Le premier dimanche après Noël (c’est ça, c’est aujourd’hui)
est, pour les catholiques, le dimanche de la Sainte Famille : on y célèbre
donc la famille formée par Jésus, Marie et Joseph (et, selon moi, les frères et
sœurs cadets du Christ, mais tout le monde n’est pas d’accord là-dessus). Il
est de tradition, à cette occasion, de faire un sermon portant sur la défense
des valeurs familiales.
Et ça tombe bien, je trouve qu’il y a de quoi. Oui, dans la
société actuelle, la famille est menacée. Ou plutôt, les familles sont
menacées. La nuance est de taille : je ne crois pas que le modèle familial qui est le nôtre soit
menacé. Par quoi pourrait-il l’être ? Contrairement à ce que beaucoup de prêtres
ont dû raconter aujourd’hui, pas par le mariage et l’adoption pour les couples
homosexuels, qui vont au contraire permettre la constitution et surtout la
reconnaissance de nouvelles familles aimantes, sans rien enlever à celles qui
existent déjà. Pas non plus par la théorie du genre, qui, contrairement à ce qu’on
entend encore, n’a pas pour objectif de faire manger leurs couilles aux petits
garçons ni d’obliger les petites filles à devenir toutes camionneuses.
Tout cela est de nature à faire évoluer le modèle familial traditionnel,
mais pas à le menacer. C’est même devenu un lieu commun pour les catholiques réformistes
que de souligner à quel point la famille de Jésus est peu conventionnelle, peu traditionnelle,
peu naturelle : un homme y élève l’enfant que sa femme a eu, avant leur
mariage, avec un autre, et en plus par un procédé qui n’a rien de « naturel »
ou de « biologique ». Selon nos catégories actuelles, l’Incarnation
se situerait quelque part entre une gestation pour autrui et une procréation
divinement assistée ; on est assez loin du « un papa, une maman, on
ne ment pas aux enfants ».
Il y a bien quelques fous furieux qui réclament, à l’Assemblée
nationale ou ailleurs, que les enfants soient retirés à leurs parents dès leur
naissance ou peu après, et confiés à d’autres familles pour des durées
limitées, voire élevés dans des centres publics. Cela, oui, menacerait le
modèle familial. Mais ces discours délirants sont fort heureusement extrêmement
marginaux et, je pense, ne sont pas en passe d’être appliqués – Dieu merci.
Et pourtant, oui, les familles sont menacées. Les menaces
qui pèsent sur elles, ce sont les réductions du nombre de crèches, les suppressions
de postes d’instituteurs en maternelle, qui font que les enfants en bas âge
sont moins bien accueillis, et leurs parents moins libres. Ce sont les
pressions des employeurs pour se donner toujours plus à son travail, et donc toujours
moins à ses proches. C’est le chômage qui plonge les familles dans la misère et
la désespérance. C’est le travail du dimanche, qui fait que les familles ne peuvent
plus se retrouver ni passer du temps ensemble. Ce sont les inégalités, qui font
que les couples ne peuvent plus subvenir à leurs besoins essentiels et à ceux
de leurs enfants, et que les familles se délitent et se déchirent. Ce sont les
immigrés clandestins à Mayotte qui, quand ils sont arrêtés, mentent à la police
en disant qu’ils n’ont pas d’enfants, pour être renvoyés seuls aux Comores, et
doivent abandonner leurs rejetons sur place pour leur éviter les dangers de la
traversée du retour. C’est une organisation sociale qui ne nous offre ni le temps,
ni les moyens de nous occuper nous-mêmes des personnes âgées, et qui nous
condamne à enfermer nos parents et nos grands-parents dans des mouroirs où ils
crèvent de solitude.
Oui, mes frères, les familles sont menacées ;
mais pas par ceux que vous montrez ordinairement du doigt parce qu’ils ne sont
pas comme vous. Elles le sont par le Système dans lequel nous vivons. Elles le
sont par ceux qui sont avides d’argent, et par les incompétents qui les servent
et nous dirigent.
Merci de partager ce Meneldil. Veuillez excusez mon français, comme il n'est pas ma langue maternelle. Votre point de vue sur ce sujet rend de lecture très intéressante car elle montre une autre vue pas aisément reconnu.
RépondreSupprimerMerci beaucoup, Bruno. Je suis toujours touché de voir que je suis lu jusqu'aux Etats-Unis... Merci pour ta fidélité et tes compliments.
SupprimerLa famille n'est menacée que par elle même !
RépondreSupprimerElle doit être un espace accueillant pour nos enfants et nos proches, avec toute la bienveillance qui permet d'ouvrir son cœur, de créer les conditions pour libérer la parole.
Beaucoup trop de familles se déchirent... Et les adultes se montrent alors capable d'une incroyable haine. Certains heureusement parviennent à ne pas trop le montrer devant leurs enfants... Le pire dans tout cela, c'est qu'avec le temps, ces haines paraissent si ridicules que le rétablissement de rapports humains normaux redevient possible.
Nos enfants sont jeunes adultes. Ils ont leurs secrets, leurs vies dans laquelle nous parents, nous n'avons pas notre place. Mais notre grande fierté, c'est d'avoir des discussions sérieuses et mêmes conflictuelles parfois... Il y a la confiance et le respect réciproque.
Je la découvre aujourd'hui : c'est la meilleure homélie sur la Sainte Famille que j'ai pu lire ou entendre !
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