Père évêque,
La traduction française du missel romain publié en 2002
avance apparemment à grands pas ; mais avance-t-elle dans la bonne
direction ? Catholique pratiquant, je dois vous faire part de mon
inquiétude.
Pour mémoire, c’est dans une instruction de 2001 que la
Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements avait exigé
que le missel fût retraduit « intégralement et très précisément,
c’est-à-dire sans omission ni ajout ». Ladite Congrégation ne prenait
visiblement pas la chose à la légère, puisqu’elle avait rejeté en 2007 une
première proposition.
Ils avaient évidemment bien raison de ne pas prendre le
sujet à la légère. Cela étant, on peut s’interroger sur la pertinence de ce
rappel à l’ordre. Que traduit-il ? À l’évidence, une volonté
centralisatrice et unificatrice : tous les catholiques, sur toute la
planète, sont appelés à participer à la même messe très exactement ;
exception faite de la langue, aucune adaptation au contexte local, aucune
expression des particularismes continentaux, nationaux ou régionaux.
Est-ce une bonne chose ? Je ne le crois pas. « Il
y a de nombreuses demeures dans la maison de mon Père », nous disait Jésus ;
n’est-il pas bon que les Églises locales ou nationales puissent, tout en
suivant le cadre général de la messe universelle, y apporter des adaptations en
fonction de leur culture, de leurs coutumes, de leurs traditions ?
Et ce qui est valable pour les rites l’est également pour la
morale, pour la discipline ecclésiastique, et même pour certaines croyances. L’universalité
du catholicisme ne devrait pas être comprise comme une uniformité ; de même
que l’équité n’est pas forcément l’égalité, l’universalité de l’Église ne
pourra pas survivre à long terme si elle ne parvient pas à se décliner au
pluriel et à faire vivre une réelle diversité en son sein. Tol Ardor avait fait
une proposition dans ce sens.
L’Église a un besoin impérieux d’une réelle
décentralisation. Ce que dit le pape François, depuis plusieurs mois
maintenant, va dans ce sens. Dans ce contexte, les exigences de la Congrégation
pour le culte divin et la discipline des sacrements apparaissent comme
anachroniques et, pour tout dire, à contre-courant de l’Histoire.
C’est d’autant plus vrai qu’en plus de la volonté d’uniformisation,
les évolutions considérées sont en elles-mêmes inquiétantes. Passe encore pour
la nouvelle traduction du « Notre Père », qui, au moins, ne change
pas le sens du texte original. Mais remplacer « oui, j’ai vraiment péché »
par l’ancienne formule « c’est ma faute, c’est ma faute, c’est ma très
grande faute » était-il nécessaire ? Les sciences humaines aussi bien
que la philosophie nous ont appris que la question de la responsabilité de l’individu
face au mal qu’il commet ne saurait être réglée entièrement par cette formule
lapidaire. Le simple constat de la faute commise n’était-il pas plus intéressant ?
Ne laissait-il pas un champ plus large à l’interprétation et à la réflexion personnelle
de chacun ?
De même, pourquoi supprimer la magnifique formule « pour
la gloire de Dieu et le salut du monde » dans la prière sur les offrandes ?
« Pour la gloire de Dieu et le salut du monde » : n’est-ce pas
le plus parfait résumé du but de toute l’action chrétienne, et donc, a fortiori, de toute la liturgie ?
Et pour la remplacer par quoi ? « Pour notre bien et celui de toute
Sa Sainte Église » ! Doux Jésus, comment cette idée a-t-elle
seulement pu germer dans l’esprit d’un chrétien ? Quel message cette
phrase fait-elle passer ! « Prions pour nous et pour notre religion –
les autres, ils peuvent crever. » Quel concentré d’égoïsme, d’égocentrisme
et de fermeture d’esprit !
Je suis d’accord avec le cardinal Arinze, préfet de la
Congrégation pour le culte divin, pour dire qu’il faut éviter une « banalisation
du sacré ». Il a raison de dire qu’un prêtre ne doit pas accueillir l’assemblée
des fidèles en disant : « Bonjour à tous, j’espère que vous avez bien
dormi ». Mais il faut faire œuvre de discernement entre ce qui est de l’ordre
de la banalisation et ce qui est une adaptation locale préservant le sens du
sacré. « Pour la gloire de Dieu et le salut du monde » n’est effectivement
pas une traduction du texte latin, mais il n’y a aucune banalisation du sacré
là-dedans ; et, je crois l’avoir montré, sur ce point précis, le texte français
actuel est moralement et théologiquement supérieur à l’original latin.
Au printemps prochain, l’Assemblée des évêques de France se
réunira pour dire « oui » ou « non » à cette nouvelle
traduction, qui pourrait entrer en vigueur dans les paroisses dès le début du
Carême de 2017. En l’état actuel des choses, et s’il n’est plus possible de
revenir sur ces points importants, je vous demande, pour préserver la paix et
l’unité de l’Église de France, de répondre « non ».
Un soir, au diner, une de nos fille demande : vous avez une réunion à la paroisse ce soir ? ...oui ... Ouais, je sais, c'est pour la Gloire de Dieu et le Salut du monde, mais tout de même !!! Elle avait 11 ans. jamais elle n'aurait pu dire "c'est pour notre bien et celui de la Sainte eglise" !!! Bravo pour ce commentaire ...
RépondreSupprimeroui, bravo pour ce commentaire! je co-signe des deux mains et du fond du coeur chacun de ces mots.
RépondreSupprimerj'ai déjà du mal à continuer d'aller à la messe du fait d'un retour en force d'une liturgie rigide et du latin dans ma paroisse et dans mon diocèse...alors si en plus la version française perd de sa saveur...je ne sais pas si j'aurais la force de rester dans l'Eglise catholique...
le missel et les paroles d'un rituel écrits à un autre âge sont-ils donc Parole d'Evangile qu'il ne faille en changer une virgule?
je suis effarée par cette tendance à sacraliser et rigidifier des formules toutes faites, comme si leur formulation avait un pouvoir magique... Il me semble que c'est revenir à des rites incantatoires...que c'est vouloir enfermer la vérité et la puissance de Dieu, de son Esprit, dans des mots qui seuls en seraient les garants et les dépositaires...
c'est un retour vers une foi idolâtre de mon point de vue, où l'homme (ou plutôt certains hommes!) façonnent Dieu à leur image et à leurs pensées au lieu de se laisser façonner par Lui.
Viens Esprit Saint, viens en nos coeurs : rends droit ce qui est faussé, assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé...
Viens Esprit Saint, remplir jusqu'à l'intime le coeur de tous tes fidèles, et en particulier celui des évêques et des cardinaux qui gouvernent notre institution, afin que par chacun de nous tu achèves toute sanctification dans le monde...
la liturgie est:
RépondreSupprimer1- évolutive: elle n'a pas été toujours telle que nous la connaissons, donc elle peut continuer à évoluer
2- plurielle: elle a été diverse dès les origines, il y a eu trè tôt plusieurs liturgies locales, donc nous pouvons la penser localement
3- La liturgie est, notamment, le lieu de la rencontre des humains et de Dieu, lieu d'expression mutuel et de partage et, surtout, un mode d'expression qui crée la réalité de ce qu'il dit, donc il importe que les humains puissent s'y reconnaitre, puissent vibrer et s'exprimer.
4 - la liturgie n'est pas un formulaire de rites magiques. Dieu nous comprend même si nous nous taisons, à fortiori si nous mettons nos mots pour lui parler. C'est croire que nous sommes bien puissants que de croire que notre façon de faire les choses oblige Dieu, vous ne croyez pas?