mercredi 9 novembre 2011

Détention dite "provisoire"

Adlène Hicheur, postdoctorant en physique des particules à Lausanne, a été arrêté et mis en examen le 8 octobre 2009 pour « association de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste », comme nous le rappelle le supplément « Science & techno » du Monde du 29 octobre dernier par la plume du physicien Marco Zito. Ce que nous apprend ce même monsieur, et qui est autrement surprenant et intéressant, c’est qu’Adlène Hicheur, deux ans plus tard, est toujours en prison, et ce sans qu’aucun procès ait été ouvert.

Que lui reproche-t-on, au juste ? Selon « des sources de haut niveau » (on sent toute la précision d’une enquête bien menée), il aurait préparé un attentat en lien avec AQMI. L’intéressé dément. On n’en sait pas plus, sinon qu’il a fréquenté (la belle affaire) des forums internet où étaient débattus des sujets comme le terrorisme ou les conflits iraquien et afghan.

C’est quand même un peu léger pour passer deux ans derrière les barreaux, non ? Le plus atterrant, c’est que tout cela est parfaitement légal. Sans preuve ni procès, la « justice » (ou en tout cas la police) peut, dans nos pays, garder un homme en prison pendant des mois, voire des années : en France, par exemple, la détention provisoire (mais pas tant que ça finalement) peut durer légalement jusqu’à deux ans si la peine encourue est inférieure à vingt ans, et trois ans si elle est supérieure à cette durée, voire quatre ans pour certains crimes (terrorisme, crime contre l’État etc.).

Alors la démocratie, régime des Droits de l’Homme ? Il est permis d’éclater de rire. Par comparaison, en 1679, dans l’Angleterre monarchique, l’Habeas Corpus précisait qu’une personne arrêtée devait être présentée au juge dans les trois jours ; en cas d’accusation de trahison ou félonie (sans doute l’équivalent le plus proche possible pour l’époque de nos accusations de complot terroriste), l’accusé pouvait exiger d’être jugé lors de la première session de la commission compétente. On peut même remonter encore plus loin : toujours en Angleterre, la Grande Charte de 1215 octroyée par le roi Jean sans Terre disposait « qu’aucun homme libre ne sera arrêté, ni emprisonné, ni dépossédé […] de ses libertés […], ni mis hors-la-loi, ni exilé, ni molesté en aucune manière » et que le roi « ne [mettra] ni ne [fera] mettre la main sur lui, si ce n’est en vertu d’un jugement légal de ses pairs et selon la loi du pays ».

On me répondra que ce n’étaient là que des textes, et que dans la pratique, les choses se passaient différemment. Sans doute ; mais de toute évidence, c’est toujours le cas aujourd’hui. Comme quoi les démocraties ne protègent pas mieux les droits de l’homme que les royautés.

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