lundi 23 juillet 2012

Grande enquête Cluedo : qui a tué 13 000 juifs ?

Le début de l’été est toujours un moment délicat pour les médias, car à moins d’une canicule qui désespère les agriculteurs et enthousiasme les héritiers, il n’y a en général pas grand-chose à se mettre sous la plume ou le micro pour faire passer le temps. Aussi une bonne polémique est-elle toujours la bienvenue. En l’occurrence, François Hollande nous offre exactement ce qu’il nous faut avec la question qui nous taraude tous : la France est-elle oui ou non responsable de la rafle du Vel’ d’Hiv ?

Petit rappel historique pour ceux qui auraient séché les cours en 3e et n’auraient donc jamais atteint la 1: la rafle du Vel’ d’Hiv est la plus importante arrestation de Juifs menée en France pendant la Seconde Guerre mondiale, plus précisément les 16 et 17 juillet 1942. 9000 gendarmes et policiers français ont été mobilisés à l’occasion de cette rafle organisée par le régime de Vichy. Sur les 13 152 juifs capturés, moins d’une centaine reviendront de déportation en vie.

Sur quoi porte donc la polémique ? Sur l’habituelle question mémorielle dite de la repentance. Le nouveau président de la République a qualifié la rafle de « crime commis en France par la France ». Rien de bien nouveau d’ailleurs : Jacques Chirac avait déjà dit exactement la même chose en son temps.

Avant de s’attaquer à la question de fond, on pourrait déjà se demander pourquoi, à chaque fois que ce genre de propos est tenu par une autorité quelconque, il se trouve des grincheux pour tomber à bras raccourcis sur ces formes de « repentance ». C’est ainsi que certains catholiques ne tolèrent pas que l’Église reconnaisse son erreur et présente des excuses sur des dossiers comme l’Inquisition ou le procès Galilée. Ou que beaucoup de Turcs refusent de reconnaître le génocide arménien.

Cela traduit une sacralisation, presque une déification des institutions auxquelles on est attaché. On est bien obligé de reconnaître que des chrétiens, des Français, des Turcs ont commis des erreurs, voire des fautes graves ou même des crimes abominables ; mais il faudrait à chaque fois que l’Église, la France ou la Turquie fussent préservées de toute erreur, de toute faute et de tout crime, bref de toute souillure.

Appelons les choses par leur nom : adorer de manière presque religieuse une institution humaine est une forme assez malsaine d’idolâtrie. Qu’on aime une institution, d’accord. Qu’on la divinise, non. Qu’est-ce qu’une institution en-dehors des êtres humains qui l’incarnent et l’animent ? Si les autorités légitimes de l’Église commettent des crimes en son nom, qu’est-ce qui permettrait à l’Église comme institution d’être pure de ces crimes ?

Dans la polémique présente, on assiste à un grand concert d’indignation. Ainsi, Henri Guaino est « scandalisé » : « ma France, elle n’était pas à Vichy, elle était à Londres […]. Il n’a pas parlé au nom de la France que j’aime. »

Je veux bien ; mais enfin, la France que monsieur Guaino aime, « sa » France, est-ce la France ? Rien ne me semble moins sûr. Qu’est-ce que « la France », en fait, sinon la rencontre d’un peuple (avec sa culture, son histoire etc.) et d’un territoire ? La rafle du Vel’ d’Hiv a bien été commise sur le territoire français. Qui l’a commise ? L’État français. D’où venait cet État ? Qui a donné les pleins pouvoirs en 1940 au maréchal Pétain, sinon, lors d’un vote à une écrasante majorité, l’Assemblée nationale française légitimement élue ?

Les gens sont décidément bien souvent démocrates à moitié. Tous les Français n’étaient sans doute pas collaborationnistes ; mais la très grande majorité d’entre eux n’étaient pas non plus résistants, et ils n’étaient certainement pas à Londres. Ils attendaient que les choses se passent, voilà tout. Et si vraiment toute souveraineté vient du peuple, on voit mal comment qualifier, comme le fait Chevènement, l’arrivée au pouvoir de Pétain de « coup d’État ». S’il existe des principes supérieurs auxquels les représentants du peuple doivent obligatoirement être fidèles sous peine de perdre leur légitimité, alors c’est qu’il y a quelque chose de plus grand et de plus important que la souveraineté populaire.

1 commentaire:

  1. Je te conseille la lecture de la BD dont j'ai parlé le mois dernier "il était une fois en France". Passionnant. C'est pas sur le Vel d'hiv, c'est sur la 2e guerre mondiale et une personnalité dont on ne sait si elle était collabo ou résistante...

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