jeudi 11 octobre 2018

Faire respecter la loi à Mayotte ? Chiche !


Très (très) souvent, les mahorais se plaignent d’être traités comme des sous-Français. L’État considérerait leur île comme un territoire sans importance ni intérêt et ne se préoccuperait de ses habitants qu’en période électorale. Paris et la métropole seraient coupables de racisme et de néo-colonialisme.

Que Mayotte souffre de problèmes spécifiques, personne n’en disconvient. Département le plus pauvre de France, il subit une criminalité importante ; les médecins n’y sont pas assez nombreux, tout comme les professeurs bien formés. Les niveaux de chômage, de mal-logement, d’analphabétisme y battent des records. Reste à comprendre l’origine de cette situation.

J’ai souvent essayé – sans grand succès, il faut le dire – d’expliquer aux mahorais que le problème n’était pas un prétendu racisme d’État, mais le capitalisme néolibéral. Que s’ils regardent ce qui se passe en métropole, ils s’apercevront que c’est partout que les maternités ferment et que les services de l’État s’éloignent du public. Que ce n’est pas Mayotte que l’État n’aime pas, mais les pauvres et les fonctionnaires, où qu’ils se trouvent.

Mais visiblement, je pisse dans un violoncelle. Les mahorais apportent leurs voix à la droite, voire à l’extrême-droite, avec la fidélité d’un labrador, et après ils s’étonnent que les services publics disparaissent. Hé ! réveillez-vous ! Le programme de la droite, c’est la disparition des services publics pour faire baisser les dépenses de l’État, ça se résume même à peu près à ça. Si vous votez pour des gens qui vous expliquent que l’État emploie trop de personnel, pourquoi vous plaignez-vous de ne pas avoir assez d’infirmières ?

Il se trouve qu’actuellement, nous avons une autre belle illustration de cette incohérence locale. Les mahorais se plaignent bien souvent que la police ne fait pas son travail – sous-entendu, qu’ils devraient renvoyer à la mer encore plus de clandestins. Qu’importe si Mayotte fait déjà, à elle toute seule, autant de reconduites à la frontière que tout le territoire métropolitain : il faut aller toujours plus loin. Et puisqu’ils estiment que l’État distribue trop généreusement les titres de séjours, certains ont trouvé la solution : bloquer les services de la préfecture.

Et avec des slogans évocateurs...

C’est comme ça que, depuis plusieurs mois, le service des titres de séjour est purement et simplement bloqué. Des femmes en colère campent devant la préfecture, qui ne peut ouvrir de manière normale que sur de brefs intervalles. Le reste du temps, ses employés n’accueillent plus les étrangers qu’au cas par cas, en leur téléphonant avant et en les faisant passer par une porte dérobée.

Les associations humanitaires et caritatives sont explicitement assimilées
par les manifestants à des trafiquants d'êtres humains...

Et pourtant, travaillant comme bénévole dans une association qui aide les immigrés à obtenir des papiers, je peux témoigner que la préfecture n’est pas généreuse – loin de là. Depuis six ans que je fais ce travail, les conditions n’ont fait que se durcir et se dégrader. On demande toujours plus aux sans-papiers, on leur accorde toujours moins. Même ceux qui ont légalement droit à un titre de séjour, ceux à qui on ne peut pas le refuser légalement, ont de plus en plus de mal à l’obtenir. Comment dire que la préfecture accorde trop généreusement les titres de séjour quand j’ai vu un courrier affirmant que deux personnes mariées civilement en France n’apportaient pas la preuve de leur communauté de vie ? Que leur faut-il de plus ? Leurs sextapes ?

N’y a-t-il donc pas là une belle occasion de montrer aux habitants de l’île qu’ils sont traités comme les autres ? Car enfin, dans quel autre département laisserait-on des citoyens lambda décider qui entre et qui n’entre pas dans une préfecture, et ce pendant des mois, sans qu’il y ait de sanction ?

Les mahorais ne régleront aucun de leurs graves problèmes tant qu’ils se tromperont sur le diagnostic ; c’est-à-dire tant qu’ils ne comprendront pas que les coupables ne sont pas les gens qui sont encore plus pauvres qu’eux et qui tentent désespérément, au péril de leur vie, de ramasser quelques miettes de leur chance et de leur richesse. Que les vrais coupables sont au contraire les puissants, les riches, les oligarques, bref ceux qui organisent et aggravent les inégalités en France et dans le monde dans le seul but de s’en mettre plein les fouilles.

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