lundi 15 septembre 2014

Souffle imprévisible, Esprit de Dieu


Fin juin, je me demandais si l’Église catholique envoyait « les bons signaux ». À quelques semaines de l’ouverture du Synode sur la famille, force est de constater que c’est plutôt le contraire.

Ainsi, la liste des participants vient enfin d’être publiée, et elle n’est pas folichonne. On savait déjà que, sur les trois co-présidents du Synode, deux (André Vingt-Trois, archevêque de Paris, et Louis Antonio Tagle, archevêque de Manille) étaient connus pour leurs positions extrêmement conservatrices en matière de morale sexuelle et familiale. Pour mémoire, Vingt-Trois est celui qui a le plus contribué à lancer l’Église de France dans la bataille contre le mariage pour tous, et Tagle s’indignait publiquement, après avoir lu les synthèses des réponses des fidèles au Questionnaire sur la famille, que les fidèles comprissent si peu la belle doctrine catholique.



On en sait à présent un peu plus. En particulier, on connaît les noms des « collaborateurs » du Synode, ceux qui participeront mais n’auront pas le droit de voter. Il y a d’abord les experts, qui ne votent pas, mais prennent part aux débats. Et là, premier choc : Tony Anatrella est de la fête. Alors OK, ce type s’auto-proclame depuis des années spécialiste de la famille et psychanalyste ; mais est-ce qu’il suffit d’être médiatique pour être invité au Synode ? De deux choses l’une : soit personne au Vatican ne fait la moindre recherche sur les gens qu’ils invitent, soit – option plus vraisemblable – il a justement été choisi pour ses positions conservatrices, voire réactionnaires. Rappelons quand même que cet homme, dont les écrits sont d’une pauvreté intellectuelle et argumentative proprement ahurissante pour un homme qui est invité partout (c’est le Philippe Ariño des vieux, en quelque sorte), va partout clamant que deux hommes ne peuvent même pas s’aimer, puisqu’ils ne font jamais que s’aimer eux-mêmes dans un simulacre d’amour narcissique et destructeur.

Et pour le reste ? Parmi ceux qui ont le droit, non pas au vote, mais au moins à la parole, on ne trouve que des gens du sérail. Beaucoup de prêtres, quelques laïcs, mais dont la plupart sont de la maison : un juge d’un tribunal ecclésiastique malais, une Libanaise membre de la Commission épiscopale pour la famille et la vie, un Australien directeur d’un Centre diocésain pour la vie, le mariage et la famille, une prof de la fac de théologie de Naples, une autre de l’Université pontificale de Comillas… Ce n’est probablement pas de là que viendra le changement.


Et puis quelques autres, mais qui sont simples auditeurs, donc avec encore moins de pouvoir que les précédents ; et là encore, de toute manière, des gens qui sont a priori des défenseurs de la doctrine : le couple responsable des équipes Notre-Dame au Brésil, les fondateurs de la Communauté Famille Chrétienne, la présidente du réseau latino-américain des Instituts de la famille des universités catholiques argentines, la directrice du Comité de direction de la World Organisation Ovulation Method Billings (tout un programme), j’en passe et des plus rafraîchissantes.

Alors bien sûr, à côté de ça, il y a des gens bien, surtout parmi les Pères synodaux : Pontier, Kasper, Danneels pour n’en citer que quelques-uns. Et de toute évidence, le Synode a été composé de manière à accorder une place à toutes les sensibilités, moins les plus progressistes bien sûr (non, Hans Küng n’est pas invité). Mais on a du mal à se départir de l’idée qu’il a quand même surtout été pensé pour éviter toute réforme de fond ; pour aboutir, comme je le disais dans mon précédent billet, à un Synode qui fera œuvre de miséricorde, mais pas œuvre de renouveau de la pensée.


Alors bien sûr, on n’est jamais à l’abri d’une surprise. Les voies du Seigneur sont impénétrables, et l’Esprit souffle où Il veut. Mais là, il va vraiment Lui falloir beaucoup de force dans le souffle pour décoiffer un peu ces têtes chenues.

Vous me direz : ça tombe bien, Il en a ! Certes. Mais il n’est pas interdit de Lui filer un petit coup de main. Souvenons-nous de l’adage : « Il faut toujours penser que tout dépend de Dieu, tout en agissant toujours comme si tout dépendait de nous. » Il y a des gens qui se bougent. Le groupe international Catholic Church Reform Int’l, dont Tol Ardor est membre, organise début octobre à Rome un « Synode des Fidèles » : allez-y si vous pouvez, parlez-en quoi qu’il en soit. Nous demandons à ce que le Synode soit publiquement diffusé en direct : associez-vous à la demande. C’est aussi nous qui avons fait toutes les jolies bannières qui parsèment cet article : n’hésitez pas à les reprendre (en fait elles ne sont pas jolies, mais on était un peu dans l’urgence et au moins les messages sont clairs).



Et surtout, amis catholiques, ou tout simplement chrétiens progressistes, parlez de tout ça autour de vous, particulièrement aux journalistes. Pour le moment, ils ne mentionnent tout cela – pour ceux qui en parlent – que d’assez loin, en se contentant de relayer les informations du Vatican. Il faudrait qu’ils ouvrent un peu les oreilles, et qu’ils parlent de l’essentiel : de très nombreux catholiques à travers le monde ont mis beaucoup d’espoirs dans ce Synode, et ces espoirs sont en passe d’être cruellement déçus.

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