monde et les êtres. Et pourtant je perçois, au fond de moi, que je ne puis pas souscrire à votre analyse. Encore faut-il que j’argumente… Partir du constat de l’existence de la diversité pour en conclure que Dieu l’aime sans réserve, voilà qui me semble audacieux ! Car enfin les virus, les tsunamis et les tornades font aussi partie de la diversité. Non, je ne peux pas vous suivre sur ce terrain.

    Pour moi la diversité est d’abord le fruit de l’évolution et doit être considérée comme un fait avant tout jugement de type moral. Cela est vrai de la «nature» au sens large du terme – jusque et y compris la couleur de peau – mais également de la culture qui englobe : les civilisations, les religions, les comportements humains… Je ne crois pas un instant que la diversité religieuse soit «une richesse voulue par Dieu». Pas plus que je ne crois qu’il s’en offusque. Elle est, assurément ! Et elle peut être richesse selon ce qu’en font les hommes… La seule chose qui, selon moi, importe réellement à Dieu c’est l’être humain, sa liberté et l’usage qu’il en fait…

    Dès lors, l’homosexualité (puisque c’est d’elle qu’il s’agit dans ce dialogue) est d’abord une réalité (une donnée) à prendre en compte en sachant… qu’on ne sait rien sur ses causes. Il n’est donc pas question – pour moi, en tout cas – de stigmatiser d’une quelconque façon celles et ceux dont c’est la tendance. Pour autant, la sexualité étant le vecteur de la reproduction, animale comme humaine, on voit bien que, sauf à sombrer dans la pure idéologie, l’hétérosexualité et l’homosexualité ne pourront jamais avoir «statut égal» ce qui ne constitue pas en soi une injustice/inégalité, mais une différence.

    Je sais, Meneldil, que nous divergeons vous et moi sur cette question. Mais c’est précisément parce que tout ne s’équivaut pas que je reste, pour ma part, réservé, face au discours ambiant sur la lutte contre les discriminations à l’école. Que dans cet âge incertain de l’adolescence, où la confrontation à l’autre sexe ne va pas de soi, on laisse entendre au garçon ou à la fille, que choisir le même plutôt que le différent, est un choix possible, équivalent et sans conséquence, me semble être une imposture. Une chose est de respecter la tendance homosexuelle affirmée d’un jeune adulte, autre chose de laisser s’orienter définitivement vers l’homosexualité un adolescent dont la sexualité n’est pas définitivement fixée. Je sais qu’en certains lieux ce type de propos est considéré comme homophobe mais peu m’importe. Une chose est de refuser d’ostraciser les couples homosexuels, autre chose d’en faire les pivots d’un nouveau modèle familial également ouvert à la filiation…

    C’est pourquoi, contrairement à vous, je suis depuis toujours favorable à une perpective de contrat d’union civile et farouchement opposé au mariage pour tous. Il est probable que vous ne changerez pas d’avis… Moi non plus ! Il faut nous y faire ! Et j’apprécie, vous le savez, que nous puissions en débattre sans nous excommunier.

    J’en termine en revenant à l’événement qui a provoqué cet échange : l’attribution du prix Eurovision de la chanson à Conchita. Je n’en suis pas «scandalisé» si sa prestation justifie le choix du jury… Mais j’ai tout lieu de penser que ce qui a été consacré là est moins sa qualité vocale que son statut de travesti. Pourquoi ne pas attribuer demain le Goncourt à un écrivain de seconde zone racontant le viol incestueux subi dans son enfance, par «compassion» et désir militant d’aider par cette reconnaissance sociale à «faire repentance» pour les crimes commis au sein des familles hétérosexuelle ! Pardon mais nous sommes là en plein délire !

    Non Meneldil, malgré l’amitié que je vous porte : Conchita Wurst ne marque pas le triomphe des valeurs chrétiennes. S’il y a triomphe c’est celui : construit, programmé, orchestré d’une «indifférentiation sexuelle» non pas présentée comme complémentaire mais substitutive à la différence qui, elle, est au cœur des valeurs chrétiennes.

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    1. Cher René,

      Tout d’abord, merci de votre réponse. Merci aussi de vos commentaires élogieux sur notre manière de débattre : oui, c’est rare, et moi aussi, j’apprécie. Je ne risque pas de traiter votre position d’homophobe, tout simplement parce que je ne vois pas bien en quoi cela ferait avancer le débat. Je préfère répondre point par point à vos arguments (tout en sachant que, comme vous le dites, ni vous ni moi ne changerons probablement de position sur le fond ; mais au moins avons-nous la chance de pouvoir approfondir nos propres positions).

      Votre utilisation des virus et des tornades comme preuve que la diversité ne serait pas bonne en soi me semble très discutable. Ne serait-ce que parce que tous les virus ne sont pas dangereux ! Beaucoup sont non pathogènes pour leur hôte. Les virus jouent même un rôle important dans la transmission horizontale des gènes, et donc (justement !) dans la biodiversité. Les virus ne sont donc pas mauvais en soi ; les virus pathogènes, eux, ne sont qu’une partie (comme les tornades) de la part du mal qui ne dépend pas des hommes.

      L’existence de ce mal non dépendant de notre libre-arbitre est une vaste question ; j’ai, pour ma part, une idée très précise de la réponse, mais ce n’est pas le lieu de la développer. L’essentiel, pour notre discussion présente, est ici : en soi, la diversité naturelle ne saurait être tenue responsable du fait que certains virus sont pathogènes, ni que certaines conditions climatiques forment des tornades. De même que la diversité des religions ne saurait être tenue pour responsable de ce que certains croyants sont intégristes !

      En outre, j’ai bien précisé ma position : la diversité est objectivement bonne tant et seulement tant qu’elle ne fait de mal à personne. Chaque terme de la phrase est important ! Aussi avais-je bien précisé que si la psychopathie et la pédophilie étaient bien représentatives d’une diversité, elles devaient pourtant être interdites et empêchées de se réaliser.

      Je ne prétends donc pas que toute diversité soit bonne. Mais sur le fond, je maintiens ma position. Je crois que vous sous-estimez l’importance de la diversité dans l’Univers. Il me semble, à moi, que la diversification et la complexification soient un des socles les plus fondamentaux de la Création ! Et j’ai du mal à croire qu’une constante aussi universelle ne fasse pas partie du plan divin. Bien sûr que la liberté et l’usage qu’on en fait compte plus ; mais je crois que le monde est la preuve (ou au moins un argument très fort) que Dieu n’a pas voulu un Univers uniforme et monotone.

      Revenons à présent à la sexualité. Vous affirmez que la sexualité est « le vecteur de la reproduction ». À mon avis, votre erreur fondamentale est là. Selon moi, la sexualité est d’abord le vecteur d’un immense plaisir physique. Quand un couple fait l’amour, mettons, 4500 fois en 30 ans, il n’utilise la sexualité comme vecteur de reproduction que 2 ou 3 fois, autrement dit 0,07% des fois. Donc, dans 99,93% des coups, on fait l’amour pour le plaisir. Et si on ajoute à ces données la sexualité solitaire, on arrive à un chiffre absolument négligeable pour la sexualité reproductive.

      Je sens que vous allez être tenté de balayer cet argument. De me dire que j’ai une vision comptable d’un acte humain. Que j’oublie la qualité en privilégiant la quantité. Mais ne le balayez pas trop vite. Même sans recourir à des données chiffrées, si vous me demandez si, pour moi (père de deux enfants), la sexualité, c’est d’abord le plaisir ou d’abord les enfants, je vous réponds sans hésiter que c’est d’abord le plaisir. Je le constate dans ma vie, au quotidien, et pas seulement dans mon couple, mais partout autour de moi.

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    2. C’est pourquoi, à mon sens, il est absolument aberrant de se référer à la reproduction pour définir la sexualité. Ce serait peut-être le cas si l’homosexualité menaçait la natalité. Mais même dans l’Athènes du Ve siècle avant notre ère, qui avait érigé la bisexualité en norme, cela n’a jamais été le cas. Attention, je ne prétends pas que l’homosexualité et l’hétérosexualité soient la même chose ! Bien sûr qu’elles sont différentes. Comme les femmes sont différentes des hommes et les Noirs différents des Blancs. Ce que je nie, c’est qu’il y ait entre les deux une hiérarchie morale, que l’une vaille objectivement plus que l’autre, ou soit objectivement préférable à l’autre.

      À partir de ces prolégomènes, quel discours tenir à des adolescents ? Vous vous dites méfiant et refusez qu’on dise aux jeunes que « choisir le même plutôt que le différent, est un choix possible, équivalent et sans conséquence ». Là encore, je crains que vous ne vous mépreniez sur nature de l’homosexualité. Je veux bien, René, qu’on ne soit pas certains de l’origine de l’homosexualité (encore que je ne dirais pas qu’on n’en sait rien). Mais une chose est certaine : on ne « choisit » rien. L’homosexualité ou la bisexualité (ou l’hétérosexualité) ne sont pas des choix. Je peux en témoigner : le corps des garçons m’a toujours fait exactement le même effet que celui des filles. Je n’ai rien choisi ! C’est comme ça, et je n’ai subi aucun traumatisme, même léger, qui pourrait expliquer cela.

      Votre manière de poser le problème n’est donc pas pertinente. Elle pourrait l’être, à l’extrême rigueur, si les ados avaient le moindre choix à faire. Mais ce n’est pas le cas. La seule, l’unique chose sur laquelle ils puissent agir, c’est « vais-je assumer ou non ? » Et c’est là qu’il est impératif d’agir. Il faut aider les jeunes à assumer ce qu’ils sont, et cela ne peut passer que par le fait de leur parler de cela. Il faut qu’ils sachent, qu’ils sentent, au plus profond d’eux, qu’être homo, ce n’est pas moins bien que d’être hétéro. Parce que si on ne fait pas ce travail, certains n’assumeront pas et seront frustrés, d’autres assumeront et seront moqués ; et finalement tout le monde souffrira.

      À ce titre, je trouve votre discours extrêmement ambigu. Vous dites respecter l’homosexualité quand elle est la « tendance […] affirmée d’un jeune adulte », mais dans le même temps vous ne voulez pas « laisser s’orienter définitivement vers l’homosexualité un adolescent dont la sexualité n’est pas définitivement fixée ». À cela je réponds deux choses. La première, c’est que si l’homosexualité n’est pas moralement inférieure à l’hétérosexualité (et je considère que rien n’indique qu’elle le soit), alors il n’y a aucune raison de pousser les ados plutôt dans un sens que dans l’autre. La seconde, c’est que rien ne prouve que la sexualité ne soit pas « définitivement fixée » bien avant l’adolescence. Pour ma part, j’ai commencé à ressentir mes premières attirances homosexuelles (et hétérosexuelles, c’était en même temps) à l’âge de 12 ans, et rien n’est venu le démentir par la suite. Et pour être parfaitement honnête, je crois que j’étais déjà cela bien avant 12 ans. La psychanalyse a démontré, je crois, sans aucune équivoque, que les enfants étaient sexualisés dès le très jeune âge. Je crois, en toute sincérité, que les orientations sexuelles sont fixées bien avant l’adolescence. Et c’est pourquoi votre discours me semble aller forcément dans le sens de ce que je redoute, à savoir encore et encore pousser des gens à lutter contre leur nature.

      Enfin, que Conchita Wurst ait bénéficié d’un « effet de mode » et du « politiquement correct », bien sûr. Mais ce que j’ai voulu dire par ce titre, auquel je ne retire rien, c’est qu’en l’occurrence, le politiquement correct et la mode sont l’expression du christianisme réel, contre le discours officiel de l’Église qui en est la négation.

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    3. Cher Meneldil,
      Il y a entre nous une part de désaccord mais également de malentendu. Commençons par dissiper les seconds. Lorsque je parle de la sexualité comme «vecteur de la reproduction», ce n’est pas pour nier sa dimension « dominante » de plaisir dont je me réjouis autant que vous. Je voulais simplement signifier que la reproduction est sexuée et suppose la différenciation des sexes. Et donc que si la dimension «ludique» de la sexualité peut, sans problème, être vécue au sein du couple homosexuel comme du couple hétérosexuel, sa dimension reproductive, elle, se heurte à une impossibilité physiologique.
      C’est ce qui – au risque de me répéter – fonde depuis longtemps mon choix pour le contrat d’union civile pour les couples homosexuels. Je ne leur conteste pas, contrairement à la «lettre» de l’enseignement de l’Eglise à laquelle se cramponne LMPT, le droit de s’aimer physiquement ; mais je persiste à penser que, concernant la filiation, la norme doit rester la filiation biologique dans la clarté de l’identité des géniteurs et qu’il est de l’intérêt de l’enfant comme de la société qu’il soit élevé par eux.
      Dans cette approche globale qui intègre les deux dimensions de la sexualité : plaisir + reproduction, il y a donc bien inégalité entre hétérosexualité et homosexualité puisque l’une donne accès aux deux finalités, l’autre pas. Ce n’est pas un jugement moral, c’est un fait ! Et c’est sur la base de ce fait que j’ai souhaité, pour ma part, que la notion de mariage soit réservée aux seuls couples hétérosexuels dès lors que le mariage ouvre ET à la conjugalité ET à la filiation.
      J’entends tous les arguments sur la générosité de la filiation par adoption, sur l’existence des familles homoparentales et sur le fait que nul ne peut contester la capacité de deux adultes de même sexe à «aimer» un enfant… Mais je fais miens les propos de Véronique Margron, rapportés dans les commentaires de ce blogue par Marc Fortier-Beaulieu lorsqu’elle soutient, avec d’autres, qu’il y a un risque pour une société à transformer une exception, même croissante, en norme.
      La diversité qui vous est chère, Meneldil, a toujours été revisitée par la culture (et/ou par les religions) pour établir en son sein des hiérarchisations. Vous évoquez la bisexualité qui était la norme dans la cité Athénienne du Ve siècle avant notre ère. Mais je ne sache pas que les Grecs aient jamais fondé une quelconque conjugalité voire une filiation, sur l’homosexualité. Simplement ils se reconnaissaient le droit de vivre à la fois une hétérosexualité conjugale nécessaire à la survie de la Cité, et une homosexualité de plaisir. Ils accordaient à la sexualité/plaisir une autonomie que refusera le christianisme, au nom d’une conception de ces réalités liant étroitement sexualité, mariage et don de la vie.
      Nous vivons, j’en conviens, une période de basculement civilisationnel où les anciennes hiérarchies sont remises en question. Est-ce forcément pour faire émerger un bien supérieur ? C’est ce que vous pensez et dont je doute. Sans plus de «preuve» objective de votre côté que du mien. Voilà !
      S’agissant de la fixation des tendances sexuelles de chacun vous écrivez : «rien ne prouve que la sexualité ne soit pas « définitivement fixée » bien avant l’adolescence». Sans doute, sauf que rien ne prouve le contraire. En fait on n’en sait rien. Vous ajoutez : «si l’homosexualité n’est pas moralement inférieure à l’hétérosexualité (et je considère que rien n’indique qu’elle le soit), alors il n’y a aucune raison de pousser les ados plutôt dans un sens que dans l’autre.»

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    4. On retrouve ici ce qui nous sépare : si l’intérêt de la société est – ce que je crois – de privilégier une forme de lien et d’organisation sociale qui, à travers la sexualité, lie plaisir et reproduction, alors il n’est pas anormal qu’elle donne une forme de préférence au lien hétérosexuel, sans pour autant nier l’égale dignité affective de la relation homosexuelle. Simplement leur «fonction sociale» n’est pas la même. Et donc, dans l’hypothèse – non démentie – où la tendance sexuelle de l’adolescent ne serait pas fixée, il y a, de fait, justification à vouloir l’orienter, pour peu que ce soit sans contrainte, dans un sens encore majoritairement jugé, à ce jour, préférable pour la société : l’hétérosexualité. Et je me garderai bien d’entrer ici dans le débat, nourri par certains, de savoir si ce choix n’est pas également préférable pour l’épanouissement personnel d’un jeune non définitivement assuré de son homosexualité exclusive, ce « vécu » homosexuel – permis par un contexte social bienveillant – pouvant alors être perçu comme «incomplétude», source d’insatisfaction profonde et de souffrance… Débat à haute valeur idéologique et polémique pour laquelle j’avoue mon incompétence.
      Terminons, cher Meneldil, sur la «préférence divine» pour la diversité qui semble vous être chère. Tenons-nous en aux religions si vous le voulez bien. Je ne crois pas que Dieu ait «voulu» une diversité des religions. Je crois simplement qu’il a mis au cœur des hommes et des femmes depuis l‘origine de l’être, en même temps que la liberté, un «désir» de Dieu et du bien qui s’est traduit, de fait, par une diversité de cultures et de religions. Pour moi le seul vrai désir de Dieu c’est le bonheur et la liberté de l’être humain qu’il a créé à son image et ressemblance. Ce que nous disons vous et moi n’est donc pas si contradictoire. Mais l’approche n’est pas la même. Et si Dieu veut incontestablement le bonheur de tout être, et aime chacun de nous quelles que soient ses tendances sexuelles, il me semble audacieux d’avancer, comme vous le faites, qu’il veut que ceux qui s’aiment puissent se marier…
      Pardonnez-moi mais je pense que ce n’est là ni son problème ni sa préoccupation. C’est strictement affaire de culture, et c’est à nous, pauvres humains, de nous risquer à déterminer des hiérarchies de valeur, des préférences organisationnelles en fonction de ce qui nous semble utile au bien commun. Longtemps l’Eglise a prétendu, sans guère de contestation interne, pouvoir dire, en la matière, le bien et le mal, le bon et le mauvais. Aujourd’hui nos sociétés sécularisées se trouvent, en quelque sorte, condamnées à rebattre les cartes pour définir un nouveau consensus, capable de fonder un vivre ensemble respectueux des droits de chacun (et donc aussi des enfants à naître…)
      Cette analyse – subjective, comme toute analyse – me conduit à me séparer de vous sur deux points essentiels : concernant la société, je crois qu’on ne peut pas «imposer» des évolutions sociétales qui ne font pas réellement consensus en s’appuyant sur le fait qu’on dispose d’une majorité au Parlement et qu’on «pressent» (au nom de quelle science exacte ?) qu’elles s’inscrivent dans le sens de l’Histoire ; concernant l’Eglise, je crois que chacun d’entre nous doit avoir l’humilité de ne pas considérer que ses élans personnels de compassion et/ou de générosité suffisent à affirmer, dès lors qu’il se dit chrétien, que Dieu valide nos intuitions. On n’est pas chrétien tout seul. C’est bien pourquoi il me semble que nous ne sortirons d’un débat qui, d’évidence, n’est pas clos que par une réflexion en profondeur ET dans la société française, ET dans l’Eglise. Ce que nous n’avons pas réellement fait à ce jour. Et que modestement, notre dialogue contribue à nourrir.

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  4. Cher René,

    Vous allez sûrement me trouver tatillon, mais je dois reprendre un point de votre raisonnement. Partons d’un préalable théorique : quand on utilise un argument pour démontrer un point, il faut que l’argument soit vraiment et complètement valable, sinon il faut en trouver un autre.

    Sur cette base, reprenons votre discours sur le mariage homosexuel.

    Vous dites d’une part que « votre choix d’une union civile » (autrement dit, votre refus du mariage) se fonde sur « l’impossibilité physiologique » pour un couple homo d’avoir des enfants. Attention, je ne dis pas que ce soit votre seul argument, mais c’est un de vos arguments.

    A-t-il de la pertinence ? Si oui, alors il doit logiquement s’appliquer pour tous les couples qui sont physiologiquement incapables d’avoir des enfants. Une femme ménopausée ne pouvant avoir d’enfants, vous devriez en toute logique refuser le mariage et proposer l’union civile aux couples comprenant une femme ménopausée.

    Vous allez sans doute vous rabattre sur d’autres arguments pour écarter ma critique. Mais j’aimerais qu’on commence par éclaircir ce point : soit vous assumez de refuser le mariage aux femmes ménopausées, soit vous reconnaissez que cet argument est en fait sans valeur. Ça ne serait pas une preuve que le mariage homo est une bonne chose, mais ça contribuerait à clarifier le débat : soit l’argument est bon, et alors on en assume les conséquences ; soit il ne l’est pas, et les opposants au mariage homo s’engagent à ne plus l’utiliser. Ou alors, il y a un moyen terme que je ne vois pas, mais alors il faut me le montrer.

    De la même manière, « l’inégalité » que vous pointez entre l’homosexualité, non ouverte à cette faculté reproductive, et l’hétérosexualité, devrait vous conduire à mettre l’hétérosexualité entre personnes âgées, ou tout simplement entre personnes stériles, du même côté que l’homosexualité. Si vous refusez de le faire, alors c’est que la différence que vous faites entre ces deux sexualités n’est pas réellement basée sur la faculté de reproduction, mais sur autre chose. Vous allez me dire que c’est sur la différence sexuelle : mais ça ne répond pas à la question. Quand, pour une raison ou pour une autre, la différence sexuelle ne permet pas l’ouverture sur la vie par la reproduction, qu’est-ce qui la rend si spécifique ? C’est à cela que vous devez répondre.

    Poursuivons. Vous affirmez que « la norme doit rester la filiation biologique dans la clarté de l’identité des géniteurs ». Je ne vois pas bien pourquoi. Si par « la norme » vous entendez « le comportement majoritaire », je peux être d’accord avec vous, mais ce ne serait pas une raison pour interdire par la loi les autres comportements. Ainsi, je souhaite que « la norme » soit que les couples n’aient pas plus de deux enfants (pour des raisons écologiques et économiques), mais je ne vais pas pour autant interdire à ceux qui en veulent plus d’en avoir plus. Je souhaite que « la norme » soit que les gens n’aient pas un hélicoptère privé, mais je ne pense pas qu’on puisse actuellement le leur interdire.

    Si vous poussez plus loin l’idée de « norme », et si vous dîtes que la loi doit tenter d’empêcher les filiations non biologiques, là je ne suis plus d’accord. Je trouve au contraire que nous mettons beaucoup trop l’accent sur la filiation biologique et que nous oublions la filiation sociale, qui est, à mes yeux, infiniment plus importante. Par exemple, je souhaiterais qu’une femme puisse abandonner son enfant à la naissance au profit d’un couple qui l’adopterait pleinement. Je ne suis donc pas d’accord pour que la loi favorise à outrance la filiation biologique. Un enfant a-t-il plus intérêt à être élevé par sa mère biologique qui n’a pas voulu de lui et n’a pas les moyens de l’élever, ou par un couple qui l’attend comme le Messie et est prêt à l’accueillir ? Quelle est l’importance réelle de la filiation biologique ?

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    1. Enfin, vous dites que vous souhaitez lier mariage et filiation. Mais à la rigueur, pourquoi ? Au nom de quoi ? Même en oubliant tout ce que je viens de dire sur le fait que l’hétérosexualité n’est pas toujours ouverte sur la vie, ou sur le fait que la filiation sociale devrait être revalorisé, existe-t-il réellement un lien entre mariage et filiation ? À mon sens, non. Je crois qu’il n’y a rien d’immoral dans une filiation hors du mariage ou dans un mariage sans descendance ; et j’affirme donc que le lien entre mariage et filiation est purement statistique, conjoncturel.

      Plus généralement, le lien établi au Moyen-âge par l’Église entre mariage, sexualité et don de la vie doit impérativement, à mon sens, être cassé. Attention, je ne suis pas en train de dire qu’il faille automatiquement se débarrasser des vieilles valeurs ou des normes anciennes ; vous me connaissez assez bien, je pense, pour ne pas me faire cette injure. Mais en l’occurrence, ce lien me semble éminemment nocif, pervers, dangereux pour l’équilibre et l’épanouissement des hommes. Tous les termes du triple lien sont nuisibles, tous culpabilisent les hommes pour rien ! Il n’y a rien de mauvais dans la sexualité hors mariage, rien de mauvais dans un mariage sans filiation, rien de mauvais dans une filiation hors mariage, rien de mauvais dans une sexualité-plaisir !

      Avons-nous, l’un ou l’autre, des preuves objectives ? Bien sûr que non ; c’est impossible en métaphysique. Mais ça ne veut pas dire que nous n’avons pas des arguments. En l’occurrence, je peux avant tout avancer l’expérience : je peux vous dire que je serais très mal dans une société liant sexualité et procréation. Et je crois que je ne suis pas seul dans mon cas… Je crois qu’on peut dire que la sexualité est un besoin humain fondamental, et que la réduire aussi drastiquement est contraire à notre nature. Donc, non, je ne crois pas que l’intérêt de la société soit de lier plaisir et reproduction. Au contraire.

      De même sur l’origine des tendances sexuelles. « On n’a pas de preuves », ce n’est pas la même chose que « on n’en sait rien ». Là encore, je vous ai parlé de mon expérience en la matière. Avez-vous, de votre côté, souvenir d’un moment où vous auriez hésité ? Avez-vous l’impression que votre orientation sexuelle est l’objet d’un choix ? Si l’expérience ne vous convainc pas, je crains que, si vous désirez sincèrement vous documenter, il ne vous faille y passer plus de temps. Je vous recommande tout particulièrement le livre de Jacques Balthazart intitulé Biologie de l’homosexualité. Directeur du Groupe de recherche en neuroendocrinologie du comportement à l’université de Liège, il fait le point sur les connaissances scientifiques sur l’homosexualité. Je crois que c’est une lecture que tout le monde devrait faire avant de prôner des lois en la matière.

      Mais même sans cela, votre raisonnement est-il pertinent ? Quand bien même on admettrait (ce que je ne fais pas) que la fonction sociale de l’hétérosexualité soit préférable, et aussi (ce que je ne fais pas non plus) qu’on n’a pas la moindre idée des origines de l’homosexualité, la société doit-elle favoriser un comportement plutôt qu’un autre ? Ce pourrait être justifié si l’hétérosexualité était en voie de disparition. Mais franchement, regardez autour de vous : vous avez l’impression que c’est le cas ? En d’autre terme, je conteste votre pari. Vous dites « puisqu’on n’en sait rien, favorisons ce qui est socialement utile » ; je réponds « puisque ce qui vous semble socialement utile ne risque pas de disparaître, ne prenons pas le risque d’orienter des adolescents contre leur nature profonde ». Au fond, même sans preuve, même sans arguments en ma faveur, c’est sur un simple rapport risque/gain qu’on peut, je crois, se décider : votre proposition fait courir aux adolescents le risque du non-épanouissement, pour un gain social nul.

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    2. Car le risque de non-épanouissement est fort, et je crains que vous le sous-estimiez. Vous dites qu’un adolescent pourrait sentir une « incomplétude » en s’orientant vers une hétérosexualité stricte. Mais si c’est le cas, tout le ramènera à l’hétérosexualité : la société, son entourage, les clichés… Alors qu’un jeune qui chercherait à lutter contre son homosexualité aura bien du mal à revenir dans le chemin de sa nature, et sentirait une incomplétude bien plus tragique et insurmontable.

      Reste la question de la préférence divine. Vous semblez dire (mais peut-être est-ce un malentendu, je ne suis pas certain d’avoir bien compris) que le mariage serait une institution purement humaine. Pour moi, c’est avant tout un sacrement, institué par Dieu, pour sanctifier et protéger un amour pas forcément éternel, mais qui cherche à durer et à construire. En ce sens, il doit, selon moi, être accordé à tous ceux qui s’aiment et veulent durer et construire dans et par leur amour. Mais c’est là une question de foi, et pour le coup je n’ai pas de preuve.

      Est-ce qu’on doit attendre qu’une question fasse socialement consensus pour être transcrite dans la loi ? Je ne pense pas ; nous n’avons pas la même vision de la loi. Pour moi, la loi n’a pas vocation à seulement suivre le courant, elle doit aussi l’orienter. En 1981, l’abolition de la peine de mort ne faisait pas consensus. En 1881-82, les lois scolaires de Ferry avaient contre elles toute la population paysanne, encore majoritaire en France. Et pourtant, je maintiens que ce furent de bonnes lois, qui ont contribué à orienter le peuple français, contre lui-même, dans le chemin qu’il devait prendre.

      Enfin, bien sûr qu’il faut de l’humilité quand on parle de la volonté divine. Mais je crois (encore une affaire de foi !) que notre conscience est, in fine, le lieu par excellence de notre rencontre avec Dieu, au-dessus de toute autorité scripturaire ou institutionnelle.

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    3. Cher Meneldil Palantir,
      Je vous rejoins totalement dans vos réponses à René Poujol.
      J'ajouterais quelques remarques historico-juridiques :
      Les mariages stériles étaient reconnus valides dès au moins le XIe siècle (avant, c'est compliqué, il faudrait déjà s'entendre sur ce qu'était le mariage...), et c'est bien l'Eglise qui a imposé cette idée, en même temps qu'elle "sacramentalisait" le mariage. Qu'on trouve aujourd'hui dans les discours catholiques, comme argument contre l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, l'argument de la fécondité biologique, peut donc sembler très paradoxal, l'Eglise étant la première à mettre en avant les différentes formes de fécondité autres que biologiques qui peuvent caractériser une union.
      D'autre part, le mariage civil lorsqu'il est institué reprend ce principe. La limitation des naissances a ensuite comme corollaires que même en dehors des cas de stérilité, le mariage est valide en droit que les époux aient ou non des enfants, veuillent ou non en avoir.
      Plus récemment, l'égalité de droits entre enfants adultérins et enfants légitimes a été actée ; comme entre enfants nés hors mariage et reconnus par les parents, et enfants né dans le mariage et pour lesquels la présomption de paternité s'impose. On peut d'ailleurs souligner qu'une action en contestation de filiation ne peut pas être intentée si le père légal a élevé l'enfant 5 ans et plus, ou, en l'absence de possession d'état, si l'enfant a plus de 28 ans : le lien mariage-filiation, qui existe, n'est donc pas fondé sur le lien biologique entre le père et ses enfants, mais sur le lien juridique créé par le mariage.
      L'infécondité biologique n'est donc pas un argument d'invalidité juridique du mariage, d'une part ; la filiation légale, d'autre part, est indépendante du mariage.
      Je vous rejoins également sur le fait que la prééminence très forte du biologique doit être mise en cause. On oublie en fait que l'enfant biologique n'est pleinement l'enfant de ses géniteurs, et n'a de chances de s'épanouir auprès d'eux, que si ceux-ci le choisissent comme leur enfant. La grande majorité des cas de parentalité correspond à ce modèle, mais ce n'est pas, alors, le biologique qui prime ; c'est la volonté parentale de créer du lien.
      C'est bien pour cela que la parenté adoptive est une vraie parenté, entière, et non "au rabais" ou "par défaut" ; idem avec la PMA avec tiers donneur : le tiers donneur en question n'est pas parent, il ne veut pas l'être ; le tiers receveur, si j'ose dire, l'est pleinement par le choix de l'être, y compris d'un enfant avec lequel il n'a aucun lien biologique. Dire cela n'empêche par ailleurs absolument pas de prendre en compte la question de la "connaissance de ses origines" par les personnes adoptées ou nées d'une PMA avec tiers donneur : l'important est l'ancrage dans une histoire et le refus du secret de famille, qui justement érige le biologique en lien quasi sacré et suppose que la connaissance des origines débouche nécessairement sur une mise en cause de la parentalité.
      Enfin, quand au fait que la loi peut, voire doit, précéder l'assentiment général, cela me semble très clair. Evidemment, quand on n'est pas d'accord avec la loi en question, on met volontiers en cause cette idée que le législateur peut faire des choix qui ne font pas consensus, voire qui ne sont pas majoritaires. Mais dans les faits, c'est aussi un des rôles du politique. Et pour revenir à mon premier paragraphe, quand l'Eglise impose la validité et donc l'indissolubilité du mariage stérile, elle le fait contre la société. Cela ne rend pas sa décision illégitime.

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