La justice allemande vient de rendre une décision qui
pourrait être historique : elle a décidé que la circoncision pratiquée sur
des enfants pour des motifs religieux était une mutilation et devait donc être
considérée comme un délit.
Je ne saurais dire à quel point cette décision me
réjouit. Évidemment, il ne faut pas s’attendre à quoi que ce soit de
concret. Tout ce que le pays compte de responsables religieux, juifs évidemment
mais aussi musulmans et même chrétiens, s’est offusqué. C’était prévisible :
les uns ne veulent pas qu’on pénalise leurs pratiques, les autres se disent
qu’ils bénéficieront d’un retour d’ascenseur quand il s’agira de défendre les
leurs. Le gouvernement ne va pas tarder à s’émouvoir à son tour, et le
Bundestag finira par pondre une loi pour permettre à tout le monde de mutiler
ses fils tant que c’est au nom de Dieu. Mais il est tout de même bon de
constater qu’on n’est pas tout seul à s’attaquer à cette aberration.
Pour ma part, j’en parle avec d’autant plus de liberté que,
croyant et pratiquant, on ne peut guère me soupçonner de bouffer du curé ou de
faire de l’anti-religion primaire. Mais enfin examinons les faits. Circoncire
quelqu’un, c’est, qu’on le veuille ou non, faire subir à son corps une
modification irréversible. Comme il s’agit d’enlever quelque chose que la
personne ne pourra jamais récupérer, il me semble que le terme de
« mutilation » n’est pas trop fort.
On me dit que la circoncision n’est pas comparable à
l’excision, infiniment plus cruelle. Je veux bien ; mais doit-on autoriser
un mal sous prétexte qu’il y a pire ?
Entendons-nous bien : ça n’a rien à voir avec une
question d’éducation ou de rite. Tous les parents, qu’ils soient athées,
agnostiques, croyants ou je-m’en-foutistes, imposent une éducation, une
idéologie, une culture à leurs enfants. Beaucoup leur imposent des rites
religieux, civiques ou familiaux, du baptême aux réveillons en passant par le
défilé du 14 juillet. Mais de toutes ces choses, un enfant peut, ensuite, se
libérer sans qu’elles laissent sur son corps de trace irréversible. Lorsqu’un
jeune adulte décide de quitter le christianisme de sa famille, son baptême ne
lui ôte rien : s’il n’est plus chrétien, on lui a seulement versé de l’eau
sur la tête. Lorsqu’un jeune adulte décide de quitter le judaïsme ou l’islam de
sa famille, rien ne lui rendra son prépuce.
La
question à se poser, c’est de savoir si on a le droit de faire subir à
quelqu’un une mutilation qu’il n’a pas demandée. Et pour moi, la réponse est évidemment « non » :
la religion n’excuse pas tout. On ne
peut pas tout justifier au nom de la
liberté de culte, ni au nom d’une tradition, fût-elle millénaire :
le grand âge d’une pratique ne la rend pas automatiquement morale ou acceptable. Qu’un adulte se fasse circoncire
pour raisons religieuses, ou même crever les yeux si ça lui chante, c’est son
droit. Qu’on circoncise un enfant pour de véritables raisons médicales, c’est
normal. Mais il devrait être évident que la religion ne peut pas être le
prétexte à une mutilation irréversible et non voulue par une personne qui n’est
pas en pleine possession de ses facultés, c’est-à-dire adulte.
et la question de l'hygiène, alors ?
RépondreSupprimerTant qu'elle ne sera pas démontrée, la question de l'hygiène ne rentrera pas dans le débat.
RépondreSupprimerEt quand bien même, l'hygiène ne peserait j'espere pas bien lourd face à une altération définitive du corps. (meme si je pense soudainement aux USA, où c est devenu une coutume)
RépondreSupprimerUn argument drôle à ce sujet étant qu'il vaut mieux le faire le plus tôt possible, pour que ce soit moins traumatisant (ce qui aussi, reste très largement à prouver) et qui montre bien que si on laissait décider des personnes adultes capables de faire ce choix, il en serait souvent autrement.