J’avais consacré une de mes premières chroniques sur ce blog à la manière dont Sarkozy était passé du « Grenelle
de l’environnement » à l’idée que l’environnement, « ça commen[çait]
à bien faire », prouvant ainsi son absence totale de convictions fortes
sur le sujet et sa ressemblance frappante avec une girouette. À l’époque, ses pitreries
étaient d’autant plus comiques que, s’il était encore au pouvoir, on avait bon
espoir que ça ne durerait pas.
Maintenant qu’il n’y est plus,
mais qu’il espère bien y revenir, sa bouffonnerie ne me fait qu’à moitié
sourire, son taux de popularité restant suffisamment haut pour être préoccupant.
Mais tout de même, sa lettre ouverte aux Français (ou en tout cas aux lecteurs
du Figaro) est un morceau de bravoure
qui mérite quelques applaudissements. Je passe sur la comparaison de la France de
2014 avec l’Allemagne de l’Est pendant la guerre froide, et sur son
rapprochement de nos juges avec les espions de la Stasi ; visiblement, au
lycée, le petit Nicolas séchait les cours d’histoire et préférait aller au café
avec ceux qui parlent de « dictature socialiste » (quand je dis à mes
élèves qu’ils doivent apprendre leurs définitions…), voire de « totalitarisme »
(ce qui les place quelque part entre l’ignorance, triste mais excusable, et le delirium tremens).
J’en viens directement à mon
passage préféré, celui où M. Sarkozy se plaint que snif, snif, on a mis ses
téléphones sur écoute, ses deux téléphones, ma bonne dame, si vous pouvez le
croire, même celui qu’il avait sous un faux nom, et qu’il n’y a plus de vie
privée dans ce pays ; on pourrait le croire tenté d’ajouter que si ça
continue, il va partir en Russie, avec son pote Depardieu, où là, au moins, on
respecte les honnêtes gens.
En lisant ça, je crois que, à mon
corps défendant, j’ai dû faire exactement la tête de Nabila : nan mais
allô quoi ! allô quoi !
En 2009, en plein quinquennat
Sarkozy, 100 000 écoutes étaient pratiquées en France, ce qui représentait
une multiplication par 4 depuis 2001. En 2012, il y a eu 650 000 réquisitions
auprès des opérateurs téléphoniques, que ce soit pour des contrats, des appels,
des SMS (contenus ou métadonnées), ce qui représentait une hausse de 44% par
rapport à 2006. Pardon, mais qui a été au pouvoir en France de 2001 à 2012 ?
La droite, il me semble ; et Sarkozy, en tant que ministre de l’Intérieur,
puis en tant que Président de la République, ne peut qu’avoir joué un grand rôle
dans cette inflation des écoutes et de l’intrusion des policiers et des juges dans
l’intimité de gens.
Alors quoi ? Comment un des
architectes de cette politique sécuritaire qui tend à ruiner peu à peu notre
vie privée peut-il oser se plaindre d’en être la victime ? Aurait-il
lancé, avec Copé, un grand jeu concours intitulé « On ose tout, comme ça
on nous reconnaîtra » ? Si c’est le cas, c’est perdu d’avance !
Copé a des années-lumière d’avance, surtout depuis que ressortent ses propres casseroles.
Au fond, tout est là : les
partisans de la surveillance à outrance espèrent toujours qu’ils passeront au
travers des mailles du filet. Bon. Ils sont malhonnêtes, hypocrites, partisans
du deux poids, deux mesures. C’est moche, mais on est habitué. Ce qui en dit
long, en revanche, sur l’état de décrépitude de l’opinion publique et du niveau
politique, c’est qu’ils osent l’assumer de manière aussi visible.
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