samedi 5 octobre 2013

Supprimons les feux de cheminée, la poésie, la vie, tout plutôt que de supprimer nos bagnoles


Un article du blog associé au Monde « SOS conso », rédigé par Rafaele Rivais, nous rappelle qu’à partir de 2015, les feux de cheminée en foyer ouvert (c’est-à-dire dans les cheminées traditionnelles, sans insert) seront interdits à Paris. C’est d’ailleurs déjà partiellement le cas, puisque les habitants de la capitale ne peuvent plus, depuis 2007, faire brûler un feu en foyer ouvert que pour le chauffage d’appoint (la cheminée ne peut donc pas être la source principale de chauffage) ou comme agrément. En 2015 (en même temps donc que les foyers ouverts seront définitivement interdits aux parisiens), cette mesure restrictive partielle s’étendra d’ailleurs à une bonne partie de l’Île-de-France (435 communes sont concernées). Et il est évidemment permis de se demander si cette « zone sensible pour la qualité de l’air », comme ils disent, ne se verra pas à terme imposer la même interdiction totale que Paris elle-même.

La raison invoquée est, naturellement, d’ordre sanitaire et écologique. Faire brûler du bois, ça dégage du CO2, gaz à effet de serre bien connu, et des particules fines, qui ne sont pas très bonnes pour nos petits poumons.

Pour moi, cette mesure est la preuve et le symbole d’un aveuglement total, d’un déni de réalité, d’un renversement complet des valeurs et des priorités. Il est de plus en plus difficile de nier l’évidence de la crise écologique et de ses conséquences pour la nature et pour la santé humaine ; mais plutôt que de s’interroger sur les causes profondes de cette crise, on préfère mettre en place des mesurettes sans aucune efficacité ni utilité, mais qui nous pourriront quand même bien la vie.

Au fond, c’est assez normal. S’interroger sur les causes profondes de la crise ne pourrait que conduire à constater qu’elles résident dans le Système lui-même, c’est-à-dire dans l’organisation même de notre société, dans les piliers qui la fondent, dans ses valeurs  et dans ses évidences. Cela conduirait donc à envisager des solutions radicales : au sens étymologiques, puisqu’elles toucheraient les « racines » même de la Crise (et donc celle de nos sociétés), mais aussi dans leurs effets concrets, puisque ces solutions radicales mèneraient à la disparition de notre civilisation et à la fondation d’un nouveau modèle de société, plus « durable » pour reprendre un mot à la mode, mais certainement aussi bien moins confortable.

C’est cela que veulent à tout prix éviter les puissants, les riches et (ce qui revient souvent au même) tous ceux qui nous gouvernent. Ils ne veulent surtout pas d’un changement radical. D’abord parce que, comme tout le monde, ils aiment bien le confort de cette société-là : l’un aime les cerises à Noël, l’autre ne veut surtout pas abandonner ses courses de formule 1 ; celui-là veut absolument garder ses trois télés, ses deux ordinateurs et son écran géant, celui-ci n’envisage pas de voyager autrement qu’en avion. Et surtout parce que, dans cette société, ils dominent, ils contrôlent, ils ont le pouvoir, ce qui ne leur serait pas garanti avec un autre mode de fonctionnement.

Et donc, ne pouvant nier l’évidence, mais refusant absolument d’y faire face, ils inventent ce qu’ils peuvent, histoire de faire croire qu’ils font quelque chose et de gagner du temps. En interdisant les feux de cheminée, on est exactement dans la logique que je dénonçais quand j’évoquais ceux qui voudraient nous faire manger des insectes : on met en place des changements qui ne vont pas résoudre le moins du monde la crise (car franchement, ce n’est pas en interdisant les feux de cheminée à Paris, ou même dans toute la France tant qu’on y est, qu’on réduira le réchauffement climatique), mais qui vont quand même rendre la vie moins belle.

Évidemment, j’entends déjà la cohorte de ceux qui vont me dire qu’en refusant cette évolution, je fais aussi passer mon confort avant la préservation de la planète. Que les feux de cheminée, comme les entrecôtes, ne sont pas essentiels. Peut-être bien. Mais je ne suis pas d’accord pour penser comme cela. Je l’ai toujours dit : mon but n’est pas de bâtir une société qui nous permette de survivre, mais bien une société qui nous permette de vivre. De vivre dignement, comme des hommes, avec ce qui fait notre humanité, notre richesse. D’avoir une vie véritable, belle, pas la survie laborieuse d’une sous-humanité qui se serait reniée elle-même plutôt que d’abandonner un modèle à bout de souffle. C’est d’ailleurs toute l’ambition de Tol Ardor, et son originalité par rapport à d’autres projets alternatifs : nous ne voulons pas seulement survivre, nous voulons aussi préserver l’essentiel, c’est-à-dire non pas un confort matériel impossible à tenir dans la durée, mais l’essence de notre culture et de notre civilisation.

Les feux de cheminée, ça en fait partie. Il y a la lumière du feu, quand on a éteint les ampoules et qu’on contemple les flammes, assis dans un fauteuil et dans l’ombre. Il y a le bruit du feu, le crépitement des braises, le sifflement des bûches qui éclatent sous la chaleur. Il y a l’odeur du feu, le parfum de la fumée et de la cendre, qui reste dans la pièce longtemps après que le feu s’est éteint.

Déjà, avec un insert, ce n’est plus la même chose. Moins de chant, moins de senteurs, moins d’âme. Mais si on n’a plus le feu du tout, c’est toute une poésie qui disparaît de nos vies. Désolé, mais je ne m’y résoudrai pas. Je refuse de vivre dans un monde où l’on nous fera éteindre nos feux de cheminée plutôt que d’envisager un contrôle de la natalité et la suppression des voitures. Une calèche tirée par un cheval, ça va moins vite qu’une bagnole, mais le résultat est exactement le même, car vous arrivez là où vous vouliez arriver. Les voitures sont donc dispensables, remplaçables. En revanche, rien ne vous apportera ce que vous apporte un feu de cheminée. On peut se passer d’un confort. On ne peut pas se passer de poésie, de beauté, de rêve.

1 commentaire:

  1. Pas le temps d'en écrire plus. Mais laisser deux ou trois petits mots.

    J'ai beaucoup aimé la chute de ton écrit.:
    On peut se passer d'un confort. On ne peut pas se passer de poésie de beauté , de rêve...

    Et s'ils savaient le bonheur de partager un grand moment de convivialité autour d'un feu ? Partager le silence ou la conversation devenue humaine et paisible car le feu de cheminée ne tolère pas les éclats de voix et les mauvais mots. Sentir tout contre soi l'épaule amie et diriger nos regards dans la même direction, vers les petites flammes dansantes .
    Autour du feu de cheminée nous renouons avec la longue lignée humaine, celle qui se rassurait bien soudée autour du feu source de SURVIE. Oui, tu as raison Marre des cons.!!!! vraiment cons par moment.

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