Vais-je finir par me lasser ? Les exemples se suivent
et se ressemblent pour confirmer ce que Tol Ardor annonce depuis des années
déjà.
Un peu d’exotisme, d’abord : commençons par ce qui se
passe en Pologne. Le gouvernement conservateur fraîchement élu a dans un
premier temps modifié illégalement la composition du Tribunal constitutionnel
du pays, sa plus haute juridiction, afin d’avoir les mains libres pour pouvoir
appliquer son programme tranquillou-quillou. Ils ont bien raison : ce
serait quand même bien con de se laisser emmerder par des magistrats (des
« petits pois », selon Sarko, souvenez-vous) qui pinaillent sur une
broutille comme la Constitution quand on a la légitimité démocratique avec soi,
pas vrai ? C’est bien le principe, après tout : le peuple est
souverain. Souverain, bordel ! « Souverain », ça veut dire qu’il
impose sa volonté à qui il veut, et que personne ne lui impose sa volonté.
Donc, les gouvernements précédents (ceux qui avaient rédigé ladite
Constitution) n’ont pas à imposer leur volonté (comprenez : à emmerder) le
gouvernement nouvellement élu, donc expression de la volonté populaire
souveraine, qui fait donc ce qu’il veut. CQFD.
Évidemment, nos amis polonais n’allaient pas s’arrêter en si
bon chemin. Il y a une dizaine de jours, ils ont également pondu une loi
mettant fin aux mandats des dirigeants de la radio et de la télévision
publiques. Ben oui, soyons logiques : si on met les juges au pas, autant
faire pareil avec les journaleux. D’ailleurs, le chef du groupe parlementaire
du parti au pouvoir, « Droit et justice » (euh, comment dire… a very poor choice of words), n’y va pas
par quatre chemins : « Les
médias ne pouvaient pas critiquer constamment les changements de loi mis en
place par le PiS. » Ah, d’accord. Les médias publics « ne peuvent
pas » critiquer le gouvernement.
Bon, mais l’Union européenne va réagir, n’est-ce pas ? C’est
quand même une atteinte assez grave à la liberté de la presse et au pluralisme
des médias. Qu’est-ce que vous croyez ? C’est déjà fait, mon bon
monsieur ! La Commission européenne a en effet annoncé, j’espère que vous
êtes assis, qu’elle allait commencer l’étude d’une procédure (faudrait quand
même pas aller trop vite) afin d’évaluer les risques de « menaces
systémiques envers l’État de droit » en Pologne. Pesez bien chaque mot :
on va commencer à réfléchir à un truc pour évaluer le risque présenté par le
gouvernement polonais. Ils doivent trembler, les types.
Ça ne vous rappelle rien ? Il y a quelques années, la
Pologne, déjà elle, avait annoncé qu’elle désirait réfléchir à un rétablissement
de la peine de mort. L’Union européenne avait déjà réagi avec la dernière
fermeté en disant que ce n’était pas bien. Il y a aussi la Hongrie, dirigée par
le gouvernement de droite dure, pour ne pas dire d’extrême-droite, tenu par
Victor Orban : là encore, l’Union européenne n’a pas trouvé les moyens de
réagir à sa dérive liberticide, pourtant extrêmement inquiétante.
Voilà donc un premier point : l’Union européenne est un
merveilleux outil économique ; elle nous apporte une grande prospérité et
un confort matériel exceptionnel. Mais elle n’est que cela : elle n’a
qu’un faible pouvoir politique, non seulement sur la scène internationale, mais
même envers ses propres membres. Pour ce qui est de préserver nos libertés
fondamentales de l’appétit de nos dirigeants, il n’y a plus personne (sauf pour
crier, bien sûr).
Et chez nous, à présent ? Parce qu’on ne va pas faire
que taper sur l’Europe de l’Est ; on a aussi largement de quoi balayer
devant notre porte. Eh bien chez nous, la réforme constitutionnelle voulue par
l’exécutif (et, avouons-le, par 9 Français sur 10) a de bonnes chances de
passer, grâce à la belle union entre le PS et l’UMP, qui tels les cochons et
les hommes dans La ferme des animaux,
sont de plus en plus difficiles à distinguer l’un de l’autre.
Les joyeux drilles qui nous gouvernent se lâchent de plus en
plus. Ainsi, Jean-Vincent Placé, qui ne perd que rarement l’occasion de dire
une connerie, propose d’étendre la déchéance de la nationalité française à tout
le monde, histoire qu’elle ne soit pas réservée aux binationaux. Ça créera des
apatrides, en contradiction avec les droits de l’homme et les traités
internationaux ? Pas grave, on n’a qu’à modifier les traités ! Sic.
Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy, en ballottage serré avec M. Placé pour le
titre de l’énormité du mois, demande que soient assignés à résidence avec
bracelet électronique tous les fichés S, comme ça, juste parce qu’ils ont été
fichés par les services secrets. Guillaume Larrivé, un de ses fidèles, et
accessoirement député (comme quoi ça ne veut plus dire grand-chose), demande
que soient déchus de leur nationalité française non seulement ceux qui auront
commis des crimes terroristes, même aussi ceux qui seront condamnés pour de
simples délits en la matière. Pourquoi pas ? L’avantage quand on a déjà
passé les bornes, c’est qu’il n’y a plus de limites.
Pour conclure, ai-je besoin de faire un dessin ? Ce
sont des gouvernements démocratiquement élus, expression de la souveraineté
populaire, qui, partout en Europe, mettent en place des mesures liberticides
qui ne peuvent que nous mener, à terme, vers le totalitarisme.
On ne peut même pas se réfugier derrière l’idée que nous ne
serions pas dans de vraies démocraties mais dans des ploutocraties puisque, que
ce soit vrai ou pas, ces mesures liberticides bénéficient d’un exceptionnel
soutien de la part des populations. Le parti au pouvoir en Pologne ne fait qu’appliquer
le programme sur lequel il a été élu. Quant à nous, quand plus de 80% des
Français affirment soutenir les mesures projetées par le gouvernement, on ne
peut pas faire semblant de croire que notre politique serait moins dangereuse
pour nos libertés fondamentales si nous étions dans une vraie démocratie.
Et pour couronner le tout, l’Union européenne, qui était
censée, entre autres, assurer le respect de nos grands principes politiques,
s’en révèle absolument incapable. Bref, on n’a pas les couilles sorties des ronces.
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