Le début de l’été est toujours un moment délicat pour les
médias, car à moins d’une canicule qui désespère les agriculteurs et
enthousiasme les héritiers, il n’y a en général pas grand-chose à se mettre sous
la plume ou le micro pour faire passer le temps. Aussi une bonne polémique est-elle
toujours la bienvenue. En l’occurrence, François Hollande nous offre exactement
ce qu’il nous faut avec la question qui nous taraude tous : la France
est-elle oui ou non responsable de la rafle du Vel’ d’Hiv ?
Petit rappel historique pour ceux qui auraient séché les
cours en 3e et n’auraient donc jamais atteint la 1e :
la rafle du Vel’ d’Hiv est la plus importante arrestation de Juifs menée en
France pendant la Seconde Guerre mondiale, plus précisément les 16 et 17
juillet 1942. 9000 gendarmes et policiers français ont été mobilisés à
l’occasion de cette rafle organisée par le régime de Vichy. Sur les 13 152
juifs capturés, moins d’une centaine reviendront de déportation en vie.
Sur quoi porte donc la polémique ? Sur l’habituelle
question mémorielle dite de la repentance. Le nouveau président de la
République a qualifié la rafle de « crime commis en France par la
France ». Rien de bien nouveau d’ailleurs : Jacques Chirac avait déjà
dit exactement la même chose en son temps.
Avant de s’attaquer à la question de fond, on pourrait déjà
se demander pourquoi, à chaque fois que ce genre de propos est tenu par une
autorité quelconque, il se trouve des grincheux pour tomber à bras raccourcis
sur ces formes de « repentance ». C’est ainsi que certains
catholiques ne tolèrent pas que l’Église reconnaisse son erreur et présente des
excuses sur des dossiers comme l’Inquisition ou le procès Galilée. Ou que
beaucoup de Turcs refusent de reconnaître le génocide arménien.
Cela traduit une sacralisation, presque une déification des
institutions auxquelles on est attaché. On est bien obligé de reconnaître que
des chrétiens, des Français, des Turcs ont commis des erreurs, voire des fautes
graves ou même des crimes abominables ; mais il faudrait à chaque fois que
l’Église, la France ou la Turquie fussent préservées de toute erreur, de toute
faute et de tout crime, bref de toute souillure.
Appelons les choses par leur nom : adorer de manière presque
religieuse une institution humaine est une forme assez malsaine d’idolâtrie.
Qu’on aime une institution, d’accord. Qu’on la divinise, non. Qu’est-ce qu’une
institution en-dehors des êtres humains qui l’incarnent et l’animent ? Si
les autorités légitimes de l’Église commettent des crimes en son nom, qu’est-ce
qui permettrait à l’Église comme institution d’être pure de ces crimes ?
Dans la polémique présente, on assiste à un grand concert
d’indignation. Ainsi, Henri Guaino est « scandalisé » :
« ma France, elle n’était pas à Vichy, elle était à Londres […]. Il n’a
pas parlé au nom de la France que j’aime. »
Je veux bien ; mais enfin, la France que monsieur
Guaino aime, « sa » France, est-ce la France ? Rien ne me semble moins sûr. Qu’est-ce que
« la France », en fait, sinon la rencontre d’un peuple (avec sa
culture, son histoire etc.) et d’un territoire ? La rafle du Vel’ d’Hiv a
bien été commise sur le territoire français. Qui l’a commise ? L’État
français. D’où venait cet État ? Qui a donné les pleins pouvoirs en 1940
au maréchal Pétain, sinon, lors d’un vote à une écrasante majorité, l’Assemblée
nationale française légitimement élue ?
Les gens sont décidément bien souvent démocrates à moitié.
Tous les Français n’étaient sans doute pas collaborationnistes ; mais la
très grande majorité d’entre eux n’étaient pas non plus résistants, et ils
n’étaient certainement pas à Londres. Ils attendaient que les choses se
passent, voilà tout. Et si vraiment toute souveraineté vient du peuple, on voit
mal comment qualifier, comme le fait Chevènement, l’arrivée au pouvoir de
Pétain de « coup d’État ». S’il existe des principes supérieurs
auxquels les représentants du peuple doivent obligatoirement être fidèles sous
peine de perdre leur légitimité, alors c’est qu’il y a quelque chose de plus
grand et de plus important que la souveraineté populaire.
Je te conseille la lecture de la BD dont j'ai parlé le mois dernier "il était une fois en France". Passionnant. C'est pas sur le Vel d'hiv, c'est sur la 2e guerre mondiale et une personnalité dont on ne sait si elle était collabo ou résistante...
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