mercredi 15 mai 2019

Le pape François refuse le diaconat féminin : pourquoi c’est une bonne nouvelle

Comme tous ceux chez qui l’espoir n’étouffe pas complètement la lucidité pouvaient s’y attendre, le pape François a fermé la porte à l’ordination des femmes à la fonction de diacre. Après sa confirmation du refus par l’Église de l’ordination de femmes prêtresses, c’est une nouvelle gifle pour tous ceux qui voudraient que l’Église progresse vers une meilleure compréhension des rapports entre les hommes et les femmes et, osons le dire, de la volonté de Dieu en la matière.

Soyons honnête : si François avait tranché la question dans l’autre sens, j’aurais su m’en réjouir. Il n’est pas impossible, néanmoins, que sur le long terme et à grande échelle, sa décision soit celle qui apportera le plus de bien à l’Église. Car depuis son élection, les catholiques réformateurs se sont peu à peu enferrés dans un piège.

Certes, son arrivée sur le trône de Pierre a été pour nous une « divine surprise » ; je ne vais pas dire le contraire, moi qu’elle a fait rester dans le catholicisme au moment où j’étais sur le point de le quitter. Mais dans le même temps, elle a fait retomber beaucoup de modernisateurs dans la papolâtrie qui est un des péchés capitaux du catholicisme romain : ils se disaient qu’il n’y avait plus qu’à attendre de François les réformes espérées depuis si longtemps.

Or, le moins qu’on puisse dire est qu’elles ont été timides. Je ne dis pas qu’il n’a rien fait, et en la matière la timidité est peut-être la bonne méthode ; mais enfin, la question des divorcés remariés, même s’il l’a tranchée dans le bon sens, aurait mérité plus qu’une note de bas de page. Les homosexuels pouvaient espérer être mieux revalorisés que par une petite phrase prononcée en conférence de presse dans un avion, d’ailleurs contredite par d’autres petites phrases prononcées dans les mêmes circonstances. Les femmes, enfin, sont pour le moment les grandes oubliées de ce pontificat, devant se contenter des habituelles tirades laudatrices sur leur rôle « essentiel » mais forcément « spécifique ». En Afrique du Sud aussi, un certain gouvernement avait cru savoir inventer le different but equal.

La question qui était posée au pape cette fois-ci était bien modeste : car enfin, il ne s’agissait pas de faire des prêtresses, seulement des diaconesses. Étant donné que même parmi les catholiques, y compris les pratiquants, beaucoup n’ont qu’une vague idée de ce qu’est un diacre, sans même parler du reste de la société, on ne peut pas dire qu’un changement de discipline en la matière aurait été de la dernière audace. Et pourtant, même à cette petite avancée, le pape a dit non.

Si c’est une bonne nouvelle, c’est parce qu’on peut espérer que cela force à ouvrir un peu les yeux tous ceux qui s’imaginent encore benoîtement que c’est du sommet de la hiérarchie que viendront les changements que nous espérons. Ceux qui, comme moi, veulent des femmes diaconesses, des femmes prêtresses, des prêtres mariés, des mariages d’homosexuels à l’église, et même un joyeux combo de tout cela (c’est-à-dire l’ordination épiscopale d’une femme qui en aurait épousé une autre à l’église), tous ceux-là doivent cesser d’attendre ces changements, ils doivent les faire.

Concrètement, cela signifie qu’il nous faut trouver des évêques qui accepteraient, même dans le secret, sans révéler leurs noms, s’ils ne veulent pas subir les sanctions, d’ordonner des femmes ou des hommes mariés ; il faut trouver des prêtres qui marient, même dans le secret, les couples homosexuels ; et si les clercs manquent du courage nécessaire pour agir, alors des communautés de fidèles doivent ordonner prêtres et évêques des gens qui l’auront. Les premiers chrétiens ne faisaient pas autrement ; et dans l’Église primitive, c’étaient les communautés, et non le pape, qui faisaient les évêques.

Ça vous semble radical ? Mais depuis combien de décennies attendez-vous un changement qui ne vient jamais ? Depuis 1968 et jusqu’à l’élection du pape François, l’Église n’a au contraire cessé de s’infléchir vers une position rigoriste et un éloignement toujours plus abyssal d’avec le monde à qui elle est censée parler. Pourquoi ? Parce que les traditionalistes, eux, ont eu le courage d’assumer le schisme, et de cette manière, de forcer la main au Saint-Siège. Il faut le dire : Marcel Lefebvre a bien plus fait pour la promotion de ses idées que Hans Küng pour les siennes.

Dans l’histoire de l’Église, les discours ont toujours renforcé l’existant, car ceux qui ne cadrent pas avec les dogmes ont commencé par être exterminés, et à présent que Rome n’a plus les moyens de la violence, elle se contente de les traiter par l’indifférence et le mépris, exactement comme s’ils étaient invisibles. Ce sont les actions qui ont été porteurs de changements. L’Église méprise ceux qui parlent de leurs idées, mais elle redoute ceux qui agissent pour elles.

Agissons. A-gis-sons.

3 commentaires:

  1. Un grand merci Madame pour ce texte plein de bon sens et de générosité ..mais qui risque de vous attirer les foudres des "tradis"!

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  2. Pour moi, c'est une bonne nouvelle pour une autre raison: un diacre est un sous-prêtre et entre nous, je ne sais pas bien à quoi il sert; c'est juste parce qu'on n'ordonne pas prêtres des hommes mariés qu'on ordonne des diacres; donc les femmes ne perdent pas grand-chose. On peut dire que ça aurait endormi les progressistes, donc c'est mieux ainsi (je sais, c'est un peu gauchiste comme point de vue : plutôt le capitalisme que la social-démocratie :)).
    Par contre, je suis moins gauchiste sur la façon de s’en sortir. Certes, on peut toujours essayer de faire ce que l’on souhaite sans attendre que le magistère bouge. Ça s’appelle la Réforme, ça a déjà été essayé, d’abord par Luther, puis par plein d’autres qui ont fait autant de réformes de la Réforme. Et ça n’a pas fait bouger le cœur du système, au contraire. Pour filer la métaphore politique, vous connaissez sans doute la formule « deux trotskistes, ça fait un parti ; trois trotskistes, ça fait une scission. » Si j’avais la solution en main, je vous la donnerais, mais ce n’est pas le cas. En attendant, je peux juste continuer à protester de l’intérieur.
    Pierre-Marie Tricaud, Paris 15 (http://www.lavie.fr/blog/tricaud/)

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  3. C'est du n'importe quoi cet article. Vous voulez vous affranchir de l'Eglise du moins sa hiérarchie pour faire passer vos besognes mais en même temps vous cherchez des évêques mutins comme vous pour réaliser votre œuvre. Moi je vous invite à plus de courager ,aller encore plus loin dans votre logique. Ordonnez vous même ce joyeux combo , célèbrez vous même vos eucharisties qu'est-ce qui vous l'empêchez ? Le magistère ? Vous n'y croyez pas ? Alors je vous invite à aller au fond de vos idées. Un peu plus d'audace.

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