lundi 5 octobre 2015

Affaire Morano : ne nous trompons pas de scandale


Mais qu’est-ce qui me prend, à moi, d’écrire là-dessus ? Pourquoi je ne peux pas juste fermer ma grande gueule ? Je suis sûr de prendre des coups, beaucoup de coups, tout ça pour sans doute ne pas être compris à la fin. À moi, Christian Grey ! Masochisme, quand tu nous tiens.

Je ne sais pas si ma nature profonde est d’être masochiste (mes élèves pencheraient plus probablement pour un sadisme prononcé), mais je sais qu’elle est de ne pas supporter d’entendre trop de conneries, ou même trop d’idées pas forcément sottes mais assenées sans la moindre nuance. Et c’est ce qui se passe en ce moment même avec l’affaire Morano.

Qu’est-ce qu’elle a dit, Morano ? Que la France était, je cite, « un pays de race blanche ». Je préfère le préciser tout de suite pour ceux qui se sentent l’envie d’arrêter dès à présent de me lire pour crier au racisme : ce que Nadine Morano a dit est non seulement très stupide, mais également parfaitement abject. Voilà, c’est dit : je suis fondamentalement en désaccord avec Mme Morano ; oui, elle a dit une grosse connerie. Ce qui ne devrait pas nous surprendre, puisque quand elle ouvre la bouche, c’est neuf fois sur dix pour en dire une (et la dixième, c’est généralement pour acheter son pain), mais passons.

Le problème, c’est qu’il faut s’entendre sur pourquoi cette phrase est conne et abjecte. Or, c’est précisément là que les choses se gâtent. Si cette phrase est très conne et très abjecte, c’est pour une et une seule raison : parce que la France n’est plus depuis longtemps un pays de race blanche, et que prétendre le contraire, c’est exclure de la citoyenneté, ou reléguer en seconde zone, tous les Français qui, ultra-marins ou descendants de l’immigration, ne sont justement pas blancs. Un mahorais ou un guadeloupéen tout noirs ne sont pas moins français qu’un bigourdan ou qu’un costarmoricain tout blancs ; le racisme de Mme Morano consiste à laisser entendre le contraire : si la France est un pays de race blanche, ceux qui ne sont pas blancs sont logiquement moins français que les autres. L’abjection est là.

Le problème, c’est qu’on entend tout autre chose dans les médias, et pour beaucoup de journaleux, le crime réside principalement dans l’utilisation du terme de « race » en parlant des humains. Or, est-ce bien un crime ? Dire qu’il y a des races dans l’humanité, est-ce déjà du racisme ? Je veux bien qu’on me le dise, mais alors il faut me dire pourquoi. Parce que quand même, c’est loin d’être évident. Repartons de la base : la définition du mot « race ». Pour l’Académie française, le terme a deux sens :

« En parlant des animaux […]. Désigne, au sein d’une espèce, certaines catégories d’animaux distinguées par des caractéristiques communes, notamment morphologiques, qui sont constantes au cours des générations […]. »

Vu que nous sommes, après tout, des animaux, ça pourrait nous suffire ; mais puisqu’il y a un sens spécifique aux humains, allons-y :

« En parlant des êtres humains. […] Chacun des grands groupes entre lesquels on répartit superficiellement l’espèce humaine d’après les caractères physiques distinctifs qui se sont maintenus ou sont apparus chez les uns et les autres, du fait de leur isolement géographique pendant des périodes prolongées. »

On retrouve entre les deux sens le même fond : une race, c’est une sous-catégorie d’une espèce animale (humaine ou autre), caractérisée par un ensemble de traits physiques ou morphologiques communs et à peu près constants d’une génération à l’autre. Entendues ainsi, la simple existence des races humaines ne fait guère de doute : il y a bien des différences physiques réelles, concrètes, mesurables, entre, mettons, un noir et un blanc, et ces différences se transmettent globalement d’une génération à l’autre.

Que ces différences soient sans aucune importance et surtout ne doivent entraîner aucune hiérarchisation des hommes, c’est une évidence totale ; c’est d’ailleurs ce que souligne l’Académie en précisant que cette classification des humains est « superficielle ». Mais la meilleure solution pour éviter la hiérarchisation qui définit le racisme est-elle de nier la réalité des races humaines ? Je suis loin d’en être sûr.

Ces derniers temps, j’entends beaucoup de gens dire que classer les humains en races, c’est scientifiquement aberrant. Je veux bien ; sincèrement, je ne suis ni biologiste, ni médecin, donc je reconnais mon incompétence en la matière. Mais alors, je veux qu’on m’explique pourquoi c’est scientifiquement aberrant. Je demande à comprendre pourquoi il est possible de classer les chiens en races alors que, en utilisant les mêmes critères (la transmission d’une génération à l’autre d’un ensemble de caractères morphologiques), ce serait impossible pour les humains.

Qu’il n’y ait pas un nombre limité de couleurs de peau, mais plutôt un nuancier presque infini, ne me semble pas un argument : deux huskies peuvent être assez différents l’un de l’autre ; il n’empêche qu’un husky ressemblera toujours plus à un autre husky qu’à un labrador. De même, les métissages ne sont pas un bon argument : ils existent aussi chez les chiens – ils donnent d’ailleurs souvent des chiens très solides et des humains très beaux.

Pas la peine donc de crier au racisme : si vous avez la réponse à ma question, n’hésitez pas à me la donner ; et si vous ne l’avez pas, n’hésitez pas à vous poser la question.

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