vendredi 15 février 2013

L'homophobie patente et pathétique des Indigènes de la République

Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des Indigènes de la République (PIR), a, le 6 novembre dernier, suscité quelque émotion en tenant des propos qualifiés par beaucoup d’homophobes dans l’émission de Frédéric Taddeï « Ce soir ou jamais ». Polémique amplifiée par la sortie la même année d’un petit essai intitulé Les féministes blanches et l’empire, qui développe des thèses du même tonneau, et co-signé par Félix Boggio Ewanjé-Epée et Stella Magliani-Belkacem, qui ont par ailleurs participé au recueil Nous sommes les indigènes de la République.

Que nous disent ces joyeux indigènes ? Fondamentalement, que l’homosexualité, c’est un truc d’occidentaux, que ça n’existe ni avant le XIXe siècle, ni hors du monde occidental, et que tenter d’imposer au monde non-occidental (et « par analogie » aux banlieues des villes françaises) des notions comme le « mariage pour tous » relèverait de l’impérialisme et/ou du néo-colonialisme (plusieurs réponses possibles, et traduisez par « c’est très vilain »).

Comme je sens cette boue monter depuis quelques temps, je crois qu’il faut en parler. La question de l’homosexualité, en effet, divise les radicaux. Alors que les modérés sont assez unis (le PS a voté presque comme un seul homme en faveur du mariage pour tous, l’UMP a fait de même, mais contre), la gauche radicale comme la droite radicale apparaissent véritablement fracturés par ce thème. À droite, cela se traduit par le malaise, les hésitations et finalement le quasi-silence du FN durant le débat.

À gauche, le conflit est plus ancien et probablement plus violent : il fait se télescoper deux problèmes graves, l’homophobie et le racisme. En effet, le constat est sans appel : de nos jours, les pays fortement imprégnés de culture musulmane persécutent davantage les homosexuels, alors que les pays les plus tolérants sont tous de culture chrétienne et largement sécularisés, comme le montre cette carte :


Les variantes de bleu montrent les États qui reconnaissent, à des degrés divers, les couples homosexuels ; les nuances du jaune au brun montrent les États qui punissent les actes homosexuels. On se demandera plus tard pourquoi les États musulmans persécutent plus que les autres les homosexuels (à qui la faute ? à eux ou aux colonisateurs ?) ; pour l’instant, contentons-nous d’observer les faits.

Pour la gauche radicale, il y a là un problème. Comment ? Les pauvres opprimés seraient aussi des oppresseurs ? Le monde ne se diviserait pas entre les gentils et les méchants ? Walt Disney, au secours ! À nous, les Bisounours ! Face à cette réalité, il n’y a que deux attitudes possibles. Soit on reconnaît l’existence de droits, de valeurs, de principes universels en faveur des homosexuels, et on en déduit que quand des musulmans (notez que je me garde de toute généralisation abusive) les persécutent, ils commettent un crime. Soit on croit que rien n’est universel, et on va pouvoir dédouaner ces mêmes personnes ou pays de tout ce qu’ils font. (On peut aussi, en toute logique, croire en des droits universels, mais n’en reconnaître aucun aux homosexuels, cela dit c’est marginal à gauche).

Cette fracture se traduit au sein de la gauche radicale par des attaques de plus en plus agressives, dures, violentes. Les deux camps sont à couteaux tirés. Caroline Fourest contre Houria Bouteldja : la guerre est déclarée.

Pour ma part, je suis clairement dans le premier camp, et je crois utile de faire quelques rappels.

1/ Première chose : pour appuyer leur propos, les Indigènes de la République s’appuient sur un discours scientifique, celui d’historiens ou de sociologues qui montrent que les catégories mentales « homosexuel » et « hétérosexuel » n’existent pas en-dehors de la civilisation occidentale contemporaine. Certes, il n’y a pas de mot, en grec ancien, pour traduire ces termes. Les Grecs ne se définissaient donc pas comme homo ou hétérosexuels. Est-ce à dire que l’homosexualité ou l’hétérosexualité n’y existaient pas ? Non : prétendre cela, ce serait confondre les réalités et les représentations que les gens en ont. De même qu’on peut être raciste sans en avoir conscience, on peut être homo, bi ou hétérosexuel sans mettre de nom sur cette réalité. Nous n’avons aucun nom pour qualifier les personnes qui aiment les pâtes bolognaise, parce que ça n’a aucune importance chez nous ; et pourtant, il y a bien des gens qui les aiment et d’autres qui ne les aiment pas.

En outre, les textes antiques eux-mêmes vont dans ce sens. Dans Le banquet, de Platon, Aristophane développe un mythe devenu célèbre : celui d’un passé lointain durant lequel les hommes étaient sphériques et avaient deux têtes, quatre bras, quatre jambes etc. Zeus, jaloux de leur puissance et pour les punir de leur orgueil, les aurait fait couper en deux, à la suite de quoi chaque être humain se serait mis à la recherche de sa moitié manquante. Ce qu’on sait moins, c’est qu’Aristophane affirme qu’il existait trois sortes d’hommes : d’abord les androgynes, composés d’une moitié mâle et d’une moitié femelle, et qui auraient donné des gens attirés par l’autre sexe ; mais également les mâles (deux moitiés mâles) et les femelles (deux moitiés femelles), qui auraient donné des gens attirés par le même sexe qu’eux. Même si le mot « homosexualité » n’apparaît jamais dans le texte, la réalité que nous qualifions ainsi est exactement la même que dans ce texte du IVe siècle av. J.-C.

Bref, tout est question de définition. Mais selon celle du Robert 2010, est homosexuelle « une personne qui éprouve une attirance plus ou moins exclusive pour les individus de son propre sexe ». Nos indigènes pourront appeler ça des « homophiles », ou qualifier leurs actes « d’homo-érotiques » plutôt que d’homosexuels, ils peuvent même les appeler des chaises de jardin si ça leur chante, mais ça ne changera rien à la réalité de la chose.

2/ Il faut remettre les choses en perspective. À entendre les IR ou leurs défenseurs, on a l’impression que le fait d’imposer une « identité homosexuelle » à des peuples ou aux habitants de certains quartiers serait la pire des violences. Là je dis halte. D’une part, je ne cherche à imposer aucune « identité homosexuelle » aux homosexuels iraniens, encore moins aux Iraniens dans leur ensemble ; je cherche uniquement à ce qu’ils laissent les homos vivre leur sexualité comme ils l’entendent, et pratiquer des « actes homo-érotiques » quand ils en ont envie. D’autre part j’aimerais que tout le monde dise clairement que quand l’État iranien pend des mômes de 16 ans parce qu’ils ont couché ensemble, on est dans une violence infiniment plus grave.

3/ Reste la question de la responsabilité de l’homophobie des pays musulmans. Le discours des IR, quand ils la reconnaissent (c’est-à-dire pas toujours), est de dire que c’est la faute des colonisateurs : plus on demanderait aux pays du Sud (ou aux habitants des quartiers) de respecter les homosexuels, plus ils les persécuteraient, exaspérés, les pauvres chéris, par cette ingérence insupportable. Apportez-moi des mouchoirs, je sens que je vais pleurer.

La première chose qui me vient, c’est que quand même, l’Occident a le dos bien large. Comme s’il était responsable de tous les malheurs du monde depuis toujours. Mais surtout, d’un point de vue strictement rationnel, ce discours a deux faiblesses. D’une part, il oublie que de nombreux pays du Sud acceptent déjà l’homosexualité. L’Argentine, l’Afrique du Sud, certains États brésiliens, mexicains ou des Caraïbes ont légalisé le mariage homosexuel avant la France. Alors pourquoi sont-ce presque toujours des pays de culture musulmane qui refusent cette évolution ? D’autre part, si ce discours était vrai, ce serait triste pour les pays concernés. Une nation qui mènerait sa politique par esprit de contradiction ou d’opposition aux anciennes puissances coloniales serait-elle digne et capable de s’administrer elle-même ?

Pour conclure, j’ai envie de dire à Houria Bouteldja : « t’es pas ma copine ». Ce qui, en termes politiques, pourrait se traduire par : « tu n’auras pas mon soutien dans tes luttes ». En même temps, j’éprouve une réelle souffrance pour elle. Je lis sa réponse, elle sue la haine des « blancs » (pour elle, le monde se divise entre « blancs » et « non blancs », ce qui est déjà assez terrifiant), et je me dis que pour en arriver là, elle a dû elle-même en baver pas mal.

Mais ça n’excuse pas tout. La grande différence entre elle et moi, c’est que moi, je reconnais une immense valeur à une large part du combat qu’elle mène et des revendications qu’elle défend. Je ne soutiendrai jamais sa personne, mais je peux soutenir certaines de ses luttes. Oui, il y a du racisme dans notre société. Oui, c’est grave. Oui, les immigrés et les descendants d’immigrés sont victimes de discriminations odieuses et qu’il faut faire cesser.

Fait-elle de même ? Pas le moins du monde. La réponse qu’elle a publiée sur le site du PIR est glaçante. Pour les « militants de l’immigration et des quartiers populaires », elle prétend qu’il n’y a que trois attitudes possibles sur la question de l’homosexualité : le silence, le rejet, la tolérance paternaliste. Pardon ? L’acceptation pleine et entière de l’homosexualité comme quelque chose de normal, ce n’est pas une option ? Ah bon.

Elle fait régner une ambiguïté totale sur son rapport à l’homosexualité. Elle trouve « cocasse » ceux qui appellent à des kiss-in devant des mosquées pour lutter contre l’homophobie dans les pays musulmans. Plus loin, elle écrit :

« À plus long terme, on peut espérer que l’assouplissement des deux contraintes – celle qui oblige à s’identifier comme homosexuel comme celle qui impose une hétérosexualité rigide – laissera aux personnes non blanches ayant des pratiques homo-érotiques le soin de concilier leur vie privée et leur vie publique, leurs relations affectives et leurs solidarités familiales. »

Mais tu brasses du vent ! Tu es l’armée de l’air à toi toute seule ! Pourquoi « assouplir » la contrainte de l’hétérosexualité rigide, Houria ? Pourquoi ne pas la supprimer, carrément ? Et ça veut dire quoi, « le soin de concilier sa vie privée et sa vie publique », en ajoutant « les solidarités familiales » ? Tu caches quoi, exactement, derrière ce brouillard de mots creux ?

À la fin de son texte, elle met bas tous les masques. Elle montre son vrai visage, et il n’est pas beau à voir. « Le mariage hétérosexuel est […] le seul horizon possible », écrit-elle. Eh bien voilà, c’est dit. Au moins c’est clair : on n’est pas dans le même camp. Aux « homosexuels indigènes », elle ne laisse que trois choix : « l’éloignement […] lorsqu’ils en ont les moyens […], la soumission au mariage hétérosexuel forcément accompagnée d’une grande précarité affective, ou le mariage avec un homosexuel du sexe opposé pour sauver les apparences ». Peut-on imaginer discours plus violemment, plus immédiatement homophobe ? Cette personne prétend dicter leurs choix de vie aux homosexuels des banlieues françaises, qui pis est en ne leur offrant à « choisir » qu’entre la peste et le choléra, et c’est elle qui vient nous donner des leçons de liberté ! On croit rêver.

De mon côté, j’assume parfaitement une part d’ethnocentrisme. Oui, j’ai envie que les peuples qui pratiquent encore l’excision, la corrida, les combats de coqs et la pendaison des homosexuels cessent de le faire. Oui, je crois que l’Occident a découvert, avant les autres, un certain nombre de principes universels que tous doivent reconnaître et faire leurs. Cela n’implique aucune uniformisation culturelle. J’ai toujours lutté pour la diversité culturelle et religieuse. Je me suis toujours battu contre mes coreligionnaires chrétiens qui pensent qu’il est souhaitable que toute la Terre reconnaisse la divinité de Jésus. Et l’Occident a accompli cette avancée au prix de l’oubli d’autres valeurs que certains peuples ont mieux conservées. À nous de construire un syncrétisme. Je crois qu’il est possible pour tous les hommes d’admettre la validité universelle d’un noyau dur de valeurs morales. Et tant pis si ça fait de moi, aux yeux de certains, un impérialiste, un néo-colonialiste, un islamophobe ou un raciste. Ou même une chaise de jardin.

14 commentaires:

  1. Encore un sujet vraiment intéressant, mais tellement navrant !

    Bon, dans le registre "je suis pénible" : La jolie carte qui nous est présentée ne correspond absolument pas à la répartition de l'aire "chrétienne" et de l'aire "islamique" en Afrique, à moins que l'Afrique du Sud soit le seul pays majoritairement chrétien d'Afrique. J'en doute. Du coup il y a bien d'autres facteurs qui sont sûrement "civilisationels : par exemple le japon n'est pas christianisé, mais il me semble qu'il tolère très bien l'homosexualité. La Russie, elle est Orthodoxe, et, par la grâce de Vladimir, ouvertement anti-gay...

    Dans le registre "je suis quand même gentil" : l'homosexualité est omniprésente dans l'histoire : aussi bien par ce qu'elle est décrite comme étant quelque chose de néfaste par Platon dans des ouvrages comme l'Alcibiade (le premier je crois), par ce qu'elle est toujours considérée dans la Rome antique comme motif de déchéance de la citoyenneté pour le "passif" s'il est citoyen romain, et que tout au long du Moyen-Age, on nous condamne des gens à tour de bras, des "sodomites". si ça ne recouvre pas en partie une réalité tangible de l'homosexualité, je veux bien me raser la barbe !

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    1. Pour ce qui est de l'analyse de carte, tu as partiellement raison, mais tu n'as pas remarqué toutes mes petites pincettes. Ainsi, je n'ai certainement pas dit que TOUS les pays de culture chrétienne étaient tolérants : effectivement, la Russie, l'Ouganda etc. sont largement homophobes. De même, je n'ai pas dit non plus que SEULS les pays de cultures chrétienne étaient tolérants. Cela étant, pour ce qui est du Japon, on note qu'aucune forme de reconnaissance des couples homosexuels n'y a cours. Des pays de culture non chrétienne peuvent donc tout à fait être "tolérants", mais on note quand même que seuls DES (pas "tous les", attention) pays de culture chrétienne accordent aux couples homos une reconnaissance publique.

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    2. Effectivement, mais c'était pour souligner que la religion n'était finalement pas le seul critère important : ce serait surtout des pays où justement, la religion (chrétienne en l’occurrence) est passée au second plan...

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  2. Merci à Telimectar sur l'opposition musulmans/chrétiens.
    L'islamophobie (obsessive) de notre hôte lui permet de dire ce qui lui plaît, et sa proximité avec Fourest recouvre tous les doutes qu'il était possible d'avoir. Un beau point commun, c'est la colonisation, par contre. Et le néo-colonialisme.

    Pour ceux qui n'auraient pas de préjugés racistes sur les musulmans dès le départ, vous pouvez lire le chapitre du livre de ces deux bougnoules et vous faire votre propre idée :
    http://www.rue89.com/sites/news/files/assets/document/2013/02/feminismebat4_77-97_1.pdf

    morceaux choisis :
    "Il est selon nous impossible de mener à son terme
    cette démarche sans prendre en compte les enjeux
    propres à la lutte contre les oppressions sexuelles –
    contre l’homophobie, la lesbophobie, la transphobie.
    Ces luttes sont distinctes du combat féministe
    dans son ensemble et elles ont suivi une trajectoire,
    des scissions et des modalités d’organisation
    propres. Mais nous sommes convaincu•e•s que
    l’oppression sexuelle s’inscrit pleinement dans le
    système qui produit les genres et les hiérarchise."

    "Du « jeune de banlieue » viriliste
    et macho jusqu’aux musulmans « intégristes »,
    les hommes noirs et arabes, mais aussi les cultures
    non occidentales – en particulier islamique – sont
    représentés comme une force majeure de la domination
    hétérosexiste contemporaine. Comme on
    l’a souvent rappelé, cette manoeuvre n’est là que
    pour dédouaner la France blanche de son homophobie,
    de sa lesbophobie et de sa transphobie
    structurelles, inscrites dans la législation, les dispositifs
    scolaires et médicaux ou encore les politiques
    d’accès aux soins."
    (hein, meneldil ?)

    "En vérité, l’identification même des pratiques homoérotiques dans le monde arabe
    comme « homosexuelles » peut être attribuée à
    l’Occident.
    Il ne faut pas confondre homosexualité et
    « sodomie », ou avec diverses pratiques homoérotiques.
    L’homosexualité et l’hétérosexualité se
    réfèrent à des identités stables qui définissent (de
    façon exclusive) l’objet du désir selon le « sexe ».
    La première génération de militants gays révolutionnaires
    a glosé sur cette binarité, d’abord
    en situant le contexte d’émergence d’un discours
    sur l’homosexualité en Occident au xixe siècle. Le
    texte classique de John d’Emilio, « Capitalism and
    Gay Identity », paru en 1983, expliquait comment
    le passage d’une économie familiale à un mode de
    production (capitaliste) où prédomine le salariat
    individuel ouvrait la possibilité de vivre ou survivre
    en dehors de l’espace familial et domestique
    consacré à la reproduction1. Avec les notions de
    choix, de désir, de mode de vie, qui se sont étendues
    et précisées au cours de la longue période
    qu’on appelle « modernité capitaliste », les binarités
    homo/hétérosexualité pouvaient se cristalliser
    comme des identités attachées de façon durableà des individu•e•s – l’hétérosexualité étant l’identité
    dominante et l’homosexualité définissant une
    pathologie ou encore une perversion.

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  3. Quant à l'homosexualité, je reprends et je me répète probablement, elle n'existe que depuis le XIXe et en occident. Pourquoi ?
    1. pour se définir en tant qu'hétéro ou homo ou bi, il faut postuler que notre sexualité est appréhendée principalement en fonction de notre attirance sexuelle fondée sur le genre (bipartition relativement rigide). (or, de nombreuses sexualités, partout dans le monde et à toutes les époques, se construisent sur la question non pas du désir, mais sur celle de l'acte, sur celle du plaisir (ce n'est pas exclusif du désir, mais, la place de la question du régime désirant devint secondaire voire accessoire, comme chez nos ancêtres grecs et romains, comme chez de nombreux autres peuples)
    2. Il faut que cet élément de sexualité participe à la socialisation, à la construction identitaire d'un individu. Or, être hétéro ou homo, ça n'arrive pas "comme ça". ça n'est pas "anodin". ça dit ds choses sur nous. (parce que 1. structure fondamentale de l'appréhension de la sexualité mais aussi : ) Surtout parce que l'auto-compréhension, l'autodéfinition, l'herméneutique de soi passe par des lexiques post-freudiens où la définition de notre sexualité donne une vérité générale sur ce que l'on est, et qui l'on est. De fait, on est homosexuels en fonction d'un certain type d'enfance, en fonction d'un certain type de personnalité, etc.
    3. Donc, l'homosexualité est une construction intellectuelle, comme "l'amour" ou "Dieu", mais pas comme "la chaise de jardin" (construction culturelle, manifeste et matérielle, qui peut exister partout où il y a des chaises mises dans des jardins).
    4. Chez les grecs, par exemple, ce n'est pas que le mot qui n'existait pas, mais la réalité même n'existait pas. On aurait pu tenter de les convaincre qu'ils étaient pédés (ceux qui aimaient les hommes), ils auraient refusé parce que cette interprétation en fonction du désir leur paraissait complètement absurde (et leurs structures culturelles et psychologiques n'étaient pas divisées de cette manière). De même pour les cultures de l'oralité en Asie, en Afrique, en Océanie.
    5. Par contre les relations de même sexe existent universellement. Mais elles ne peuvent pas toutes rentrer dans nos cadres, qui ne sont pas que "mentaux", mais aussi "politiques" et "culturels". Et quand on se plaint d'un ethnocide ici, on doit aussi se plaindre de l'ethnocide là-bas. Car "là-bas", "eux" tolèrent peut-être bien mieux que nous les personnes ayant des relations avec d'autres de même sexe. Il n'y a pas que l'Iran. Chez nous, c'est un drame homophobe et des milliers de jeunes se suicident chaque année. Parce que nous avons cette bipartition oppressante.
    6. Je condamne la peine de mort et l'oppression, que ce soit en Iran ou ailleurs. Y compris pour homosexualité (ils sont pendus pour viol, pas pour homosexualité, nous apprend le livre, c'est assez important dans la racialisation de l'homophobie)
    7. Avoir tous les pontes de la science avec soi, c'est quand même un plus, Aurélien, et ton obscurantisme des Lumières marque bien notre division. l'idéologie passe après le savoir, pas avant.
    8. Pour ta gouverne, tu remarqueras qu'aucune définition de l'homosexualité ne s'appuie sur des "pratiques", et que ta bisexualité elle-même n'est pas mise en "pratique". On doit donc croire la "vérité" de ton désir, ce en quoi tu ne veux pas que nous nous fiions concernant les autres...

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  4. Moi, je suis peut-être islamophobe.
    Menel, lui, certainement pas... Et c'est sincèrement une des dernières choses qu'on pourrait lui reprocher ! Il faut juste faire la différence entre islam et islamisme intégriste. Or la plupart des Etats musulmans actuels, et c'est triste à dire, tombent dans le fondamentalisme (le pourquoi , c'est une autre question, mais si c'est par réaction, comme le dit Menel, c'est d'une pauvreté !). Et ce fondamentalisme a une sainte horreur de tout se qui transgresse ses normes. Surtout sur des sujets comme les femmes, le sexe, le pouvoir...

    Pour l'homosexualité, je crois sincèrement que c'est une question de mot. Tu as entièrement raison dans ton argumentaire (Lomig ?), mais dans les fait, "homosexualité" recouvre deux sens pour moi. Le sens que je nommerai "scientifique et civilisationnel", celui que tu décris si bien, et un autre, je j'utilise et que je crois que Menel utilise, le sens "vulgaire", qui recouvre simplement l'attirance d'une personne pour quelqu'un du même sexe. Ce sens vulgaire sera nommé de telle ou telle manière par les spécialistes de l'histoire, les comportementalistes etc., mais je considère comme acquis qu'il n'est pas né au XIXème ou au XXème, de la même manière que des cas d'homosexualité chez les animaux n'y sont vraisemblablement pas cantonnés (enfin, je dis ça par ce que je pense que nous sommes des animaux comme les autres. La stupidité en plus).



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  5. Et désolé pour les fautes ! Je suis un islamophobe illéttré XD

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  6. Je ne vais pas développer une réponse sur les accusations de racisme et d'islamophobie... Si quelqu'un qui valorise la diversité religieuse au point de souhaiter que l'islam continue à exister, au point de ne pas vouloir que sa propre religion devienne universelle, est "islamophobe", alors je ne sais pas ce que veut dire le suffixe "-phobe".

    Sinon, Teli a raison, c'est en effet une question de définition de la notion "d'homosexualité". Mais moi, à la différence de Teli, je ne reconnais pas la pertinence de la tienne, Lomig. Même pas en tant que "définition scientifique" opposée à une "définition commune".

    En effet, j'accepte parfaitement que, dans certains cas, le commun des mortels donne à un concept une mauvaise définition. C'est même très fréquemment le cas, par exemple avec des mots comme "totalitarisme", qui ont un sens extrêmement large et que la science a précisés. Mais une "définition scientifique" ne peut différer fondamentalement de la définition commune que si elle a une solide justification pour le faire.

    Or, Lomig, je comprends très bien la définition de "l'homosexualité" que tu proposes ; elle diffère largement de la définition commune ; et je n'en vois pas la justification. Selon toute vraisemblance, c'est toi (et les chercheurs que tu suis) qui devrait trouver un nouveau mot, pas moi.

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    1. Non, car le mot "homosexualité" est apparu dans un contexte culturel et intellectuel qui lui donnait le sens que nous, scientifiques, lui donnons.
      La "définition commune" n'est qu'un appauvrissement conceptuel de la définition première.

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  7. Bonsoir,
    je crois que le propos d'Houria Bouteldja est à prendre très au sérieux ; elle semble penser que nombre des "indigènes" seront réfractaires au progressisme et aux réformes sociétales qui vont avec, et appelle la gauche à acter ce qui lui semble un fait.
    Voici son argumentaire, très intéressant :

    "Le mot est jeté : « progressiste ». S’il existe un mot creux, sans consistance, c’est bien celui-ci. Il a sans doute un vrai contenu politique pour nombre de blancs de gauche et recouvre un spectre qui va de Mélenchon à l’extrême gauche, en passant par les libertaires et autres anarchistes. Pour nombre d’indigènes, il a peu de sens. Et pour les indigènes décoloniaux, encore moins. Dans notre histoire, l’impérialisme, le colonialisme, le racisme et la confrontation globale avec le système républicain blanc et eurocentrique ont achevé de nous retirer toute croyance dans ce paradigme du progrès. D’abord parce que cette idée est étroitement liée à la modernité occidentale et à sa vision fausse d’un temps linéaire qui ne peut, selon les schémas mentaux, que cheminer vers plus de droit, plus de libertés. Ensuite parce que le système colonial/racial nous impose le rythme de l’ « homme blanc ». Le racisme a suspendu notre temps. On ne peut pas avancer et encore moins « progresser » si on ne reconstitue pas notre colonne vertébrale. Dans ce processus, la priorité est donnée à la reconstitution du lien social communautaire autour d’identités brisées, escamotées mais considérées comme nôtres et authentiques. Tout ce qui semblera menacer cette entreprise de reconquête de soi sera rejeté intuitivement. Inutile d’aller chercher la main des islamistes derrière cette façade conservatrice. Ce sera le cas pêle-mêle des idées dites progressistes comme l’athéisme qui structure fortement la gauche, le féminisme ou la lutte homosexuelle. Ce qui a d’emblée le visage de la réaction est aussi et surtout une résistance décoloniale. C’est ce qu’on appelle communément le « repli communautaire » et que nous appelons, nous, l’ « espace-temps indigène », cette discordance temporelle qui se manifeste sous les traits d’une espèce de « régression féconde », une illusion de recul mais qui est en fait un progrès du point de vue de l’intérêt global des racisés, un moment de refondation que nous devons préserver de l’ingérence blanche coûte que coûte. C’est une question de survie sociale."

    SOURCE : http://www.indigenes-republique.fr/article.php3?id_article=1794

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  8. Je connais bien son argumentation. Pour le début, je suis entièrement d'accord avec elle : oui, l'idée d'un "progrès linéaire" menant forcément vers "plus de droits, plus de liberté" est une illusion. De toute évidence, je ne vais pas dire le contraire : cette idée est au cœur de la théorie ardorienne.

    En revanche, je suis en fondamental désaccord avec les priorités qu'elle dégage. Que les "indigènes décoloniaux" (Dieu que ce vocabulaire me hérisse !) doivent reconstruire leur "colonne vertébrale" et le "lien social communautaire" qui les unit, je veux bien. Mais pourquoi cette reconstruction ne pourrait-elle ou ne devrait-elle se faire qu'autour d'une identité "préservée de l'ingérence blanche" ?

    De toute manière, cette identité "pure", "authentique", "originelle" est une illusion, une chimère, un fantasme ; et un fantasme dangereux. Il est absurde de croire que deux communautés qui vivent sur le même territoire depuis longtemps déjà et vont continuer à le faire vont pouvoir, ou même devraient, préserver leur culture de toute influence de la culture voisine. De même que les "blancs" élisent régulièrement le couscous comme leur plat préféré, de même qu'ils mangent plus de kébabs que de croissants, il y a déjà, et il ne cessera pas d'y avoir, des passages dans l'autre sens. Ça n'existe pas, les "identités pures", c'est un mythe. Et un mythe dangereux, car qui dit volonté de pureté dit volonté de purification. Comment ça va se faire ?

    Bref, tout à fait d'accord avec sa dénonciation de l'idée générale d'un progrès continu et linéaire ; mais qu'il n'y ait pas de Progrès unique et continu ne signifie pas qu'on ne puisse pas, ponctuellement, faire DES progrès. Le féminisme, la lutte pour les droits des homosexuels sont des progrès. Les "indigènes décoloniaux" ne perdront rien à les adopter. Bien au contraire.

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  9. Bonjour Melendil,
    elle dit dans son texte que le féminisme, l'athéisme et la lutte homosexuelle risquent de susciter une fin de non recevoir de la part des "indigènes". Et comme vous avez lu la fin de son texte, concernant le positionnement politique de la gauche, elle semble suggérer à la gauche d'accepter le fait, et de ne pas chercher à "imposer" ces progrès aux "indigènes". Bref, mettre la pédale douce sur les progrès sociétaux au nom de la lutte contre "l'ennemi commun".
    Que pensez-vous de ce "marché" ?
    Quand je vois les débats autour du voile au NPA, j'ai l'impression qu'une partie de la gauche radicale met une sourdine à ses critiques envers certaines choses, et adopte sans le dire cette attitude de "profil bas". J'espère me tromper !

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    1. Si vous me demandez ce que je pense de ce marché, la réponse est très claire : je ne suis pas d'accord, et pour ma part je ne signerai jamais rien de tel. Je peux parfaitement m'allier avec des gens qui ne sont pas d'accord avec moi sur tout, évidemment ; c'est même la condition sine qua non de toute action politique. Mais une telle alliance implique que chacun respecte les combats de l'autre, et accepte le débat avec lui.

      Concrètement, ça signifie qu'au nom de la lutte contre un "ennemi commun", ici le capitalisme libéral, je peux parfaitement m'allier avec des musulmans, des indigènes décolonisés, ou à peu près avec n'importe qui, mais je ne peux pas mettre mes autres luttes en sourdine, surtout pas des luttes aussi importantes que le féminisme ou le combat contre les discriminations homophobes. Et je réclame aussi le droit de chercher à convaincre mes alliés de la justesse de ma cause.

      Si quelqu'un cherche à me dénier cette possibilité de mener mes propres luttes et d'essayer d'y amener mes alliés, eh bien je ne m'allie pas avec lui.

      Je connais assez mal la situation au NPA. Mais en effet, j'ai moi aussi l'impression qu'une partie de la gauche radicale est prête à céder au "marché" (moi j'appellerais plutôt cela un chantage) du PIR et des groupes du même tonneau.

      Il y a beaucoup de facteurs dans ce renoncement : d'une part une (très mauvaise) tactique qui chercherait à conserver cet allié à tout prix, sans voir que ces renoncements ne peuvent mener qu'à des crises plus graves ; mais aussi la fascination d'une partie de l'extrême-gauche pour la figure du "travailleur immigré", fascination dénoncée par Lauzier dès les années 70 et qui interdit presque toute critique aux descendants de l'immigration, un peu comme l'Allemagne a le plus grand mal à s'attaquer publiquement à Israël.

      Je crois néanmoins que le combat n'est pas perdu d'avance, car il y a aussi une large part de la gauche radicale qui ne tombe pas dans le piège.

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