Le 12 février dernier, au lendemain du remaniement
ministériel, Le Monde publiait un article intitulé : « Il n’y a jamais eu autant d’écologistes au gouvernement ».
Ce qui m’avait plutôt amusé, parce que moi, j’avais plutôt l’impression inverse :
on restait à zéro.
Car enfin, qui peut justifier ce titre ? Pas le
ministre de l’environnement, en tout cas. Ségolène Royal est sans aucun doute
une des pires à avoir occupé la fonction : sans aucune conviction
écologiste sérieuse, elle a cédé à tout ce que le pays compte de lobbies
acharnés à détruire la planète – l’agriculture productiviste, la chasse, les
gaz de schiste et j’en passe.
Les écologistes se sont souvent plaints d’être relégués au
seul ministère de l’environnement, et ont passé des années à réclamer de « grands »
ministères ; il est en tout cas notable qu’à présent que le ministère de l’environnement
fait justement partie des « grands » ministères (c’est-à-dire au
moins depuis que Juppé puis Borloo ont occupé le poste, entre 2007 et 2010), ce
n’est plus un écologiste qui l’occupe : le cas ne s’est plus présenté
depuis le départ d’Yves Cochet en 2002. Les écologistes n’auraient jamais dû
accepter de s’en laisser déposséder : ils ont bien fait de réclamer d’autres
postes en plus, mais ils ont eu grand
tort de renoncer si facilement à celui-là.
Évidemment, si Nicolas Hulot avait cédé aux sirènes de
Hollande, qui lui a proposé ledit ministère dans une version élargie (c’est-à-dire
ajoutant l’énergie et les transports à l’environnement, au développement
durable et à la mer), un écologiste véritable serait revenu à l’hôtel de
Roquelaure. Mais il a refusé, et il a bien fait. Pourtant, Hollande s’était
donné du mal, il n’y a pas à dire : le paquet cadeau comprenait l’abandon
de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, l’interdiction totale de l’exploitation et
même de l’exploration des gaz de schiste, la fin des rejets toxiques d’Alteo en
Méditerranée… Hulot a bien compris, cependant, que Hollande ne cherchait qu’à
récupérer quelques bribes de sa popularité et qu’en un an à peine au pouvoir,
il perdrait de toute manière plus en crédibilité qu’il n’apporterait de
solutions à la crise environnementale.
Pas de Hulot, pas de ministre de l’environnement écologiste :
finalement, qui reste-t-il pour justifier l’idée selon laquelle des écologistes
seraient entrés au gouvernement ? Eh oui, nos trois lèche-culs ex-EELV, il
n’y a plus qu’eux. Jean-Vincent Placé se démène depuis des années pour être ministre :
après avoir longuement critiqué la prétendue « mélenchonisation » des
Verts de l’intérieur, il a fini par claquer la porte du parti ; depuis, il
erre entre les micro-partis et les micro-fronts qu’il a fondés. Il a obtenu un
secrétariat d’État, ce n’est pas si mal. Barbara Pompili profite également de
sa trahison du parti qui a fait d’elle une députée et même la co-présidente d’un
groupe parlementaire : elle aussi touche un secrétariat d’État.
Enfin, Emmanuelle Cosse, ex-secrétaire nationale d’EELV. Ce
qui est un peu cocasse, parce que quand même, c’est le parti qui avait
réaffirmé son refus d’entrer au nouveau gouvernement de Manuel Valls. Comment
un chef de parti peut-il dire, ou laisser dire, « nous, on ne fera pas ça »,
et quelques jours après, dire au contraire « tiens, finalement, j’ai envie
de faire ça, donc je vais quitter mon poste de chef du parti » ? Ça en
dit long sur l’état de déliquescence avancée d’EELV.
Mais au-delà de ça, ces trois opportunistes sont-ils des
écolos ? Pas que je sache. Eux, c’est le contraire de Nicolas Hulot :
ce sont eux qui sont allés faire la danse des sept voiles à Valls et Hollande
pour qu’on les prenne. Et soit ils ont très bien compris qu’ils n’obtiendront
rien pour la planète, mais ils acceptent par intérêt personnel, auquel cas ils
sont juste opportunistes (et certainement pas écologistes) ; soit ils ne l’ont
pas compris, auquel cas ils sont stupides.
Le constat est donc accablant. D’une part, il n’y a aucun
écologiste véritable au gouvernement, ce qui signifie qu’il ne mènera aucune politique
écologiste réelle, même tardive, et que donc nous ne pouvons pas compter sur
lui pour régler les problèmes environnementaux. D’autre part, EELV, seul parti
d’importance en France qui ait fait de l’écologie une préoccupation première,
est plus qu’en pleine dérive : c’est un mort debout, dont on se demande même,
pour être honnête, comment il tient encore debout. Ce qui signifie que lui non
plus n’a pas les moyens d’influer sur la vie politique pour affronter la crise
écologique.
Ce qu’il faut en conclure ? L’écologie politique, si
elle parvient à se construire, ne pourra le faire que loin, très loin de la vie
politique traditionnelle. Pour qui a des convictions écologistes réelles, il ne
sert à rien de briguer des postes, de
demander des places ou de se présenter à des élections. Loin de cet arbre si
corrompu qu’il ne donnera plus jamais de bons fruits, il faut poser de petites
pierres qui pourront peut-être, si nous en avons le temps (soyons honnêtes, c’est
peu probable), poser les bases d’un monde nouveau, d’une nouvelle manière de
concevoir la société et son rapport à la nature ; et si nous ne l’avons
pas, qui pourront devenir des refuges, des îlots de résistance dans un monde
plus chaotique.
Cela implique donc de combiner de petits projets concrets,
des réalisations à l’échelle locale, avec un renouvellement théorique, un
projet de société cohérent qui puisse penser la sortie du Système, l’invention
et la construction d’un nouveau cadre. Si vous voulez vous battre pour la
planète, ne rejoignez pas un parti politique : rejoignez Tol Ardor,
rejoignez n’importe quelle communauté résiliente et décroissante, rejoignez une
AMAP ou une association de protection de la biodiversité près de chez vous. L’écologie
politique, c’est nous, pas eux.
Dans un autre ordre d’idées, il faut noter pareillement que pour vivre sa foi, il n’est nullement nécessaire de dépendre d’une quelconque institution religieuse.
RépondreSupprimerJe me demande même si une telle indépendance n’est pas souhaitable.