Amis profs de maths, voilà un petit problème sympa à poser à vos élèves pour la rentrée : « une commission est chargée de préparer un projet de loi en avril 2002 ; elle rend son rapport en décembre de la même année. En juillet 2003, un projet de loi constitutionnelle, inspiré de ses propositions, est présenté en conseil des ministres. Cette révision est adoptée en 2006. En 2011, un des projets de loi du gouvernement organisant un aspect de cette révision a été déposé mais jamais inscrit à l’ordre du jour, et donc pas encore examiné (sans parler d’être adopté). Sachant que le Palais de l’Élysée, l’Assemblée Nationale et l’hôtel Matignon sont situés sur une ligne de 3Km de long environ, à quelle vitesse marche une loi ? »
Évidemment, les bons élèves sentiront la question piège et donneront la bonne réponse : ça dépend de la loi !
Pour ceux que ça intéresse, la réforme dont il est question plus haut concerne le statut pénal du chef de l’État. La nouvelle Constitution de la République française dispose, dans son article 67, que « le Président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité ». C’est ce qu’on appelle l’immunité pénale du chef de l’État : tant qu’il reste chef de l’État, on ne peut pas le juger. Pour qu’il ne fasse pas complètement n’importe quoi, on a ajouté l’article 68, qui dispose que « le Président de la République […] peut être destitué […] en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour. »
Le problème, c’est que ce qui n’a toujours pas été examiné par l’Assemblée, c’est le projet de loi qui organiserait la destitution. Celui qui organise l’immunité, lui, a été examiné et adopté. Bilan des courses : à l’heure actuelle, le président bénéficie de l’immunité pénale, mais il ne peut pas être destitué. L’article de la Constitution qui lui est favorable est effectif, l’autre pas.
La loi va donc vite quand il s’agit de protéger les puissants. On en a eu une autre illustration quand il s’est agi de faire voter le bouclier fiscal voulu par Sarkozy en 2007 – un des premiers actes de son mandat. Pour s’attaquer à l’oligarchie politique ou financière en place, en revanche, résoudre notre petit problème mathématique nous indique que la loi va plutôt à la vitesse de l’escargot. Pour ne pas dire d’une moule bien accrochée à son confortable rocher.
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