dimanche 15 septembre 2013

La-Manif-pour-Tous-Nature-et-Tradition


C’est pourtant vrai qu’ils ne lâchent rien ! Honnêtement, mon étonnement devant l’opiniâtreté (ou l’obstination) des opposants à la loi Taubira n’a d’égal que ma perplexité devant leur stratégie.

Déjà, il y a la division. Du plus modéré au plus givré, on a d’abord Frigide Barjot, qu’on ne présente plus, et qui rame comme une folle pour maintenir à flot son mouvement « L’avenir pour tous ». Ses supporters veulent l’abrogation de la loi Taubira ; comme ils sont un peu réalistes, ils voient bien qu’ils n’auront rien sans rien, et sont prêts à lâcher un peu de lest en acceptant une union civile pour les couples homosexuels – sans adoption, ça va sans dire. Pour qu’on ne s’imagine pas qu’ils sont les mous-du-genou de la frange « qui-ne-lâche-rien », ils compensent ce scandaleux laxisme homophile par une demande de constitutionnalisation du mariage comme union d’un homme et d’une femme. Bon.

Puis vient Ludivine de la Rochère (rien que le nom, c’est tout un programme), qui a repris les rênes de « La Manif pour Tous » (on ne pouvait quand même pas les laisser à une fille qui tolère suffisamment les pédés pour leur autoriser l’union civile, ça non), même si elle ne sait pas trop qu’en faire. Présentera des listes aux élections, s’alliera avec des partis existants ? No sé. Et si on y va en autonomie, à quelles élections allons-nous ? Aux municipales, aux européennes ? No sé. Pas grave : mieux vaut continuer de pomper et qu’il ne se passe rien plutôt que de risquer qu’il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas.

Enfin, madame Barrée, j’ai nommé Béatrice Bourge, encore plus homophobe que la précédente (si si, ça se peut), qui dirige plus ou moins le « Printemps français ». Sur le fond, on ne voit pas bien ce qui les différencie de la Manif pour Tous, à part qu’ils n’hésitent pas à s’afficher avec l’extrême-droite et les casseurs ouvertement homophobes.

Mais si on y réfléchit, on ne voit pas bien ce qui justifie la division en trois mouvements. Ambitions politiques contraires ? Rivalité féminine ? Nécessité de « se compter », de montrer ses muscles, pour emporter le morceau ? Difficile de le dire, tant cette stratégie (ou cette fatalité) apparaît casse-gueule. Parce que quand même, ce n’est pas comme si les opposants à la loi Taubira pesaient encore bien lourd. Ce n’est pas comme s’ils avaient des chances de voir leur citrouille devenir carrosse. Du coup, pour avoir la moindre chance de succès, le minimum serait une forme d’union. Pas forcément une fusion, notez bien ! Il faudrait préserver les susceptibilités et les divergences. Mais une forme d’union, une sorte de confédération de l’homophobie (pardon, de la lutte contre le mariage homo). Au lieu de quoi, chacune fait sa tambouille dans son coin. Première erreur stratégique.

La seconde est sans doute encore plus grave. On peut s’interroger en effet sur les chances de succès d’un mouvement qui se veut politique mais ne réfléchit que sur quelques micros-questions sociétales. Certes, ils essayent de s’élargir, mais bon, on reste dans l’éthique de la sexualité, de la famille et de la vie (et encore, du début de vie : pas de risque qu’on les voit s’opposer aux OGM) : PMA, GPA, « notion de genre » font leur miel, mais ça s’arrête là. Ils prétendent défendre une certaine idée de la société, mais ils se restreignent à quelques questions qui sont loin d’être les plus fondamentales et n’élargissent pas réellement leur réflexion théorique.

En ce sens, la nébuleuse issue de l’opposition à la loi Taubira me fait penser au parti Chasse, Pêche, Nature et Tradition. Certes, les trois dirigeantes emblématiques précitées ont davantage de cheveux et moins de poil au menton que Frédéric Nilhous ; mais il y a entre les mouvements des premières et le parti du dernier des similitudes troublantes.

D’abord, comme je le disais, la défense d’un intérêt très restreint et particulier. On prend tout ce à quoi on tient, et on fait un parti. Comme avait dit Malik Bentalha : « C’est génial ce truc ! Le type, il a pris tous ses kiffes, et il a fait un parti. C’est comme si moi j’avais un parti “Putes et crêpes au Nutella”. » On sait qu’en France, ça a du mal à faire recette.

Mais il y a plus : sur la stratégie, par exemple, l’hésitation permanente entre une présentation autonome (dont on rêve parce qu’elle donne plus de visibilité médiatique, mais dont on n’a pas vraiment les moyens) et l’alliance avec les partis de droite (de droite dans l’un et l’autre cas, comme par hasard). Et même sur le fond, ces références à la nature (une certaine idée de la nature sauvage pour CPNT, une certaine idée de la nature de l’homme et du mariage pour LMPT), à la Tradition avec un grand T, sont autant de convergences intéressantes entre les deux mouvances.

On peut probablement en déduire que les mouvements contre le mariage homosexuel sont promis aux mêmes limbes politiques et médiatiques que CPNT. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle ; pas très surprenante, mais par les temps qui courent, les bonnes nouvelles sont rares : il faut prendre ce qui vient.

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