C’est pourtant vrai qu’ils ne lâchent rien !
Honnêtement, mon étonnement devant l’opiniâtreté (ou l’obstination) des
opposants à la loi Taubira n’a d’égal que ma perplexité devant leur stratégie.
Déjà, il y a la division. Du plus modéré au plus givré, on a
d’abord Frigide Barjot, qu’on ne présente plus, et qui rame comme une folle
pour maintenir à flot son mouvement « L’avenir pour tous ». Ses
supporters veulent l’abrogation de la loi Taubira ; comme ils sont un peu réalistes,
ils voient bien qu’ils n’auront rien sans rien, et sont prêts à lâcher un peu
de lest en acceptant une union civile pour les couples homosexuels – sans
adoption, ça va sans dire. Pour qu’on ne s’imagine pas qu’ils sont les
mous-du-genou de la frange « qui-ne-lâche-rien », ils compensent ce
scandaleux laxisme homophile par une demande de constitutionnalisation du
mariage comme union d’un homme et d’une femme. Bon.
Puis vient Ludivine de la Rochère (rien que le nom, c’est
tout un programme), qui a repris les rênes de « La Manif pour Tous »
(on ne pouvait quand même pas les laisser à une fille qui tolère suffisamment
les pédés pour leur autoriser l’union civile, ça non), même si elle ne sait pas
trop qu’en faire. Présentera des listes aux élections, s’alliera avec des
partis existants ? No sé. Et si
on y va en autonomie, à quelles élections allons-nous ? Aux municipales,
aux européennes ? No sé. Pas
grave : mieux vaut continuer de pomper et qu’il ne se passe rien plutôt que
de risquer qu’il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas.
Enfin, madame Barrée, j’ai nommé Béatrice Bourge, encore
plus homophobe que la précédente (si si, ça se peut), qui dirige plus ou moins le
« Printemps français ». Sur le fond, on ne voit pas bien ce qui les
différencie de la Manif pour Tous, à part qu’ils n’hésitent pas à s’afficher
avec l’extrême-droite et les casseurs ouvertement homophobes.
Mais si on y réfléchit, on ne voit pas bien ce qui justifie
la division en trois mouvements. Ambitions politiques contraires ? Rivalité
féminine ? Nécessité de « se compter », de montrer ses muscles,
pour emporter le morceau ? Difficile de le dire, tant cette stratégie (ou
cette fatalité) apparaît casse-gueule. Parce que quand même, ce n’est pas comme
si les opposants à la loi Taubira pesaient encore bien lourd. Ce n’est pas
comme s’ils avaient des chances de voir leur citrouille devenir carrosse. Du
coup, pour avoir la moindre chance de succès, le minimum serait une forme d’union.
Pas forcément une fusion, notez bien ! Il faudrait préserver les
susceptibilités et les divergences. Mais une forme d’union, une sorte de confédération
de l’homophobie (pardon, de la lutte contre le mariage homo). Au lieu de quoi,
chacune fait sa tambouille dans son coin. Première erreur stratégique.
La seconde est sans doute encore plus grave. On peut s’interroger
en effet sur les chances de succès d’un mouvement qui se veut politique mais ne
réfléchit que sur quelques micros-questions sociétales. Certes, ils essayent de
s’élargir, mais bon, on reste dans l’éthique de la sexualité, de la famille et
de la vie (et encore, du début de vie : pas de risque qu’on les voit s’opposer
aux OGM) : PMA, GPA, « notion de genre » font leur miel, mais ça
s’arrête là. Ils prétendent défendre une certaine idée de la société, mais ils
se restreignent à quelques questions qui sont loin d’être les plus
fondamentales et n’élargissent pas réellement leur réflexion théorique.
En ce sens, la nébuleuse issue de l’opposition à la loi
Taubira me fait penser au parti Chasse, Pêche, Nature et Tradition. Certes, les
trois dirigeantes emblématiques précitées ont davantage de cheveux et moins de
poil au menton que Frédéric Nilhous ; mais il y a entre les mouvements des
premières et le parti du dernier des similitudes troublantes.
D’abord, comme je le disais, la défense d’un intérêt très
restreint et particulier. On prend tout ce à quoi on tient, et on fait un
parti. Comme avait dit Malik Bentalha : « C’est génial ce truc ! Le type, il a pris tous ses kiffes,
et il a fait un parti. C’est comme si moi j’avais un parti “Putes et crêpes au
Nutella”. » On sait qu’en France, ça a du mal à faire recette.
Mais il y a plus : sur la stratégie, par exemple, l’hésitation
permanente entre une présentation autonome (dont on rêve parce qu’elle donne
plus de visibilité médiatique, mais dont on n’a pas vraiment les moyens) et l’alliance
avec les partis de droite (de droite dans l’un et l’autre cas, comme par
hasard). Et même sur le fond, ces références à la nature (une certaine idée de
la nature sauvage pour CPNT, une certaine idée de la nature de l’homme et du
mariage pour LMPT), à la Tradition avec un grand T, sont autant de convergences
intéressantes entre les deux mouvances.
On peut probablement en déduire que les mouvements contre le
mariage homosexuel sont promis aux mêmes limbes politiques et médiatiques que
CPNT. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle ; pas très surprenante, mais
par les temps qui courent, les bonnes nouvelles sont rares : il faut
prendre ce qui vient.
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