jeudi 13 juin 2013

Enseignants, reprenons le pouvoir avec la grève tournante !

Est-ce parce que je suis sérieusement en pétard à cause des propositions indécentes que le gouvernement fait pour renouveler le statut des enseignants à Mayotte ? Toujours est-il que je ressens l’impérieux besoin de secouer mes potes (dans le métier on dit « mes collègues » ou « mes camarades », selon les circonstances) syndicalistes, et de leur hurler : mais tonnerre de Brest, faites enfin votre boulot !

Syndiqué moi-même, j’entends souvent les copains se plaindre de leur prétendue impuissance et geindre doucement : « ah là là, on n’arrive pas à mobiliser… » Ben oui, banane ! évidemment que t’arrives pas à mobiliser. Que nous proposent les syndicats ? Un jour de grève par-ci, un jour de grève par-là. En insistant bien : surtout, ne restez pas chez vous, hein ! Venez manifester ! Et une fois le jour de grève et la manif faits et peu suivis, chacun rentre bien gentiment chez soi et retourne au turbin le lendemain.

Mais franchement, quel intérêt ? Aucun, strictement aucun. Un jour de grève isolé, c’est un jour de salaire perdu pour ceux qui travaillent, donc un jour de salaire gagné pour ceux qui nous emploient. Premier bon point pour le gouvernement. On ne fait pas chier grand-monde : les élèves sont fous de joie, les parents râlent, mais pas trop puisque le lendemain, leurs mioches ont de nouveau un enseignant face à eux, ce qui est la seule et unique chose qui les intéresse. Donc, second bon point pour le gouvernement, tout le monde est à peu près content. Et les revendications des grévistes, pendant ce temps ? Eh bien le ministère s’en tamponne l’oreille avec une babouche, et regarde les manifestants d’un œil amusé, le sourire aux lèvres, en murmurant la devise de toutes les démocraties : « cause toujours… »

Il faut donc être réaliste. Si nous, enseignants, voulons être entendus, si nous voulons voir nos revendications vraiment prises en compte, il faut toucher les rectorats et le ministère, les frapper là où ça fait mal. Notre mécontentement, ça leur en touche une sans faire remuer l’autre. Les conséquences de leurs réformes, pareil. Qu’est-ce qu’il nous reste ? Une seule option : mécontenter les parents. Pour ça, que faut-il ? Que leurs enfants n’aient, intensément et durablement, pas de profs devant eux. Et ça, ça marche : si chaque soir, petit chéri rentre à la maison en disant, tout heureux : « aujourd’hui, j’ai eu que deux heures de cours ! », là croyez-moi, les parents vont grincer des dents.

Le problème, c’est qu’évidemment, on ne peut pas faire grève indéfiniment. On n’est pas assez bien payés, même à Mayotte, pour avoir accumulé des réserves suffisantes pour arrêter le travail pendant un mois. Pour pallier ce problème, il y a longtemps que les travailleurs ont inventé la grève tournante : chacun fait grève un jour dans la semaine, en organisant des rotations ; ainsi, chacun ne perd que quatre ou cinq jours de salaire par mois, ce qui est tout à fait supportable, mais le système est perturbé sur la durée.

Et là, je me pose une question : est-ce que les syndicalistes ont réalisé à quel point ce système était redoutable dans la main des profs, ou est-ce qu’ils sont trop bêtes même pour ça ? On tient là un moyen imparable, une arme de destruction massive, et non seulement on n’y touche jamais, mais on n’en fait même pas un usage dissuasif ! Moi, ça me rend dingue.

J’explique pour ceux qui n’ont pas suivi. Tout tient dans une particularité du métier d’enseignant : on ne travaille pas autant chaque jour. Certains jour, on ne vient pas du tout dans l’établissement ; d’autres, on peut avoir jusqu’à huit ou neuf heures de cours. Bref, la moitié, ou quasiment la moitié, de notre service hebdomadaire.

Vous voyez où je veux en venir ? La mécanique est très simple : les syndicats déposent un préavis de grève illimitée ; à partir de là, les profs sont couverts et peuvent légalement faire grève quand ils veulent. Chaque prof choisit ensuite le jour de la semaine où il a le plus d’heures de cours et fait grève ce jour-là et uniquement ce jour-là.

Bilan des courses : chaque prof perd 4/30 ou 5/30 de son salaire, mais entre 1/5 et la moitié de son emploi du temps. Bref, pour une perte salariale minime, on supprime un maximum de cours. Deux petits ajustements pour finir :

1/ Les profs qui ne pourraient vraiment pas, financièrement, perdre 4/30 de leur salaire, pourraient ne faire grève qu’une fois toutes les deux semaines ;

2/ En cas de grève illimitée, l’employeur a le droit de retenir le salaire jusqu’à la reprise effective du travail. Autrement dit, si vous faites grève le vendredi et ne reprenez les cours que le lundi, vous perdez trois jours de salaire au lieu d’un. Réponse simple : chaque prof fait grève le jour où il a le plus d’heures de cours et où il travaille le lendemain. On ne perd pas beaucoup en efficacité.

On peut tenir ainsi quasiment indéfiniment, en désorganisant en profondeur le système. Bien sûr, cette méthode est catastrophique pour le métier en termes d’image. Mais franchement, dans la situation actuelle, je crois que le gouvernement ne nous laisse pas d’autre choix.

Camarades syndicalistes, s’il y a une faille que je ne vois pas, dites-la moi, et s’il n’y en a pas, diffusez l’idée !

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