Ami traqueur de pédophile, bonjour.
Avant toute autre chose, laisse-moi te remercier et te
féliciter d’accomplir la mission qui est la tienne. La pédophilie est bien
évidemment une tragédie à l’origine de souffrances immenses et innombrables.
Les pédophiles, bien sûr, ne sont pas responsables de l’attirance qu’ils éprouvent
pour les enfants ; mais on ne peut pas tolérer qu’ils satisfassent leurs
pulsions pour autant, étant donné la souffrance que cela infligerait aux
enfants concernés. La plupart des pédophiles en sont d’ailleurs eux-mêmes conscients :
beaucoup ne passent jamais à l’acte, et ceux qui sautent le pas le font souvent
dans une terrible culpabilité.
Merci, donc, de lutter contre ce fléau. Non, il ne faut pas
se taire, sous aucun prétexte. Oui, ceux qui commettent des actes pédophiles
doivent être traduits en justice et condamnés. Crois-moi, je ne cherche d’excuse
à personne : moi aussi, j’ai deux enfants.
Prends garde cependant qu’entraîné par la bonne cause que tu
défends, tu ne te laisses aller à de fâcheux errements.
D’abord, respecte la présomption d’innocence. Ce n’est pas
pour rien que ce principe est inscrit dans à peu près toutes les déclarations
des droits de l’homme depuis 1789. Surtout à l’heure de l’extrême puissance des
médias, de l’immédiateté et de la diffusion planétaire de l’information, il est
l’unique barrière face à des lynchages en règle. Souviens-toi que tu peux te
tromper, et qu’un lynchage médiatique peut anéantir un homme innocent – l’anéantir
parfois physiquement, littéralement, le tuer. Souviens-toi surtout que, même coupable
du pire des crimes, aucun homme ne mérite d’être lynché. Tu dois rechercher la
justice, pas la vengeance. Oui oui, même pour un pédophile.
Beaucoup gagneraient à méditer sur le fait que le plus petit
des principes devrait toujours passer avant le plus grand des événements. Un
événement, même très grave, même tragique, est toujours ponctuel. Un principe est
intemporel. Ce sont les principes, et eux seuls, qui nous protègent du
déferlement de passions, parfois violentes, nées des événements.
Si tu es Premier ministre, ami traqueur de pédophile, je
comprends ton empressement à surfer sur les peurs et les colères populaires dans
l’espoir d’être, à ton tour, le prochain Président de la République. Devenir
calife à la place du calife, c’est le jeu, je ne te lance pas la pierre, et dans
ces conditions je me doute bien que ma défense des droits fondamentaux de la personne
humaine, ça t’en touche une sans faire remuer l’autre. Mais bon, manifestement,
tu fais mal ton travail, faute d’avoir compris que la politique, c’est servir
le Bien et les autres, pas satisfaire son ambition. Démissionne et lis Platon.
Ensuite, ami traqueur de pédophile (et même si tu n’es pas
Premier ministre), n’hésite pas à te servir de ce merveilleux outil qu’est le
dictionnaire, ni à feuilleter les textes de loi.
Ainsi, essaye de ne pas oublier que dans ce beau pays qu’est
la France, un adulte peut avoir des relations sexuelles avec un mineur (quelqu’un
qui a moins de 18 ans, donc) si celui-ci consent à ladite relation et
est âgé de plus de 15 ans. Eh oui, 15 ans. On peut regretter cet état de choses
et préférer vivre en Californie, en Floride ou en Turquie, où un adulte ne peut
avoir aucune relation sexuelle avec quelqu’un de moins de 18 ans, voire en
Indonésie, ou il faut pour coucher avec un garçon attendre qu’il ait 19 ans. Ce
n’est pas mon cas, je trouve l’âge défini par la loi française équilibré et
respectueux tant de la sécurité des enfants que de la liberté des adolescents ;
mais encore une fois, chacun est libre de penser ce qu’il veut.
En revanche, la loi étant pour le moment ce qu’elle est, tu
dois appeler les choses par leur nom, et éviter de voir de la pédophilie là où
il n’y en a pas. Quand un adulte couche avec un garçon de 16, 17 ou 19 ans, ce
n’est pas de la pédophilie, c’est une relation sexuelle tout ce qu’il y a de
plus légale. Si l’adulte est lui-même un homme, ça ne s’appelle toujours pas de
la pédophilie, ça s’appelle de l’homosexualité, et Dieu merci, c’est légal – même
si, là encore, chacun est libre de préférer la façon iranienne ou soudanaise de
gérer l’homosexualité.
Je t’entends déjà me dire : eh oui, mais si la relation
n’est pas consentie ? Eh bien dans ce cas, ça s’appelle un viol ou une
agression sexuelle, tout bêtement. C’est très mal aussi, et c’est tout aussi
condamnable, mais ce n’est toujours pas de la pédophilie pour autant.
Reste la question du statut de l’adulte qui a des relations
sexuelles avec un mineur de 18 ans (je te rappelle qu’en droit, « mineur
de 18 ans » signifie « personne âgée de moins de 18 ans », de même que « mineur de 15 ans »
signifie « personne âgée de moins
de 15 ans »). Oui, tu as raison de soulever ce point : un adulte ne
peut pas coucher avec un mineur, même âgé de plus de 15 ans, s’il y a un lien
de subordination entre eux, c’est-à-dire s’il est un de ses parents,
beaux-parents, professeurs, moniteurs, médecins, ou s’il est policier. Ou prêtre.
Mais (attention accroche-toi il faut suivre), même dans ce
cas, on n’a toujours pas trace de pédophilie. Si un prêtre, un prof ou un
médecin a des relations sexuelles consenties avec une personne placée sous son
autorité et âgée de 15 à 18 ans, c’est une atteinte sexuelle (pas une
agression, ça c’est pour les relations non consenties : une atteinte),
mais ce n’est toujours pas de la pédophilie, puisque ça concerne une personne qui
a déjà atteint « l’âge du consentement », c’est-à-dire l’âge à partir
duquel on considère un consentement comme éclairé et donc réel, valide.
Voilà. Je crois que je viens de bien faire mon métier de
professeur éthique et responsable, justement, en te rappelant deux choses
essentielles, la première en droit, la seconde en langue. Ravi d’avoir pu t’aider.
Merci pour ces mises au point.
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RépondreSupprimerJe partage bien sûr
Bravo !!
"L'Eglise de France n'a pas vraiment évolué dans sa prévention des abus sexuels" (Karlijn Demasure, voir ci-dessous)
RépondreSupprimerhttp://www.cathobel.be/2016/03/18/prevention-abus-sexuels-ne-attendre-quun-scandale-eclate/