A une semaine du premier tour de l’élection présidentielle,
il est temps de se demander pour qui on va voter. Il faut se poser deux
questions : qui voudrions-nous voir arriver au pouvoir ? Qui a des
chances d’arriver au pouvoir ? La réponse à ces deux questions,
malheureusement, n’est pas du tout la même.
Qui voudrions-nous voir arriver au pouvoir ? Il est
évident qu’il n’y a pas de candidat ardorien. Il n’y a même pas de candidat qui
porte une vision véritablement lucide de la crise que nous traversons, en
particulier de son aspect écologique : aucun n’assume l’idée de
décroissance, sans même parler de réduction technologique. Puisque les
meilleurs ou les moins mauvais des candidats ânonnent l’idylle de la croissance
verte et du développement durable, il nous faut choisir le moindre de plusieurs
maux.
Pour autant, il serait dangereux de se détourner de cette
élection sur ce prétexte ou sur celui qu’elle serait jouée d’avance : car
entre deux maux, l’un peut très bien être bien pire que l’autre. Autrement dit,
nous avons un vrai choix devant nous : entre la dengue et le choléra, je
choisis la dengue, même si elle n’est pas précisément une partie de plaisir.
Alors ? Qui parle (même pas très adroitement) des
problèmes auxquels nous devons faire face ?
Laissons un moment l’économie de côté pour nous concentrer
sur l’écologie. On peut déjà dire qui n’en parle pas. Le sortant, pour qui, on
l’a bien compris, « l’écologie, ça commence à bien faire ». Et son
principal adversaire, qui est un des responsables socialistes les moins
intéressés par cette question (il a bien précisé à quel point il ne se sentait
pas lié par l’accord conclu par son parti avec EELV).
Du côté des candidats suivants, ce n’est guère mieux. Marine
Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan n’ont pas un mot là-dessus. François Bayrou non
plus, obsédé par la seule question de la dette publique. Philippe Poutou et
Nathalie Arthaud (et alors que cette dernière semble plutôt plus intelligente
que la moyenne) non plus, obsédés par la seule question sociale. Enfin, Jacques
Cheminade, qui semble pourtant, lui aussi, être un homme intelligent et
cultivé, s’imagine qu’on réglera les problèmes posés par la technique moderne
par encore plus de technique.
Restent donc Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon. Évidemment,
aucun d’entre eux n’a la moindre chance d’accéder au second tour, sans même
parler du pouvoir suprême.
Dans ces conditions, que faire ? Cette fois-ci,
l’argument du vote utile ne tient en faveur de personne. Il est certain que François
Hollande arrivera au second tour, donc inutile de voter pour lui au
premier ; et il est tout à fait capable de battre Sarkozy au second, donc
inutile de le remplacer par Bayrou en votant pour ce dernier au premier tour
(ce qui était la seule stratégie possible en 2007).
Entre Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon, pour ma part, mon
choix est fait : je voterai Jean-Luc Mélenchon. Non pas que ce candidat
m’enthousiasme outre mesure. Non seulement il reste, comme je l’ai dit,
finalement assez tiède en matière d’écologie, mais son programme économique me
laisse particulièrement perplexe. Je suis plutôt d’accord avec lui sur le fond
des mesures qu’il propose, mais je ne pense pas qu’elles soient applicables
sans des évolutions très radicales (sortie de l’euro et probablement de l’Union
européenne, mesures coercitives contre les plus riches etc.) que, pour le
moment, il n’assume pas. Mais il a fait une bonne campagne, quand Eva Joly en a
fait une très mauvaise. C’est un meneur d’hommes, ce qu’Eva Joly n’est pas.
Ne nous méprenons pas : j’ai infiniment de respect et
beaucoup d’affection pour elle ; mais l’élection présidentielle, ce n’est
pas qu’une affaire d’intégrité, de droiture ou de bonnes idées. C’est aussi une
affaire de personne et de caractère. Eva Joly aurait été parfaite dans l’équipe
de Jean-Luc Mélenchon, justement. Ce n’aurait pas été très difficile : les
propositions des deux partis ne diffèrent pas tant que ça sur l’essentiel,
quand on prend la peine de lire leurs programmes. Et la candidature d’EELV
serait revenue à Nicolas Hulot, qui aurait été bien plus rassembleur, et à qui
le parti était allé faire la danse des sept voiles avant de lui imposer une
primaire, finalement.
Il y a une dernière bonne raison de voter Mélenchon plutôt
que Joly, et c’est qu’il n’est sans doute pas mauvais qu’EELV prenne une bonne
claque à cette élection. Ils veulent jouer au grand parti de gouvernement, mais
ils n’ont aucune maturité politique. Ils ont sabordé la campagne de leur
candidate. Ils s’imaginent que renier leurs idéaux pour faire de la realpolitik
va leur apporter des voix. Autant leur montrer le contraire.
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