samedi 30 mars 2013

Exercice à haut risque, je défends (un peu) François Hollande

Le Hollande bashing est à la mode. Il fait même fureur. Voulez-vous réconcilier un adorateur de Mélenchon, un suppôt de Marine Le Pen et un attardé de l’UMP ? Rien de plus simple : évoquez seulement l’actuel locataire de l’Élysée et commandez un semi-remorque de sucre pour le lui casser sur le dos ; aussitôt vous verrez nos trois adversaires devenir les meilleurs des amis et trinquer ensemble à sa destitution.

Eh bien moi, j’aimerais mettre un peu d’eau dans ce vin auquel je trouve un goût de plus en plus vinaigré.

Bien sûr, je ne vais pas devenir un thuriféraire de François Hollande ou des socialistes en général. Leur gouvernement est foireux et inefficace. Sur la plupart des sujets, ils ne font rien. L’économie, en particulier : la taxe à 75% sur les plus riches est morte, et on est en train de l’enterrer à la va-vite ; ministres et députés s’acharnent à lécher le cul du MEDEF, si fort qu’on va finir par croire qu’ils en aiment vraiment le goût ; au milieu du tableau, le joyeux clown Montebourg fait rire la galerie avec ses échecs à répétition, à tel point qu’il est en passe de devenir le personnage le plus drôle des Guignols de l’info ; François Hollande enfin, le roi nu, tondu, pelé, s’entête à perdre 3 points dans les sondages à chaque fois qu’il ouvre la bouche.

Pareil sur l’écologie, alors que c’est le problème majeur aujourd’hui, avant même l’économie : rien, soumission totale et absolue à la puissance industrielle et financière qui nous lance dans le mur. Sur d’autres sujets, le PS au pouvoir fait pire que rien, il fait mal. Parfois pire que le gouvernement précédent. Je l’ai déjà dénoncé ici même à propos des Roms.

Et malgré ça, je persiste et signe : taper comme ça sur le pouvoir ne mène pas à grand-chose, et ce pour trois raisons.

1. La première, c’est qu’on pouvait s’y attendre, à ce qu’il ne fasse rien sur les vrais problèmes de notre temps. Ça aussi, je l’ai dit ici même, le lendemain du second tour de la présidentielle : il n’allait rien faire, parce qu’il n’y a rien à faire. Les problèmes actuels ne sont pas circonstanciels ou conjoncturels, ils sont les produits de l’essence même de notre système économique, ils lui sont absolument consubstantiels. On ne peut donc pas les résoudre sans changer le Système. Et comment le changer ? Certainement pas par une démocratie verrouillée pour ne jamais porter au pouvoir que les partis du Système. À court terme, on pourrait envisager des solutions confiscatoires comme des nationalisations massives sans contrepartie financière, le gel des avoirs des plus riches au profit de l’État, mais même ça ne nous sauverait sans doute pas, et ça signifierait la guerre civile. Bref, on ne peut pas reprocher à Hollande de ne rien faire pour sauver l’économie, pas plus qu’on ne peut reprocher à un éléphant de ne pas savoir grimper aux arbres et sauter de branche en branche : il n’a ni la recette, ni les marges de manœuvre pour agir efficacement.

2. La seconde, c’est que sur la seule chose qu’il peut faire, à savoir les réformes sociétales qui ne coûtent rien, il agit. Il nous fait le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels, et je fais le pari qu’il tiendra le coup, même face aux manifestations massives des opposants au projet. On peut aussi assez raisonnablement espérer qu’il nous fera l’euthanasie, même si c’est déjà moins sûr. Ce ne sont pas des réformes secondaires. Ce sont d’importantes questions de principe qui changeront profondément la vie de milliers de personnes et qui, à terme (et c’est bien le plus important), feront évoluer les mentalités. Que les gens acceptent mieux la différence, qu’ils apprennent un peu le respect de l’autre, ce n’est pas secondaire.

3. La troisième, c’est que ça mène à la victoire de l’extrême-droite. Je suis tétanisé par la stupidité de Jean-Luc Mélenchon quand il envisage son affrontement avec le FN. Il a pris sa baffe aux présidentielles puis aux législatives, ça ne lui a pas suffi, pour qu’il veuille remettre ça aux européennes ? Mon Jean-Luc, écoute mon sage conseil : fais-toi réélire pépère dans un Sud-ouest qui t’est tout acquis, plutôt que d’aller chercher ta raclée contre le père dans Sud-est ou contre la fille dans le Nord-ouest. Parce que crois-moi, tu vas la prendre, ta raclée ! Quand j’entends des membres éminents du PG dire que la crise actuelle achève de discréditer les partis traditionnels et pousse le peuple vers les solutions radicales, je suis d’accord avec eux ; mais quand ils ajoutent que les gens vont donc devoir choisir entre la radicalité de droite et la radicalité de gauche, alors là, pardon, mais je pouffe. Comme si le choix n’était pas déjà fait ! Tout nous montre que, sans l’ombre d’un doute, la populace ira vers l’extrême-droite, depuis les résultats électoraux depuis 30 ans jusqu’à l’Histoire elle-même – faut-il rappeler que jamais une grave crise n’a profité à la gauche radicale quand la droite radicale existait de façon concurrente et organisée ?

Alors évidemment, on va m’accuser de ressortir le coup du vote utile, et donc de faire le jeu de partis traditionnels. Ce sera malhonnête : qui me connaît un peu sait parfaitement que mon but est le renversement du Système actuel. Seulement, il ne faut pas compter sur les élections pour faire advenir un changement dans le bon sens. Franchement, le monde promis par le PG ne me fait pas rêver, et je reste Ardorien through and through. Mais entre le PG et le FN, il n’y a évidemment pas à hésiter : le PG porte en lui le germe de son propre échec, mais je ne crois pas qu’il porte quoi que ce soit de bien dangereux, et sur le fond il porte un projet foncièrement juste ; alors que le FN porte en lui le germe du fascisme. Il ne doit en aucun cas arriver au pouvoir. C’est exactement pour cela que, surtout en période de crise, il faut se méfier comme de la peste du processus électoral. Ce n’est pas pour rien que Marine le Pen, qui est loin d’être une imbécile, fonde toute sa stratégie dessus.

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