Le Hollande bashing est à la mode. Il fait même fureur.
Voulez-vous réconcilier un adorateur de Mélenchon, un suppôt de Marine Le Pen
et un attardé de l’UMP ? Rien de plus simple : évoquez seulement l’actuel
locataire de l’Élysée et commandez un semi-remorque de sucre pour le lui casser
sur le dos ; aussitôt vous verrez nos trois adversaires devenir les
meilleurs des amis et trinquer ensemble à sa destitution.
Eh bien moi, j’aimerais mettre un peu d’eau dans ce vin
auquel je trouve un goût de plus en plus vinaigré.
Bien sûr, je ne vais pas devenir un thuriféraire de François
Hollande ou des socialistes en général. Leur gouvernement est foireux et
inefficace. Sur la plupart des sujets, ils ne font rien. L’économie, en
particulier : la taxe à 75% sur les plus riches est morte, et on est en
train de l’enterrer à la va-vite ; ministres et députés s’acharnent à lécher
le cul du MEDEF, si fort qu’on va finir par croire qu’ils en aiment vraiment le
goût ; au milieu du tableau, le joyeux clown Montebourg fait rire la galerie
avec ses échecs à répétition, à tel point qu’il est en passe de devenir le personnage
le plus drôle des Guignols de l’info ; François Hollande enfin, le roi nu,
tondu, pelé, s’entête à perdre 3 points dans les sondages à chaque fois qu’il ouvre
la bouche.
Pareil sur l’écologie, alors que c’est le problème majeur aujourd’hui, avant même l’économie : rien,
soumission totale et absolue à la puissance industrielle et financière qui nous
lance dans le mur. Sur d’autres sujets, le PS au pouvoir fait pire que rien, il
fait mal. Parfois pire que le gouvernement précédent. Je l’ai déjà dénoncé ici même
à propos des Roms.
Et malgré ça, je persiste et signe : taper comme ça sur
le pouvoir ne mène pas à grand-chose, et ce pour trois raisons.
1. La première, c’est qu’on pouvait s’y attendre, à ce qu’il
ne fasse rien sur les vrais problèmes de notre temps. Ça aussi, je l’ai dit ici
même, le lendemain du second tour de la présidentielle : il n’allait rien
faire, parce qu’il n’y a rien à faire. Les problèmes actuels ne sont pas
circonstanciels ou conjoncturels, ils sont les produits de l’essence même de
notre système économique, ils lui sont absolument consubstantiels. On ne peut
donc pas les résoudre sans changer le Système. Et comment le changer ?
Certainement pas par une démocratie verrouillée pour ne jamais porter au
pouvoir que les partis du Système. À court terme, on pourrait envisager des
solutions confiscatoires comme des nationalisations massives sans contrepartie
financière, le gel des avoirs des plus riches au profit de l’État, mais même ça
ne nous sauverait sans doute pas, et ça signifierait la guerre civile. Bref, on
ne peut pas reprocher à Hollande de ne rien faire pour sauver l’économie, pas
plus qu’on ne peut reprocher à un éléphant de ne pas savoir grimper aux arbres et
sauter de branche en branche : il n’a ni la recette, ni les marges de manœuvre
pour agir efficacement.
2. La seconde, c’est que sur la seule chose qu’il peut
faire, à savoir les réformes sociétales qui ne coûtent rien, il agit. Il nous
fait le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels, et je fais le pari
qu’il tiendra le coup, même face aux manifestations massives des opposants au
projet. On peut aussi assez raisonnablement espérer qu’il nous fera l’euthanasie,
même si c’est déjà moins sûr. Ce ne sont pas des réformes secondaires. Ce sont
d’importantes questions de principe qui changeront profondément la vie de
milliers de personnes et qui, à terme (et c’est bien le plus important), feront
évoluer les mentalités. Que les gens acceptent mieux la différence, qu’ils
apprennent un peu le respect de l’autre, ce n’est pas secondaire.
3. La troisième, c’est que ça mène à la victoire de l’extrême-droite.
Je suis tétanisé par la stupidité de Jean-Luc Mélenchon quand il envisage son
affrontement avec le FN. Il a pris sa baffe aux présidentielles puis aux
législatives, ça ne lui a pas suffi, pour qu’il veuille remettre ça aux
européennes ? Mon Jean-Luc, écoute mon sage conseil : fais-toi
réélire pépère dans un Sud-ouest qui t’est tout acquis, plutôt que d’aller
chercher ta raclée contre le père dans Sud-est ou contre la fille dans le
Nord-ouest. Parce que crois-moi, tu vas la prendre, ta raclée ! Quand j’entends
des membres éminents du PG dire que la crise actuelle achève de discréditer les
partis traditionnels et pousse le peuple vers les solutions radicales, je suis
d’accord avec eux ; mais quand ils ajoutent que les gens vont donc devoir
choisir entre la radicalité de droite et la radicalité de gauche, alors là,
pardon, mais je pouffe. Comme si le choix n’était pas déjà fait ! Tout
nous montre que, sans l’ombre d’un doute, la populace ira vers l’extrême-droite,
depuis les résultats électoraux depuis 30 ans jusqu’à l’Histoire elle-même –
faut-il rappeler que jamais une grave crise n’a profité à la gauche radicale quand
la droite radicale existait de façon concurrente et organisée ?
Alors évidemment, on va m’accuser de ressortir le coup
du vote utile, et donc de faire le jeu de partis traditionnels. Ce sera malhonnête :
qui me connaît un peu sait parfaitement que mon but est le renversement du
Système actuel. Seulement, il ne faut pas compter sur les élections pour faire
advenir un changement dans le bon sens. Franchement, le monde promis par le PG
ne me fait pas rêver, et je reste Ardorien through
and through. Mais entre le PG et le FN, il n’y a évidemment pas à hésiter :
le PG porte en lui le germe de son propre échec, mais je ne crois pas qu’il
porte quoi que ce soit de bien dangereux, et sur le fond il porte un projet
foncièrement juste ; alors que le FN porte en lui le germe du fascisme. Il
ne doit en aucun cas arriver au pouvoir. C’est exactement pour cela que, surtout
en période de crise, il faut se méfier comme de la peste du processus
électoral. Ce n’est pas pour rien que Marine le Pen, qui est loin d’être une
imbécile, fonde toute sa stratégie dessus.
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