C’est drôle de voir comme Dieu vous attend souvent avec une
bonne surprise au détour d’un sentier. J’ai eu droit, un peu par hasard
pourrait-on croire, à une des plus belles messes auxquelles j’ai assisté ces
derniers mois – c’était à Contrazy, en Ariège. Comme un cadeau de Noël, de la
part de Dieu et d’un prêtre qui restera sans doute pour moi anonyme.
Une messe dépend beaucoup du prêtre qui la célèbre, de son caractère,
de sa personnalité, de ses idées ; et comme le déroulement de la messe
influe profondément sur ceux qui y assistent, les prêtres ont évidemment en la
matière une grande responsabilité.
Or, une qualité est souvent accompagnée de ses dérives. Les prêtres
dotés d’un grand amour, d’une grande bonté intérieure, ont souvent tendance à
un certain laisser-aller sur le rite, sur son déroulement ou sur la manière
dont il est accompli. Cela part d’une bonne intention : volonté de ne pas
choquer, de ne pas blesser ; choix de faire primer les personnes sur les
dogmes ou les rites. Mais cela peut donner lieu à des messes moins priantes,
plus désordonnées. Inversement, ceux qui insistent sur la dignité, sur la
solennité du rituel ont souvent tendance à un certain assèchement du cœur, à un
manque de tolérance, de souplesse, d’attention aux personnes. Leurs messes,
certes plus solennelles, plus priantes, ont tendance à devenir rigides,
guindées, froides.
La messe qui m’a été offerte aujourd’hui, fait rare,
cumulait les deux qualités et évitait les deux dérives. Le prêtre qui l’a
célébrée respirait littéralement l’amour. Il a fait rester un jeune couple
arrivé en retard avec un nouveau-né qui a pleuré une bonne partie de la messe, qui
voulait sortir pour ne pas gêner les fidèles ; et on sentait que ça lui
faisait plaisir. Il a eu raison, bien sûr : « laissez venir à moi les
petits enfants ! » Il est normal qu’un bébé pleure, et il est heureux
qu’on ait encore quelques bébés dans les messes. Mais on sentait qu’il ne le
faisait absolument pas par obligation, mais que ça le rendait heureux. De même,
il a remonté toute la nef pour donner la paix du Christ à presque tout le
monde, et il l’a fait avec un amour et une bonté, avec une attention à chacun
qu’on pouvait ressentir presque physiquement.
Mais à côté de ça, sa messe était profondément priante,
belle, solennelle. Il ne récitait pas les prières à toute allure, laissait des temps
de silence lorsque c’était nécessaire, traitait l’Eucharistie avec un respect
infini.
Ça peut sembler peu de choses, mais ce fragile équilibre,
qui ne peut exister sur la durée que grâce à un travail et un effort constants
de celui qui le met en place, est en réalité la condition du lien qui s’établit
entre l’homme et le sacré. Si l’on n’est pas assez solennel, on perd Dieu de
vue pour faire une messe qui ne parle plus que de l’homme ; si on l’est
trop et qu’on tombe dans la froideur, c’est le contraire, on ne parle plus que
de Dieu, et d’un Dieu vu comme lointain, inaccessible, plus grand qu’aimant. Dans
tous les cas, il nous manque une des deux extrémités de ce pont, et le passage
devient impossible. Or, ce lien, ce contact, cette communion entre l’homme et
Dieu, est précisément le but du rituel et la condition d’une vie spirituelle
riche.
On peut toujours discuter des détails – l’encens, les chants…
–, mais cet équilibre entre la solennité et l’amour, entre le caractère priant de
la messe et son caractère joyeux, cet équilibre qui est, pour moi, au cœur de
ce qu’est une bonne messe, n’est que rarement présent.
Aujourd’hui, il était là, et pour moi c’est un très beau
cadeau.
Joyeux Noël, mon père ! Et joyeux Noël à tous !
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