mardi 22 novembre 2011

De l’art du retournement de droit fondamental par un possible gouvernement d’extrême-droite

Le projet présidentiel de Marine Le Pen pour 2012 vient d’être publié sur le site du Front National, et il est riche d’enseignements. Il n’est évidemment pas question de me lancer ici dans une analyse détaillée de ce programme – j’ai mieux à faire.

En revanche, un point qui peut sembler de détail m’a intéressé. Sur le thème de la sécurité (partie « Autorité de l’État », le FN ayant accompli depuis le départ de Jean-Marie Le Pen une impressionnante mue étatiste et anti-libérale, ce qu’on ne saurait lui reprocher, pour peu qu’on croie en sa sincérité), Mme. Le Pen propose d’instaurer une « présomption de légitime défense » pour les forces de l’ordre dans l’exercice de leur fonction.

Je m’étonne que si peu de commentateurs se soient penchés sur le sujet. Peut-être ne réalisent-ils pas la portée d’une telle décision, si elle venait à être appliquée ? Résumons-nous. Les policiers, qui disposent déjà de la puissance matérielle et physique (puisqu’ils sont armés et que, sur le terrain, personne n’est là pour les arrêter, même s’ils risquent des sanctions par la suite), disposeraient, en plus, d’une présomption d’avoir bien agi. Ce qui impliquerait évidemment de présumer que ceux qui les accuseraient du contraire seraient des menteurs.

À partir de là, qu’est-ce qui empêcherait les policiers d’agir comme bon leur semblerait, voire dans leur intérêt propre et non plus celui de la société ? On ne peut à l’évidence pas compter sur la seule déontologie ou sur la morale : quand on voit, comme c’est arrivé récemment, qu’un groupe de policiers tout entier est capable de mentir pour couvrir un des leurs, y compris en faisant risquer à un innocent une lourde peine de prison, on se dit qu’il est tout de même préférable de ne pas leur accorder en plus la présomption de légitime défense.

On peut évidemment s’amuser de la petite subtilité linguistique qui, en faisant référence au droit fondamental (bien réel, celui-là) de présomption d’innocence, fait croire aux naïfs que Marine Le Pen ne propose au fond que l’établissement d’un droit évident. Mais il est plus intéressant de noter autre chose. Au fond, cela révèle surtout qu’elle (et au-delà d’elle, le parti qu’elle dirige et représente) n’a pas compris une réalité capitale de la vie politique : le nécessaire contrôle des pouvoirs les uns sur les autres, qui est à la base de l’équilibre des pouvoirs. Un pouvoir sans contrôle ne peut être que tyrannique ; la présomption de légitime défense pour la police, ce serait un pouvoir sans contrôle ; ce serait le droit de tirer à volonté.

Pour beaucoup de gens, Tol Ardor – et au-delà d’elle, l’écologie autoritaire – est mauvaise parce qu’elle ne croit pas que la démocratie puisse résoudre la Crise que nous traversons. Mais dans le contexte d’un profond chaos économique, la démocratie pourrait bien, dans les années à venir, porter l’extrême-droite au pouvoir en France, seule ou associée à des partis plus modérés. C’est ce qu’il s’est passé en Allemagne dans les années 1930 ; rien ne nous garantit que la même chose ne se reproduira pas chez nous.

Finalement, que préfère-t-on ? Une démocratie qui pourrait finir par piétiner les droits fondamentaux parce qu’un tel choix aurait été validé par la majorité populaire, ou une Royauté dans laquelle ce sera impossible parce que ces droits seront gravés dans une Constitution inchangeable ?

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