Les négociations sur le climat de Doha, au Qatar, se sont
achevées sur un accord arraché au forceps par le président de la conférence, le
vice-premier ministre qatari Abdullah Al-Attiyah. Bilan : proche du néant,
aucune avancée majeure n’a été actée. Signe qui ne trompe pas : aucun pays
n’a osé qualifier cet accord de satisfaisant. Quand on sait à quel point les
politiciens sont prompts à s’auto-congratuler, c’est franchement inquiétant.
Pour autant, est-ce surprenant ? Pas le moins du monde.
Depuis des années et des années, les conférences environnementales se suivent
et se ressemblent : à la fin, on ne fait rien. Il y a parfois de gros
effets d’annonce (Rio de Janeiro en 1992, Kyoto en 1997), mais il ne faut pas être
grand clerc pour prédire à chaque fois qu’ils ne se traduiront pas dans les
faits. En fait, plus les annonces sont importantes et ambitieuses, moins elles
seront respectées, plus les désillusions seront grandes. Twice the pride, double the fall.
Comment analyser cet échec ? Ce n’est pas bien
difficile. La méthode des négociations internationales est celle du consensus.
Comment voulez-vous mettre d’accord près de 200 pays sur des questions aussi
polémiques, aussi complexes, aussi graves, et ce alors qu’ils différent
fondamentalement par leur histoire, leur culture, leurs intérêts ? Cette
méthode a d’autant moins de chances d’aboutir à quelque chose de concret qu’au
fond, personne ne veut réellement faire des efforts. Tous les responsables
savent très bien (sauf les plus stupides d’entre eux) que commencer à résorber
la crise environnementale demanderait à l’humanité des sacrifices immenses.
Tenus par leurs électorats, la nécessité de se faire réélire, la faible marge
de manœuvre dont ils disposent, à la
fois parce que leurs caisses sont vides et parce qu’ils ont cédé trop de
pouvoir à d’autres acteurs, ils ne peuvent que choisir l’intérêt immédiat
et à court terme au détriment de l’intérêt à long terme.
Alors que faire ? Les élites ont fait la preuve de leur
incapacité à régler les problèmes : les citoyens doivent donc les
abandonner, cesser de leur faire confiance, de se reposer sur eux, et prendre
leur destin en main. Attention, cela ne signifie pas qu’il faille abandonner l’action
politique ; bien au contraire, il faut se lancer à corps perdu dans l’action
politique. Elle seule est capable de nous sortir du gouffre : les actions
individuelles ou à petite échelle sont bonnes et probablement nécessaires, mais
il est certain qu’elles ne sont pas suffisantes. La crise est infiniment trop importante
et nos moyens personnels sont infiniment trop limités pour que nous puissions
espérer qu’une solution globale émerge de la somme des solutions locales.
Mais s’il ne faut pas abandonner l’action politique, il faut
en revanche abandonner l’action politique traditionnelle. Sur ce blog, j’ai
déjà dénoncé la transformation des Verts en un parti de gouvernement,
transformation qui, malgré ce qu’ils s’imaginent, les rend inefficaces :
ils ne gagnent des postes qu’en renonçant à l’application de leurs idées, donc
à leur âme. Ce qu’ils n’ont pas compris, c’est que de nos jours, appartenir à
un gouvernement, quel qu’il soit, où qu’il soit, c’est appartenir à une
structure qui a déposé, abandonné son pouvoir et s’est elle-même lié les pieds
et les mains.
Les partis politiques, les élections, la prise du pouvoir
par les moyens classiques, tout cela ne peut plus être le cœur de notre
engagement et de notre stratégie. Les écologistes peuvent se lancer dans ce
jeu, mais ils doivent le faire intelligemment, c’est-à-dire en ayant d’autres
buts que la prise réelle d’un pouvoir qui ne nous apporterait rien. Par exemple,
le jeu électoral peut être utilisé pour médiatiser et populariser des thèmes et
des idées. Mais le cœur de notre action doit être ailleurs. Il reste à
inventer.
Tol Ardor est une tentative dans ce sens. Dieu merci,
elle n’est évidemment pas seule : c’est de la multiplicité des initiatives
et des projets que naîtront les idées nouvelles dont nous avons tant besoin. En
gardant néanmoins à l’esprit qu’une division excessive nous empêcherait d’agir ;
entre nécessaire diversité de l’écologie politique et risque de balkanisation,
nous avons un équilibre difficile à tenir.
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