dimanche 29 décembre 2013

Homélie pour ce dimanche : la famille est menacée, protégeons-la !

Le premier dimanche après Noël (c’est ça, c’est aujourd’hui) est, pour les catholiques, le dimanche de la Sainte Famille : on y célèbre donc la famille formée par Jésus, Marie et Joseph (et, selon moi, les frères et sœurs cadets du Christ, mais tout le monde n’est pas d’accord là-dessus). Il est de tradition, à cette occasion, de faire un sermon portant sur la défense des valeurs familiales.

Et ça tombe bien, je trouve qu’il y a de quoi. Oui, dans la société actuelle, la famille est menacée. Ou plutôt, les familles sont menacées. La nuance est de taille : je ne crois pas que le modèle familial qui est le nôtre soit menacé. Par quoi pourrait-il l’être ? Contrairement à ce que beaucoup de prêtres ont dû raconter aujourd’hui, pas par le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels, qui vont au contraire permettre la constitution et surtout la reconnaissance de nouvelles familles aimantes, sans rien enlever à celles qui existent déjà. Pas non plus par la théorie du genre, qui, contrairement à ce qu’on entend encore, n’a pas pour objectif de faire manger leurs couilles aux petits garçons ni d’obliger les petites filles à devenir toutes camionneuses.

Tout cela est de nature à faire évoluer le modèle familial traditionnel, mais pas à le menacer. C’est même devenu un lieu commun pour les catholiques réformistes que de souligner à quel point la famille de Jésus est peu conventionnelle, peu traditionnelle, peu naturelle : un homme y élève l’enfant que sa femme a eu, avant leur mariage, avec un autre, et en plus par un procédé qui n’a rien de « naturel » ou de « biologique ». Selon nos catégories actuelles, l’Incarnation se situerait quelque part entre une gestation pour autrui et une procréation divinement assistée ; on est assez loin du « un papa, une maman, on ne ment pas aux enfants ».

Il y a bien quelques fous furieux qui réclament, à l’Assemblée nationale ou ailleurs, que les enfants soient retirés à leurs parents dès leur naissance ou peu après, et confiés à d’autres familles pour des durées limitées, voire élevés dans des centres publics. Cela, oui, menacerait le modèle familial. Mais ces discours délirants sont fort heureusement extrêmement marginaux et, je pense, ne sont pas en passe d’être appliqués – Dieu merci.

Et pourtant, oui, les familles sont menacées. Les menaces qui pèsent sur elles, ce sont les réductions du nombre de crèches, les suppressions de postes d’instituteurs en maternelle, qui font que les enfants en bas âge sont moins bien accueillis, et leurs parents moins libres. Ce sont les pressions des employeurs pour se donner toujours plus à son travail, et donc toujours moins à ses proches. C’est le chômage qui plonge les familles dans la misère et la désespérance. C’est le travail du dimanche, qui fait que les familles ne peuvent plus se retrouver ni passer du temps ensemble. Ce sont les inégalités, qui font que les couples ne peuvent plus subvenir à leurs besoins essentiels et à ceux de leurs enfants, et que les familles se délitent et se déchirent. Ce sont les immigrés clandestins à Mayotte qui, quand ils sont arrêtés, mentent à la police en disant qu’ils n’ont pas d’enfants, pour être renvoyés seuls aux Comores, et doivent abandonner leurs rejetons sur place pour leur éviter les dangers de la traversée du retour. C’est une organisation sociale qui ne nous offre ni le temps, ni les moyens de nous occuper nous-mêmes des personnes âgées, et qui nous condamne à enfermer nos parents et nos grands-parents dans des mouroirs où ils crèvent de solitude.

Oui, mes frères, les familles sont menacées ; mais pas par ceux que vous montrez ordinairement du doigt parce qu’ils ne sont pas comme vous. Elles le sont par le Système dans lequel nous vivons. Elles le sont par ceux qui sont avides d’argent, et par les incompétents qui les servent et nous dirigent.

4 commentaires:

  1. Merci de partager ce Meneldil. Veuillez excusez mon français, comme il n'est pas ma langue maternelle. Votre point de vue sur ce sujet rend de lecture très intéressante car elle montre une autre vue pas aisément reconnu.

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    1. Merci beaucoup, Bruno. Je suis toujours touché de voir que je suis lu jusqu'aux Etats-Unis... Merci pour ta fidélité et tes compliments.

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  2. La famille n'est menacée que par elle même !
    Elle doit être un espace accueillant pour nos enfants et nos proches, avec toute la bienveillance qui permet d'ouvrir son cœur, de créer les conditions pour libérer la parole.
    Beaucoup trop de familles se déchirent... Et les adultes se montrent alors capable d'une incroyable haine. Certains heureusement parviennent à ne pas trop le montrer devant leurs enfants... Le pire dans tout cela, c'est qu'avec le temps, ces haines paraissent si ridicules que le rétablissement de rapports humains normaux redevient possible.
    Nos enfants sont jeunes adultes. Ils ont leurs secrets, leurs vies dans laquelle nous parents, nous n'avons pas notre place. Mais notre grande fierté, c'est d'avoir des discussions sérieuses et mêmes conflictuelles parfois... Il y a la confiance et le respect réciproque.

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  3. Je la découvre aujourd'hui : c'est la meilleure homélie sur la Sainte Famille que j'ai pu lire ou entendre !

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